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09/07/2020 | FRANCE | N°18PA01694

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 09 juillet 2020, 18PA01694


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Onet services a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, de condamner l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie à lui régler la totalité des factures de prestations de nettoyage pour la période d'août à octobre 2015 et, à titre subsidiaire, de condamner l'établissement public à lui verser une somme de 157 425, 46 euros au titre de ses préjudices.

Par un jugement n° 1602738/3-3 du 21 mars 2018, le Tribunal

administratif de Paris a condamné l'établissement public du Palais de la découverte e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Onet services a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, de condamner l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie à lui régler la totalité des factures de prestations de nettoyage pour la période d'août à octobre 2015 et, à titre subsidiaire, de condamner l'établissement public à lui verser une somme de 157 425, 46 euros au titre de ses préjudices.

Par un jugement n° 1602738/3-3 du 21 mars 2018, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie à verser à la société Onet services la totalité du prix des factures émises pour les mois d'août, septembre et octobre 2015.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2018, l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie, représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602738/3-3 du 21 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Onet services devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la société Onet services le versement de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué a omis de répondre à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions subsidiaires présentées par la société Onet services et au moyen de défense tiré de l'absence de service fait ;

- la demande de première instance était irrecevable dès lors que le différend entre les parties est né le 4 novembre 2015 et que la société Onet services n'a pas adressé de mémoire en réclamation dans le délai de deux mois à compter de cette date, en méconnaissance de l'article 37. 2 du CCAG-FCS ;

- l'établissement a, en application de l'article 9 du CCAP et de l'article 7 du CCTP, le droit de suspendre ou interrompre les prestations pour des raisons de sécurité ;

- en dépit du caractère forfaitaire du prix du marché, le titulaire n'a pas droit au paiement des prestations qu'il n'a pas effectivement réalisées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2018, la société Onet services, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 16 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 octobre 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me Mirabel, avocat de l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie,

- et les observations de Me Cloquet, avocat de la société Onet services.

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie a conclu avec la société Onet services un marché public de prestations de nettoyage du bâtiment principal de la cité des sciences et de l'industrie pour une durée de quatre ans à compter du 1er avril 2013, comprenant une part forfaitaire pour le nettoyage régulier et une part à bons de commande pour les prestations exceptionnelles. A la suite d'un incendie survenu le 20 août 2015 et de l'interdiction d'accès aux locaux, la société Onet services a interrompu ses prestations de nettoyage régulier jusqu'au 5 octobre 2015. Par courrier du 28 octobre 2015, l'établissement public a informé la société Onet services qu'elle procédait à une réfaction du montant des factures présentées pour les mois d'août, septembre et octobre 2015, correspondant au nombre de jours au cours desquels les prestations n'ont pas été réalisées. Par courrier du 18 janvier 2016, la société Onet services a contesté la réfaction opérée d'un montant de 157 425, 46 euros et a demandé, à titre subsidiaire, la réparation de son préjudice financier. Par un jugement du 21 mars 2018, dont l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie relève appel, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'établissement public à verser à la société Onet services la totalité du prix des factures émises pour les mois d'août, septembre et octobre 2015.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services : " Différends entre les parties / 37. 1. Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché. / 37. 2. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. / 37. 3. Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception du mémoire de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation. ". Il résulte de ces stipulations que, lorsqu'intervient, au cours de l'exécution d'un marché, un différend entre le titulaire et l'acheteur, résultant d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de ce dernier et faisant apparaître le désaccord, le titulaire doit présenter, dans un délai de deux mois, un mémoire de réclamation, à peine d'irrecevabilité de la saisine du juge du contrat.

