Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA SEHR Paris Bercy a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie en application des dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts au titre des années 2008 et 2009.
Par un jugement n° 1613448/1-1 du 27 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 août 2018, la société requérante, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1613448/1-1 du 27 juin 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- au regard des dispositions de l'article 5 du code des contributions de Saint-Barthélemy, la SA Sireto, à qui les dividendes ont été versés, ne saurait être regardée comme étant fiscalement domiciliée à Saint-Barthélemy pour l'application des dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts ;
- les retenues à la source auxquelles elle a été assujettie constituent une double imposition des distributions faites par une filiale à sa société mère en ce que la SA Sireto est assujettie à la contribution forfaitaire annuelle des entreprises prévue par le code des contributions de Saint-Barthélemy, qui est une imposition équivalente à l'impôt sur les sociétés ;
- les retenues à la source mises à sa charge méconnaissent le principe de liberté d'établissement garantit par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et les commentaires administratifs publiés aux bulletins officiels des finances publiques sous la référence 4 C-7-07 le 10 mai 2007.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive (CE) 90/435/CEE du 23 juillet 1990 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des contributions de Saint-Barthélemy ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SA SEHR Paris Bercy, au capital majoritairement détenu par la SA Sireto, dont le siège est à Saint-Barthélemy, exerce une activité d'hôtellerie dans le XIIème arrondissement de Paris. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle ont été mises à sa charge, en application du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, des retenues à la source au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010. Ces retenues à la source s'élèvent à 73 133 euros en 2008, 56 017 euros en 2009 et 40 790 euros en 2010 au titre de la distribution, à la SA Sireto, de dividendes d'un montant respectivement de 219 400 euros en 2008, de 164 550 euros en 2009 et 120 670 euros en 2010 et de sommes correspondant à une rémunération forfaitaire non justifiée regardée comme distribuée à la SA Sireto pour des montants de 3 500 euros en 2008 et 2009 et 1 700 euros en 2010.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes de l'article 109 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ".
3. En premier lieu, aux termes de l'article LO 6214-3 du code général des collectivités territoriales dans sa version applicable, relatif aux compétences de la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy : " I.- La collectivité fixe les règles applicables dans les matières suivantes :
1° Impôts, droits et taxes dans les conditions prévues à l'article LO 6214-4 ; cadastre ; (...) ". Les dispositions du 1° du I de l'article LO 6214-4 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2010-93 du 25 janvier 2010, fixent les conditions dans lesquelles le conseil territorial de Saint-Barthélemy peut décider que des personnes physiques et morales résidant à Saint-Barthélemy seront regardées comme ayant leur domicile fiscal sur ce territoire. Il en résulte que la collectivité de Saint-Barthélemy dispose d'une compétence exclusive pour instituer une imposition spécifique dans les matières pour lesquelles elle est compétente en vertu de l'article LO 6214-3 du code général des collectivités territoriales, et que les personnes qui ont leur domicile fiscal à Saint-Barthélemy ne peuvent être regardées comme domiciliées fiscalement en France.
4. Les articles 2 et 4 du code des contributions de Saint-Barthélemy, lequel est entré en vigueur au 1er janvier 2008, ont fixé, dans le respect du cadre tracé par les dispositions du 1° du I de l'article LO 6214-4 du cnde général des collectivités territoriales, les conditions auxquelles les personnes physiques et morales seront désormais regardées comme ayant leur domicile fiscal dans la collectivité de Saint-Barthélemy. L'article 5 du même code des contributions a limité, pour les personnes morales, les effets de leur domicile fiscal dans la collectivité de Saint-Barthélemy aux bénéfices ou revenus correspondant soit aux activités exercées sur le territoire de la collectivité de Saint-Barthélemy, à l'exclusion de toute activité, principale ou accessoire exercée sur un autre territoire, soit aux biens de toutes natures détenus sur le territoire de la collectivité de Saint-Barthélemy.
5. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la collectivité de Saint-Barthélemy n'a pas, en vertu de l'article 5 du code des contributions de Saint-Barthélemy, " expressément limité sa souveraineté fiscale à l'imposition des seules activités exercées sur son territoire ", mais seulement exempté des effets de la domiciliation fiscale, entre autres, les activités exercées par une personne morale en dehors de son territoire. Or, si les dividendes et rémunérations que la SA Sireto perçoit de sa filiale métropolitaine sont de source française, ces revenus sont perçus par elle en sa qualité d'associée non résidente en France. Le dispositif de la retenue à la source qui résulte de la combinaison de l'article 119 bis, 2 du code général des impôts et de l'article 164 B du même code relatif à l'imposition des non-résidents en France, a précisément pour objet d'imposer les distributions de source française. Le service était par suite fondé à considérer que la société Sireto était domiciliée hors de France pour faire application des dispositions de l'article 119 bis précité et assujettir à la retenue à la source les revenus distribués à celle-ci par la société requérante.
