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09/07/2020 | FRANCE | N°18PA03570

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 09 juillet 2020, 18PA03570


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- la délibération n° 194 du 5 mars 2012 fixant les modalités de délimitation des zones de développement prioritaires (ZODEP) de la Nouvelle-Calédonie ;

- l'avis n° 415891 du Conseil d'Etat du 11 avril 2018 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a d

ispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application d...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- la délibération n° 194 du 5 mars 2012 fixant les modalités de délimitation des zones de développement prioritaires (ZODEP) de la Nouvelle-Calédonie ;

- l'avis n° 415891 du Conseil d'Etat du 11 avril 2018 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me A... pour la Province Nord de Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. La Province Nord relève appel du jugement du 13 septembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés n° 2017-763 et n° 2017-767 du 28 mars 2017 du gouvernement de Nouvelle-Calédonie instituant les zones de développement prioritaires (ZODEP) Est et Houaïlou Tribu de Bâ-Kaora.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La Province Nord soutient, en premier lieu, que le tribunal a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis n° 415891 du 11 avril 2018 rendu par le Conseil d'Etat qui ne constitue pas une décision juridictionnelle. Toutefois, la circonstance que le jugement attaqué fasse siens les principes dégagés par le Conseil d'Etat à la demande du tribunal ne constitue pas une méconnaissance de leur office par les premiers juges. Ce moyen ne peut qu'être écarté.

3. La Province Nord soutient, en deuxième lieu, que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation en ce qu'il n'explicite pas en quoi l'objectif " de favoriser le développement social, économique et écologique de l'ensemble du territoire de la Nouvelle-Calédonie " assigné à la création des ZODEP en vertu de l'article 1er de la délibération n° 194 du 5 mars 2012 ressortirait du champ des principes directeurs du droit de l'urbanisme. Il ressort toutefois des points 8 et 9 du jugement attaqué qu'il indique que la conduite, dans le respect des objectifs précités, de cette nouvelle procédure d'aménagement, relève du champ des principes directeurs du droit de l'urbanisme, au sens du 21° de l'article 22 de la loi organique du

19 mars 1999. Le moyen manque en fait.

4. En troisième lieu, la Province Nord soutient que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'impossibilité de l'existence d'un régime fiscal privilégié comme fondement de la compétence du gouvernement pour édicter les arrêtés attaqués. Toutefois, en rattachant l'institution des ZODEP à la compétence du gouvernement de Nouvelle-Calédonie en matière de principes directeurs du droit de l'urbanisme, le tribunal a implicitement mais nécessairement écarté le moyen comme inopérant.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur l'exception d'illégalité de la délibération n° 194 du 5 mars 2012 fixant les modalités de délimitation des ZODEP :

6. La Province Nord soutient que les arrêtés litigieux sont illégaux à raison de l'illégalité de la délibération n° 194 du 5 mars 2012 fixant les modalités de délimitation des ZODEP.

7. Elle soutient, en premier lieu, que cette délibération méconnaît la répartition des compétences en Nouvelle-Calédonie et le principe de libre-administration des collectivités territoriales dès lors que la création de ZODEP relève de la compétence des provinces.

8. Aux termes de l'article 3 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée : " Les provinces et les communes de la Nouvelle-Calédonie sont des collectivités territoriales de la République. Elles s'administrent librement par des assemblées élues au suffrage universel direct, dans les conditions prévues au titre V en ce qui concerne les provinces. ". Aux termes de l'article 20 de la loi : " Chaque province est compétente dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat ou à la Nouvelle-Calédonie par la présente loi, ou aux communes par la législation applicable en Nouvelle-Calédonie ". Aux termes de l'article 22 de la même loi : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : (...) 21° Principes directeurs du droit de l'urbanisme, sous réserve des compétences des provinces en matière d'environnement ; normes de constructions ; cadastre ; ".

9. Les principes directeurs du droit de l'urbanisme, au sens des dispositions précitées de l'article 22 de la loi organique doivent s'entendre non comme correspondant aux principes fondamentaux dont la détermination est réservée au législateur par l'article 34 de la Constitution, ni aux normes adoptées en métropole par le législateur, mais comme les principes relatifs à l'urbanisme et concernant, sur le fond et quant à la procédure, l'encadrement des atteintes au droit de propriété, la détermination des compétences et la garantie de la cohésion territoriale. Constituent donc des principes directeurs du droit de l'urbanisme, au sens de ces dispositions, les règles générales relatives à l'utilisation du sol, aux documents d'urbanisme, aux procédures d'aménagement et au droit de préemption, ainsi que celles relatives à la détermination des autorités compétentes pour élaborer et approuver les documents d'urbanisme, conduire les procédures d'aménagement, délivrer les autorisations d'urbanisme et exercer le droit de préemption. Font également partie de ces principes directeurs les règles générales régissant l'exercice de ces compétences. En ce qui concerne plus précisément les procédures d'aménagement, relèvent des principes directeurs la fixation des finalités des actions ou opérations d'aménagement, la définition de leur champ d'application, la détermination des autorités compétentes pour les mettre en oeuvre, des procédures et modalités auxquelles cette mise en oeuvre est soumise ainsi que des pouvoirs qui peuvent y être exercés.

