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10/07/2020 | FRANCE | N°18PA02601

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 juillet 2020, 18PA02601


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 6 juillet 2017 par laquelle la commission territoriale chargée de l'établissement de la liste des mandataires judiciaires de la Nouvelle-Calédonie a refusé son inscription sur cette liste et d'annuler, par voie d'exception, les délibérations n° 210/CP du 15 octobre 1997 et n° 95/CP du 8 août 2000.

Par un jugement n° 1700309 du 27 avril 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté s

a demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 6 juillet 2017 par laquelle la commission territoriale chargée de l'établissement de la liste des mandataires judiciaires de la Nouvelle-Calédonie a refusé son inscription sur cette liste et d'annuler, par voie d'exception, les délibérations n° 210/CP du 15 octobre 1997 et n° 95/CP du 8 août 2000.

Par un jugement n° 1700309 du 27 avril 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2018 et régularisée le 28 août 2018, et un mémoire en réplique enregistré le 26 mars 2019, M. E..., représenté par Me A..., demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 27 avril 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 6 juillet 2017 par laquelle la commission territoriale chargée de l'établissement de la liste des mandataires judiciaires de la Nouvelle-Calédonie a refusé son inscription sur cette liste ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 300 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement a été rendu par une formation de jugement qui n'était pas impartiale ;

- la décision du 6 juillet 2017 est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle a été élaborée par une commission irrégulièrement composée et par un membre qui n'était pas impartial ;

- elle a été prise par une autorité incompétente dès lors qu'elle n'a pas été prise par la commission mais par la seule présidente ;

- elle méconnaît le principe de transparence des décisions administratives dès lors que la copie du procès-verbal de la réunion, au cours de laquelle la décision a été prise et dont il a demandé la communication, ne lui a jamais été transmis et qu'il n'y a en fait pas eu de réunion ;

- le critère par lequel il a été écarté n'était pas prévu par la délibération n° 244 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en fixant comme critère de dispense l'acquisition de compétences de direction d'entreprise sans vérifier les connaissances réelles du candidat et en faisant une confusion entre les professions d'administrateur judiciaire et de mandataire liquidateur ;

- elle est illégale au motif d'une rupture d'égalité devant les charges publiques dès lors que la commission territoriale en 2017 a fait table rase de sa jurisprudence antérieure et exigé du candidat requérant des qualifications bien supérieures à ce qu'elle avait exigé précédemment pour d'autres professionnels ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir ;

- elle a été rendue au visa de deux délibérations modificatives qui sont entachées d'illégalités qui seront constatées par voie d'exception dès lors que :

- les points I et II de l'article 1er de la délibération n° 244 du 18 décembre 1991 et l'article 1er de la délibération n° 95/CP du 8 août 2000 sont entachés d'illégalité puisque ces dispositions violent les règles de répartition des compétences telles qu'elles découlaient de l'article 9 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 qui confiait au territoire la compétence de la règlementation des professions libérales ;

- la Nouvelle-Calédonie n'ayant jamais reçu du législateur national la possibilité de subdéléguer aux agents de l'Etat les pouvoirs qu'il lui avait confiés et en déléguant à l'Etat le soin d'instruire les dossiers et de constituer sous l'autorité de ses agents la liste des personnes habilitées à exercer les fonctions de mandataire-liquidateur en Nouvelle-Calédonie, les délibérations n° 210/CP du 15 octobre 1997 et n° 95/CP du 8 août 2000 violent les règles de répartition de compétence instituées par l'article 9 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 ;

- la délibération n° 210/CP du 15 octobre 1997 est entachée d'illégalité en ce qu'elle ne fixe pas de critères objectifs de qualification des personnes pouvant bénéficier de la dispense du diplôme national prévue par l'article 4.

Par mémoires en défense, enregistrés les 22 mars et 2 mai 2019, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par son président, représenté par la SCP Meier-Bourdeau Lécuyer, conclut à au rejet de la requête d'appel et à ce qu'il soit mis à la charge de M. E... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- la délibération n° 244 du 18 décembre 1991 modifiée par la délibération n° 210/CP du 15 octobre 1997 ;

- l'ordonnance portant organisation des services et fixant les audiences du tribunal de première instance de Nouméa à compter du 1er janvier 2017 ;

- le code de commerce ;

- le code de l'organisation judiciaire ;

- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me Lécuyer, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a produit le 10 juin 2020 une note en délibéré.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., avocat au barreau de Nouméa, a sollicité le 6 mars 2017 son inscription sur la liste des mandataires-liquidateurs de Nouvelle-Calédonie. Après avoir examiné sa demande et procédé aux consultations nécessaires à l'instruction, le commissaire du gouvernement désigné conformément aux dispositions de la délibération n° 244 du 18 décembre 1991 relative aux mandataires liquidateurs et aux experts en diagnostic d'entreprise a rendu son avis le 15 juin 2017. Cet avis a été complété le 28 juin 2017 par des documents relatifs aux exigences législatives applicables en métropole et relatives à l'accès à la profession de mandataire-judiciaire. Postérieurement à la remise de cet avis, la commission territoriale chargée de l'établissement de la liste des mandataires judiciaires de la Nouvelle-Calédonie s'est réunie le 29 juin 2017 et, après avoir entendu M. E..., a refusé son inscription sur cette liste par décision du 6 juillet 2017. M. E... relève appel du jugement n° 1700309 du 27 avril 2018 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie qui a rejeté le recours formé contre cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. E... soutient que le jugement a été rendu par une formation de jugement qui n'était pas impartiale. S'il résulte de l'instruction que le jugement qui a été notifié aux parties comportait dans la liste des membres de la formation le nom de " M. A..., conseiller près la cour d'appel de Nouméa " au lieu de celui de " M. Briquet, premier conseiller ", cette simple erreur matérielle qui a, d'ailleurs, fait l'objet d'une ordonnance en rectification du président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie le 18 mai 2018 ne permet pas, à elle seule, d'établir que M. A... aurait effectivement fait partie de la formation ayant rendu le jugement attaqué et donc que cette formation n'était pas impartiale.

3. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'appel :

4. Aux termes de l'article 1er de la délibération n° 244 du 18 décembre 1991 modifié : " Les mandataires liquidateurs sont les mandataires chargés par décision de justice de représenter les créanciers et de procéder éventuellement à la liquidation d'une entreprise dans les conditions définies par la loi n° 65-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation des entreprises ". Aux termes de l'article 2 de cette même délibération : " Nul ne peut être inscrit sur la liste des mandataires liquidateurs s'il ne remplit pas les conditions suivantes : (...) 4 - avoir subi avec succès l'examen national d'aptitude aux fonctions de mandataire-liquidateur après l'accomplissement d'un stage professionnel (...). Toutefois la commission territoriale peut, par décision motivée, dispenser les personnes des conditions fixées au " 4 " ci-dessus, si celles-ci justifient d'une expérience et d'une compétence jugées suffisantes par la commission en matière de gestion des entreprises ".

5. Dès lors qu'il est constant que M. E... ne remplissait pas la condition posée par le point 4 précité de l'article 2 de la délibération n° 244 du 18 décembre 1991 pour pouvoir être inscrit sur la liste des mandataires-liquidateurs, la commission a recherché si l'intéressé pouvait bénéficier de la dérogation prévue par l'article 2 de cette délibération en justifiant d'une expérience et d'une compétence jugées suffisantes par la commission en matière de gestion des entreprises.

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des motifs mêmes de la décision attaquée, que pour opposer un refus d'inscription à M. E..., la commission territoriale chargée de l'établissement de la liste des mandataires judiciaires de la Nouvelle-Calédonie a considéré que " l'inscription du ou des impétrants sollicitant une dispense d'obtention du diplôme prévu comme une condition de recevabilité de la demande d'inscription par la délibération précitée, impose que soient acquises non seulement les compétences exigées par la délibération mais également l'engagement d'un exercice professionnel loyal et confraternel " et " que ces exigences ne sont en l'espèce pas remplies et ne peuvent se déduire des seules déclarations de Me E... qui a développé oralement devant la commission son désir de réorientation professionnelle par son aspiration " à trouver un confort intellectuel et un confort de vie " et a affirmé que la " notion de confraternité est théorique, très volatile et qu'il n'y aura aucune coopération entre Me D... et lui ".

7. La condition relative à " l'engagement d'un exercice professionnel loyal et confraternel " n'est pas prévue par les dispositions précitées de la délibération n° 244 du 18 décembre 1991 relative aux mandataires liquidateurs et aux experts en diagnostic d'entreprise. Par suite, en opposant à M. E... cette condition illégale, la commission territoriale chargée de l'établissement de la liste des mandataires judiciaires de la Nouvelle-Calédonie a entaché sa décision du 6 juillet 2017 refusant son inscription sur cette liste d'une erreur de droit, qu'il n'y a pas lieu de neutraliser dans les circonstances de l'espèce.

8. Il résulte, par suite, de ce qui précède que M. E... est fondé à demander l'annulation du jugement n° 1700309 du 27 avril 2018 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et de la décision du 6 juillet 2017 par laquelle la commission territoriale chargée de l'établissement de la liste des mandataires judiciaires de la Nouvelle-Calédonie a refusé son inscription sur cette liste.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie le paiement à M. E... de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700309 du 27 avril 2018 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 2 : La décision du 6 juillet 2017 par laquelle la commission territoriale chargée de l'établissement de la liste des mandataires judiciaires de la Nouvelle-Calédonie a refusé l'inscription de M. E... sur cette liste est annulée.

Article 3 : Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est condamné à verser à M. E... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée, pour information, au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, à la commission territoriale chargée de l'établissement de la liste des mandataires-liquidateurs et à la haute autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme B..., premier conseiller,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.

Le président de la formation de jugement,

I. LUBEN

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 18PA02601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02601
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-04 Juridictions administratives et judiciaires. Magistrats et auxiliaires de la justice.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP MEIER-BOURDEAU LECUYER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-10;18pa02601 ?
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