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09/07/2020 | FRANCE | N°20PA00181

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 09 juillet 2020, 20PA00181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1919112/2-2 du 18 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregis

trée le 20 janvier 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1919112/2-2 du 18 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1919112/2-2 du 18 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 et de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les dispositions de la directive 2008/115/CE.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire elle-même illégale ;

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- ne comportant pas les informations prévues à l'article R. 511-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle le prive de garantie pour prouver l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2020, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 3 novembre 1985, est entré en France le 1er mai 2009 selon ses déclarations. Par un arrêté du 4 septembre 2019, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 18 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article, ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".

3. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit ou qu'une convention internationale stipule que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'un éloignement.

4. Pour contester l'obligation de quitter le territoire français du 4 septembre 2019, M. B... se prévaut d'une résidence habituelle en France depuis le 1er mai 2009. Il ressort, en effet, des pièces du dossier que l'intéressé produit de très nombreuses preuves de sa résidence habituelle en France depuis cette date, consistant notamment en des documents médicaux de consultations médicales, ordonnances sur lesquelles apparaissent les tampons des pharmacies dans lesquelles l'intéressé a acheté les traitements prescrits, compte-rendu médicaux et courriers de l'aide médicale d'Etat, ainsi que des relevés bancaires faisant apparaître des dépôts de chèques nombreux et réguliers. Dans ces conditions, compte tenu du nombre des documents produits, de leur valeur probante et de leur cohérence d'ensemble permettant d'établir la présence de l'intéressé sur le territoire national depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée, M. B... est fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien. L'intéressé est ainsi fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet des

Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français. Cette annulation entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, désignant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions de M. B... et d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de justice :

7. L'Etat versera une somme de 1 000 euros à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1919112/2-2 du 18 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 4 septembre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a obligé M. B... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B... et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Portes, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2020.

La présidente,

M. C...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00181
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : MEUROU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-09;20pa00181 ?
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