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10/07/2020 | FRANCE | N°19PA01908

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 juillet 2020, 19PA01908


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 février 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et a ordonné son placement en rétention administrative ainsi que l'arrêté du même jour prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1902410/8 du 15 février 2019,

le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté portant obligation d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 février 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et a ordonné son placement en rétention administrative ainsi que l'arrêté du même jour prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1902410/8 du 15 février 2019, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français en tant qu'il refuse à M. A... B... un délai de départ volontaire et l'arrêté du même jour lui interdisant de retourner sur le territoire français et a, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902410/8 du 15 février 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a retenu que les décisions du 4 février 2019 étaient entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les moyens soulevés par le requérant en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. A... B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme C... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant bolivien né en février 1982 et entré en France en 2006 selon ses déclarations, a été interpellé le 4 février 2019 en situation irrégulière par les services de police dans le cadre d'un contrôle routier. Par deux arrêtés du même jour, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné, l'a placé en rétention administrative et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par un jugement du 15 février 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français en tant qu'il refuse un délai de départ volontaire et l'arrêté portant interdiction de retour, avant de rejeter le surplus de la requête. Le préfet de police doit être regardé comme ne faisant appel que de l'article 1er de ce jugement, qui prononce ces annulations.

Sur la légalité du refus de délai de départ volontaire :

2. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ". Pour refuser un délai de départ volontaire à M. A... B..., le préfet de police s'est fondé sur l'existence d'un risque que l'intéressé se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

3. Pour annuler ce refus de délai de départ volontaire, le tribunal administratif de Paris a considéré que cette décision était entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... B... dès lors que celui-ci était partie demanderesse à une instance devant le conseil des prud'hommes et justifiait d'un intérêt à rester sur le territoire français jusqu'au prononcé de la décision de cette juridiction. Toutefois, cette circonstance, par ailleurs non établie, ne faisait pas obstacle à l'exécution immédiate de la mesure d'éloignement, les dispositions du code du travail permettant au demandeur de se faire représenter devant le conseil des prud'hommes par un défenseur syndical ou un avocat de son choix. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé pour ce motif sa décision de refuser à M. A... B... le délai de départ volontaire de droit commun de trente jours pour quitter la France.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A... B... à l'encontre du refus de délai de départ volontaire.

5. En premier lieu, la décision refusant un délai de départ volontaire est suffisamment motivée, en droit, par le visa de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, en fait, par l'existence d'un risque que l'intéressé se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement du 27 août 2013, motif prévu au d) du 3° de cet article, et n'est pas en mesure de présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, motif prévu au f) du 3° du même article. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, qui a bien noté que M. A... B... alléguait vivre en France depuis 2006 et qui n'ignorait pas qu'il avait indiqué avoir une résidence à Colombes, aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé.

7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que malgré la durée alléguée, mais non démontrée, de la résidence en France de M. A... B... et l'existence d'une adresse stable, le préfet aurait fait une inexacte appréciation des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai pour quitter la France.

8. Enfin, M. A... B... n'a pas contesté en appel le jugement du tribunal administratif qui rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français. Le moyen selon lequel le refus de délai de départ volontaire devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ne peut donc qu'être écarté.

9. Il ressort de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 février 2019 portant obligation de quitter le territoire français en tant qu'il refuse d'accorder un délai de départ volontaire à M. A... B....

Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

11. Le premier juge a annulé la décision portant interdiction du territoire français en conséquence de l'annulation de la décision refusant à M. A... B... un délai de départ volontaire. Il ressort de ce qui vient d'être dit que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé le refus de départ volontaire, préalable nécessaire en l'espèce à l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français.

12. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A... B... à l'encontre de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

13. D'une part, l'arrêté portant interdiction de retour vise l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève que M. A... B..., qui allègue être entré sur le territoire en 2006, ne peut être regardé comme se prévalant de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France, dès lors qu'il est célibataire et n'apporte pas la preuve qu'il est, comme il le déclare, père de deux enfants à charge. Il note en outre que l'intéressé a déjà fait l'objet le 27 août 2013 d'une mesure d'éloignement à laquelle il s'est soustrait. Enfin, dès lors que le formulaire utilisé par le préfet pour prendre cette décision comporte une case " considérant que le requérant représente une menace pour l'ordre public ", qui n'est pas cochée, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait omis d'examiner s'il présentait, ou non, une telle menace. Les pièces du dossier révèlent ainsi un examen suffisant de la situation de l'intéressé et la décision qui fixe à douze mois l'interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée.

14. D'autre part, en l'absence de toutes précisions apportées par M. A... B... sur les conditions de son séjour en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, en fixant à douze mois la durée de l'interdiction du territoire français, fait une inexacte application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 4 février 2019 portant obligation de quitter le territoire français en tant qu'il n'a pas accordé de délai de départ volontaire à M. A... B... et l'arrêté du même jour lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois. Les conclusions de première instance de M. A... B... tendant à l'annulation de ces deux décisions doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1902410/8 du 15 février 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions de première instance de M. A... B... tendant à l'annulation des décisions du 4 février 2019 par lesquelles le préfet de police lui a refusé un délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2020.

La présidente de la première chambre

S. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01908


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01908
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : GARCIA-PETRICH

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-10;19pa01908 ?
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