6. En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la SA Sireto est soumise à la contribution forfaitaire annuelle des entreprises prévue par les articles 7 et suivants du code des contributions de Saint-Barthélemy et que cette imposition étant équivalente à l'impôt sur les sociétés, la retenue à la source contestée constitue une double imposition des distributions qu'elle a versées à la SA Sireto, ce qui porte atteinte au principe de liberté d'établissement garanti par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et méconnaît le régime dit " mère-fille " issu de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990.
7. Aux termes de l'article 119 ter du code général des impôts, qui transpose la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 : " 1. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal. / 2 Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu'elle remplit les conditions suivantes : (...) d) Etre passible, dans l'Etat membre où elle a son siège de direction effective, de l'impôt sur les sociétés de cet Etat, sans possibilité d'option et sans en être exonérée ;(...) ".
8. Il résulte des articles 7 et suivants du code des contributions de Saint-Barthélemy que la contribution forfaitaire annuelle des entreprises, pour une partie forfaitaire et l'autre proportionnelle au nombre de salariés de l'entreprise, ne constitue pas un impôt sur les bénéfices et qu'elle ne peut par suite être regardée comme un impôt pouvant se substituer à l'impôt sur les sociétés. Pour ce motif, la SA SEHR Paris Bercy ne peut valablement invoquer la méconnaissance de l'article 119 ter précité du code général des impôts ni l'atteinte au principe de liberté d'établissement. La circonstance que la SA Sireto ait été soumise à l'impôt sur les sociétés jusqu'au 1er janvier 2008, date de l'entrée en vigueur du code des contributions de Saint-Barthélemy, reste sans incidence à cet égard pour ce qui concerne les retenues à la source en litige au titre des exercices clos en 2008 et 2009. Enfin et en tout état de cause, il ne résulte pas non plus de l'instruction que la SA Sireto serait soumise à l'impôt sur les sociétés, tel que prévu à l'article 206 du code général des impôts, au titre d'activités non insulaires.
9. En troisième lieu, la SA SEHR Paris Bercy entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative référencée BOI 4C-7-07 du 10 mai 2007, par laquelle l'administration a tiré les conséquences de l'arrêt rendu le 14 décembre 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire Denkavit Internationaal BV et SARL Denkavit France, disant pour droit que les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne s'opposent à une législation nationale qui, en ce qu'elle fait supporter le poids d'une imposition de dividendes à une société mère non-résidente tout en dispensant presque totalement les sociétés mères résidentes, constitue une restriction discriminatoire à la liberté d'établissement. Par l'instruction précitée, l'administration a ainsi indiqué qu'elle avait décidé de modifier, à compter du 1er janvier 2007, le traitement fiscal des distributions de source française effectuées au profit de sociétés ayant leur siège dans un autre Etat membre de la Communauté européenne. Aux termes du paragraphe 5 de cette instruction : " Désormais, en l'absence de montage artificiel, lorsqu'une société européenne bénéficie de dividendes de source française afférents à une participation supérieure à 5 % du capital de la société distributrice et se trouve, du fait d'un régime d'exonération applicable dans son Etat de résidence, privée de toute possibilité d'imputer la retenue à la source en principe prélevée en France sur le fondement du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, les distributions en question ne seront plus soumises à ladite retenue (...) ".
10. Il résulte de ce que la SA Sireto n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés qu'elle ne peut être considérée comme une société mère au regard des dispositions de l'article 3 renvoyant à l'article 2 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990. La requérante ne peut donc se prévaloir de l'instruction publiée sous la référence 4 C-7-07 le 10 mai 2007, faisant application des dispositions de ladite directive telles qu'interprétées par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.
11. Il résulte de ce qui précède que la SA SEHR Paris Bercy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA SEHR Paris Bercy est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA SEHR Paris Bercy et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, président,
- Mme B..., premier conseiller,
- Mme Oriol, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 juillet 2020.
Le rapporteur,
A. B...Le président,
P. HAMON
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02755