3. Il n'est pas contesté que la société Onet services a adressé à l'établissement public les factures relatives aux prestations prévues au titre forfaitaire pour les mois d'août, septembre et octobre 2015. Par courrier du 28 octobre 2015, l'établissement public a fait part à la société Onet services de sa décision d'appliquer des réfactions de prix pour les prestations prévues au titre du marché qui n'ont pas été exécutées totalement compte tenu de la fermeture temporaire du musée pour des raisons de sécurité suite à l'incendie du 20 août 2015 en mentionnant le montant et les modalités de calcul des diminutions opérées sur les factures. Si la société Onet services fait valoir qu'elle a adressé un recours gracieux par courrier du 13 novembre 2015 en vue de trouver une solution convenant à l'ensemble des parties et qu'un règlement amiable a été envisagé, conformément à l'article 37.1 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du courrier du

28 octobre 2015 exposant de façon claire, explicite et non équivoque l'existence d'un désaccord de l'établissement public sur le règlement de la totalité des factures afférentes aux mois d'août, septembre et octobre 2015, que l'établissement public n'entendait pas refuser le paiement de la totalité des factures et que le différend entre les parties présentait un caractère éventuel ou conditionnel. Par ailleurs, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la circonstance que le courrier du 28 octobre 2015 se présentait comme une décision unilatérale et invoquerait un fondement erroné est sans incidence sur la naissance du différend entre les parties. Par suite, le courrier du 28 octobre 2015 a, dès sa réception par la société Onet services le 4 novembre 2015, fait naître entre les parties un différend au sens de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché.

4. Il résulte des stipulations citées au point 2 qu'un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées.

5. D'une part, il résulte de l'instruction qu'en réponse au courrier de l'établissement public du 28 octobre 2015, la société Onet services a adressé un courrier en date du 13 novembre 2015 indiquant, après avoir contesté l'application de l'article 9 du CCAP et la méthode employée, ne pouvoir accepter cette décision de réfaction et être soucieuse de trouver une solution convenant à l'ensemble des parties. La société Onet services fait d'ailleurs valoir qu'elle a ainsi recherché un règlement amiable au différend en application de l'article 37.1 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services. Alors même qu'il comporte l'énoncé d'un différend, ce courrier, qui ne comporte aucune réclamation et se limite à faire état de la disponibilité de la société pour aborder les éventualités et pour rechercher une solution, n'est pas constitutif d'un mémoire de réclamation au sens de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, applicable au marché en cause. D'autre part, si le mémoire en réclamation du 18 janvier 2016 tend au versement de la totalité des factures d'août à octobre 2015, il a été adressé plus de deux mois suivant la naissance du différend. Par suite, et en l'absence de mémoire en réclamation au sens de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie est fondé à soutenir que les conclusions tendant au règlement de la totalité des factures présentées à titre principal par la société Onet services devant le tribunal étaient irrecevables.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les conclusions subsidiaires présentées par la société Onet services devant le Tribunal administratif de Paris.

7. La société Onet services a demandé, à titre subsidiaire, la condamnation de l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie à lui verser une somme de 157 425, 46 euros correspondant aux dépenses de personnel et à la perte de marge bénéficiaire pendant la période litigieuse. Il résulte de l'instruction que le mémoire en réclamation du 18 janvier 2016 ; qui sollicite l'indemnisation du préjudice financier subi par la société Onet services, ne comporte aucune indication des bases de calcul des sommes réclamées. Par suite, et en l'absence de mémoire en réclamation au sens de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences est également fondé à soutenir que les conclusions indemnitaires présentées à titre subsidiaire par la société Onet Services devant le tribunal étaient irrecevables.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à la société Onet services la totalité du prix des factures émises pour les mois d'août, septembre et octobre 2015.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Onet services la somme demandée par l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que soit mis à la charge de l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Onet services demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1602738/3-3 du 21 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Onet services devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Onet services et à l'établissement public du Palais de la découverte et de la cité des sciences et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente,

- Mme Portes, premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2020.

La présidente,

M. C...La République mande et ordonne au ministre de la culture et au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA01694


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01694
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : LETURCQ SHIRLEY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-09;18pa01694 ?
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