10. L'objectif poursuivi par la création des ZODEP de développement social, économique et écologique de l'ensemble du territoire de la Nouvelle-Calédonie se décline à travers une politique de l'habitat, un appui à l'implantation d'activités économiques et d'infrastructures publiques et des actions de valorisation de la terre correspondant à des sous-zones énumérées à l'article 3 de la délibération litigieuse. L'institution par cette délibération d'une nouvelle procédure d'aménagement, la détermination de son contenu, de ses effets, de la collectivité qui peut la mettre en oeuvre, ainsi que des modalités de cette mise en oeuvre, relèvent des principes directeurs du droit de l'urbanisme, nonobstant la circonstance qu'aucun visa, ni disposition de la délibération ne fasse référence à l'urbanisme. Il s'ensuit en vertu de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999, que la Nouvelle-Calédonie était compétente pour créer cette procédure d'aménagement et confier au gouvernement de Nouvelle-Calédonie la compétence pour instituer ces zones, sans méconnaître les compétences des provinces ni porter atteinte au principe de libre-administration des collectivités territoriales.

11. En deuxième lieu, la Province Nord soutient que la délibération méconnaît la spécialité des champs des différentes politiques publiques dès lors que le développement économique, l'implantation des infrastructures publiques, la valorisation de la terre, le développement d'outils de production industrielle, le traitement et le recyclage des déchets ou la mise en place de jardins familiaux et de labels de produits agricoles n'entrent pas dans le champ des principes directeurs de l'urbanisme. Toutefois, en se bornant à fixer à l'article 4 différents objectifs assignés aux sous-zones mentionnées à l'article 3 pouvant relever de différentes politiques publiques, la délibération litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la spécificité de chacune d'elles tant en termes de définition que de conduite.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée : " Les délibérations par lesquelles le congrès adopte des dispositions portant sur les matières définies à l'alinéa suivant sont dénommées : " lois du pays ". Les lois du pays interviennent dans les matières suivantes correspondant aux compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie ou à compter de la date de leur transfert par application de la présente loi : (...) 5° Statut civil coutumier, régime des terres coutumières et des palabres coutumiers ; limites des aires coutumières ; modalités de désignation au sénat coutumier et aux conseils coutumiers, sous réserve des dispositions des articles 137,138 et 138-1 ; (...)10° Principes fondamentaux concernant le régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et

commerciales ; ".

13. La Province Nord soutient qu'à supposer que la création des ZODEP entre dans le champ des principes directeurs de l'urbanisme, elle devait donner lieu au vote d'une loi de pays et non à l'adoption d'une simple délibération, en vertu des articles 99-5°et 99-10° de la loi organique du 19 mars 1999. Toutefois, d'une part, la création des ZODEP ne concerne ni le régime des terres coutumières, ni la délimitation des aires coutumières, ni les autres matières énumérées à l'article 99-5° de la loi organique, d'autre part, ces opérations d'aménagement n'ont ni pour objet ni pour effet de déterminer ou de modifier les principes fondamentaux concernant le régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales visées à l'article 99-10° de cette même loi. Par suite, la Province Nord n'est pas fondée à soutenir qu'une loi de pays aurait dû être votée par le congrès afin d'habiliter le gouvernement à instaurer des ZODEP.

14. La circonstance, enfin, que l'article 2 de cette délibération serait dépourvu de toute portée normative est sans incidence sur sa légalité.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la Province Nord n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés n° 2017-763 et n° 2017-767 du 28 mars 2017 du gouvernement de Nouvelle-Calédonie instituant les zones de développement prioritaires (ZODEP) Est et Houaïlou Tribu de Bâ-Kaora.

Sur les frais de l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas la partie perdante, verse à la Province Nord la somme qu'elle demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de condamner cette dernière à verser au gouvernement de Nouvelle-Calédonie une somme de 1 000 euros sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Province Nord est rejetée.

Article 2 : La Province Nord versera au gouvernement de Nouvelle-Calédonie une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au président de l'assemblée de la Province Nord et au président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Portes, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2020.

La présidente,

M. B...

La République mande et ordonne à la ministre des Outre-Mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA03570 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03570
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

46-01-02-01 Outre-mer. Droit applicable. Statuts. Nouvelle-Calédonie.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : BRAS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-09;18pa03570 ?
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