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10/07/2020 | FRANCE | N°19PA02402

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 juillet 2020, 19PA02402


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2018, par lequel le préfet de police a refusé son admission exceptionnelle au titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1820944/5-1 du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2018 du préfet de police.

Procédure devant la Cour :

Par une r

equête enregistrée le 23 juillet 2019, M. B..., représenté par Me A..., a demandé à la Cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2018, par lequel le préfet de police a refusé son admission exceptionnelle au titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1820944/5-1 du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2018 du préfet de police.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2019, M. B..., représenté par Me A..., a demandé à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1820944/5-1 du 14 février 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2018 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen.

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros hors taxes ou 3 600 euros toutes taxes comprises à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen complet de sa situation, dès lors qu'il ne fait aucune référence à sa situation personnelle ;

- la décision a été prise en violation de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle a été prise en violation de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête et soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 29 mai 2019.

Par une ordonnance du 20 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 janvier 2020 à 12h.

Un mémoire a été présenté, le 17 juin 2020, pour M. B... après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme D... a présenté son rapport au cours de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant brésilien né le 29 juin 1973, est entré en France en 2012 selon ses déclarations. Il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 19 juillet 2018, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 14 février 2019, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, si M. B... soutient que la décision contestée est insuffisamment motivée et qu'elle est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation par le préfet de police, il reprend en appel ces moyens qu'il avait soulevés en première instance, sans produire d'élément de fait ou de droit nouveau. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

4. Il est constant que M. B... est atteint par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et que son état de santé nécessite une prise en charge médicale, et notamment un traitement médicamenteux, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si le requérant soutient qu'il ne peut bénéficier d'un traitement approprié au Brésil, les trois certificats médicaux du même praticien hospitalier en date des 25 juillet et 17 octobre 2016 et du 4 septembre 2017 qu'il produit, lesquels mentionnent seulement que son état de santé nécessite une prise en charge médicale spécialisée qui ne peut être dispensée dans le pays dont il est originaire, ne comportent aucun élément circonstancié de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ayant relevé qu'il pouvait bénéficier dans son pays d'origine des soins nécessités par son état de santé, alors qu'il ressort du compte rendu de consultation du 22 novembre 2018 que la charge virale est indétectable postérieurement au mois de juillet 2015. Si M. B... soutient que, compte tenu de son identité transgenre, il ne pourra avoir accès au traitement que requiert son état de santé au Brésil, compte tenu de la discrimination dont font l'objet les personnes transgenres dans ce pays, il ne produit aucun élément de nature à établir que cette discrimination ferait obstacle à un accès effectif aux soins. Dès lors, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans charge de famille, n'est pas dépourvu de toutes attaches au Brésil, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-neuf ans et où résident sa soeur et ses trois frères. Si le requérant se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France depuis son arrivée alléguée en 2012, il ne justifie pas de sa présence continue sur le territoire depuis cette date. Par ailleurs, si M. B... fait valoir qu'il est accompagné par une association qui vient en aide aux personnes transgenres et qu'il parle couramment le français, il ressort des pièces du dossier qu'il est hébergé par un tiers et ne justifie d'aucune ressource. Dans ces conditions, eu égard à la durée de la présence en France de M. B... et à ses conditions de séjour, le préfet de police n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Cette dernière n'est donc pas contraire aux stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé.

8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ".

9. Il résulte de ce qui a été jugé au point 4 que le moyen tiré de ce que, en opposant une obligation de quitter le territoire français à M. B..., le préfet de police aurait méconnu l'article L. 511-4 10° précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Cet article 3 stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants. ".

11. M. B..., dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait déposé une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, n'établit pas, par les documents d'ordre général qu'il produit, qu'il serait personnellement exposé à des risques pour sa vie ou sa liberté ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Brésil. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12 Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant au bénéfice par son conseil des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, président,

- Mme D..., premier conseiller,

- Mme Oriol, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2020.

Le rapporteur,

A. D...Le président,

P. HAMON

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02402 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02402
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SEMAK

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-10;19pa02402 ?
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