Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... épouse M'A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 22 octobre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouvelé son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.
Par un jugement n° 1903415/5-1 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 7 novembre 2019 et le 21 décembre 2019, Mme D... épouse M'A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1903415/5-1 du 16 mai 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa présence, indispensable à son époux compte tenu du caractère particulièrement invalidant de sa pathologie, est constitutive d'une circonstance humanitaire justifiant son admission exceptionnelle au séjour ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour alors qu'elle vit en France avec son époux depuis 2008, le préfet de police a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle compte tenu de la durée de sa présence sur le territoire français, de la reconnaissance de son statut d'aidant familial, de son état de santé, de sa parfaite intégration dans la société française et de l'absence d'attache familiale dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... épouse M'A... ne sont pas fondés.
Par une décision du 9 septembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis Mme D... épouse M'A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. C... a présenté son rapport au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouse M'A..., ressortissante ivoirienne, née le 2 février 1967 et entrée en France en octobre 2008 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 octobre 2018, le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée. Mme D... épouse M'A... relève appel du jugement du 16 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Dans ces conditions, Mme D... épouse M'A... n'ayant pas expressément saisi le préfet de police d'une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut être utilement invoqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
4. D'une part, Mme D... épouse M'A... soutient que le préfet de police, en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'elle vit en France auprès de son époux depuis 2008 et que l'état de grande invalidité de son conjoint, qui souffre d'une spondylarthrite ankylosante, implique sa présence à ses côtés au quotidien. Si Mme D... épouse M'A... se prévaut à cet égard de la qualité d'aidant familial qui lui aurait été reconnue par la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé et fait valoir qu'elle bénéficie à ce titre d'une prestation de compensation du handicap, elle n'apporte toutefois aucun élément permettant d'attester de la reconnaissance d'un tel statut. Par ailleurs, si l'intéressée se prévaut également de la carte d'invalidité de son époux, celle-ci n'était valable que du 2 juillet 2013 au 30 septembre 2015, sans qu'il soit établi que M. M'A... en ait obtenu le renouvellement. En outre, il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu un avis le 25 mai 2018 dans lequel il précise, au sujet de l'époux de Mme D... épouse M'A..., que le défaut de prise en charge médicale de sa pathologie ne devrait pas avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager son risque. De même, il ressort d'un certificat médical du 14 novembre 2018 établi par un praticien du service de rhumatologie du centre hospitalier et universitaire de Bichat qui suit M. M'A... depuis 2012 que " grâce au traitement il a pu reprendre une activité physique normale, ce qui lui permet de voyager dans les meilleures conditions ". Dès lors, l'état de grande invalidité de M. M'A... dont se prévaut l'intéressée pour justifier de sa présence indispensable auprès de son époux ne saurait être tenu pour établi à la date de l'arrêté contesté. D'autre part, si Mme D... épouse M'A... soutient qu'elle a, en tout état de cause, fixé l'essentiel de ses attaches personnelles et familiales en France, compte tenu de sa présence auprès de son époux depuis plus de dix années et de la présence de sa soeur sur le territoire français, l'intéressée ne produit aucun élément permettant de justifier de l'ancienneté du séjour dont elle se prévaut ni d'établir qu'elle entretiendrait des liens affectifs avec sa soeur alors qu'il ressort des pièces du dossier que son époux, également de nationalité ivoirienne, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français encore exécutoire et que l'intéressée n'est pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 41 ans et où réside sa fille âgée de trois et demi. En outre, si Mme D... M'A... produit des bulletins de salaires à compter de mars 2018 justifiant d'une activité professionnelle en tant qu'aide éducateur, cette seule circonstance ne saurait justifier d'une intégration particulière. Dans ces conditions, Mme D... épouse M'A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police, en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, aurait méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou porté à son droit au respect d'une vie privée et familiale, tel que garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris son arrêté.
5. En troisième lieu, compte tenu des éléments exposés au point 4 du présent arrêt, Mme D... épouse M'A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle. En outre, si l'intéressée se prévaut d'une pathologie hématologique qui nécessiterait son maintien sur le territoire français, il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats produits par l'intéressée, que ces éléments médicaux sont postérieurs à l'arrêté contesté et qu'ils ne sauraient ainsi être utilement invoqués.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... épouse M'A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... épouse M'A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... épouse M'A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. C..., président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.
Le président de la 8ème Chambre,
J. LAPOUZADE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03525