Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 29 août 2017 par laquelle le directeur territorial Bassin de la Seine des Voies navigables de France (VNF) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 31 janvier 2017, ensemble la décision du 12 octobre 2017 rejetant son recours administratif, d'enjoindre à l'administration de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident du 31 janvier 2017 dont elle a été victime dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge des Voies navigables de France une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 17009983 du 12 novembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 janvier 2020 et 11 juin 2020, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 12 novembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 29 août 2017 par laquelle le directeur territorial Bassin de la Seine des Voies navigables de France (VNF) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 31 janvier 2017, ensemble la décision du 12 octobre 2017 rejetant son recours administratif ;
3°) d'enjoindre à l'administration de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident du 31 janvier 2017 dont elle a été victime dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de justice ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 29 août 2017 a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la commission de réforme n'a pas été saisie de sa demande et qu'en conséquence elle n'a pu, ni prendre connaissance de son dossier, ni être entendue par cette commission préalablement à l'intervention de la décision ;
- le tribunal a, à tort, écarté ce moyen au motif que l'administration n'était pas tenue de saisir la commission de demandes manifestement infondées ;
- les décisions attaquées sont entachées d'illégalité interne dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que son accident est bien survenu le matin du 31 janvier 2017 à une station-service pendant le trajet entre son domicile et son bureau et constitue dès lors un accident de service ;
- sa demande de première instance n'était pas tardive puisque la lettre du 13 mars 2017 ne revêtait pas de caractère décisoire et que la décision du 29 août 2017 constituait bien la véritable décision, faisant courir un délai de recours ; sa pathologie résultant de l'accident du 31 janvier 2017 ne présente pas de lien avec ses pathologies antérieures ;
Par des mémoires en défense enregistrés le 4 mars 2020 et 18 juin 2020, l'établissement public " Voies navigables de France ", représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable car tardive ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour l'établissement public " Voies navigables de France ".
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., adjoint administratif principal affectée à la direction territoriale Bassin de la Seine depuis le 16 juillet 2001, et qui avait été placée en congé de longue durée du 2 avril 2012 au 1 er avril 2014 en raison de ses problèmes de santé, a déclaré le 31 janvier 2017 avoir été victime le matin même, en se rendant sur son lieu de travail, d'un accident de trajet, consistant en un faux mouvement lui ayant endommagé l'épaule gauche alors qu'elle remettait sa ceinture de sécurité à la station-service située sur le trajet de son domicile à son lieu de travail, où elle s'était arrêtée prendre de l'essence. Elle a alors demandé que soit reconnue l'imputabilité au service de cet accident et qu'il soit considéré comme un accident de service. Toutefois, le directeur territorial Bassin de la Seine a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident par décision du 29 août 2017, confirmée par décision du 12 octobre 2017, rejetant le recours gracieux formé par Mme C... le 14 septembre 2017. Celle-ci a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de ces deux décisions mais le Tribunal administratif de Melun l'a rejetée par un jugement du 12 novembre 2019 dont Mme C... interjette appel.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. Il ressort de la décision attaquée, en date du 29 août 2017, qu'elle prend la forme d'un arrêté dont les visas ne mentionnent pas la précédente décision de refus d'imputabilité au service de l'accident de Mme C... contenue dans la lettre du 13 mars 2017. Par ailleurs, cette décision du 29 août 2017 n'indique pas rejeter un recours préalable, mais indique en son article 1er que l'accident de Mme C... est déclaré non imputable au service. Enfin cette décision comporte la mention des voies et délais de recours et indique notamment dans ce cadre que Mme C... peut former un recours administratif ou contentieux. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que cet arrêté du 29 août 2017 ne peut être regardé comme se bornant à rejeter un recours préalable de Mme C... dirigé contre la décision du 13 mars précédent, dont les termes pouvaient lui donner à penser qu'il s'agissait d'un avis, et qui par ailleurs n'indiquait pas les voies et délais de recours contentieux. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la décision du 29 août 2017 ayant été confirmée par décision du 12 octobre 2017 rejetant le recours gracieux formé par Mme C... le 14 septembre 2017, la demande de première instance enregistrée le 8 décembre 2017 n'était pas tardive et la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de cette demande ne peut à tous égards qu'être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 13 du décret visé ci-dessus du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / (...) 2. L'imputabilité au service de l'affection entraînant l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 34 (4°) de la loi du 11 janvier susvisée (...) / Pour l'octroi des congés régis par les 1 et 2 ci-dessus, la commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration. (...) " ;
4. Il ressort des attestations versées au dossier par une autre automobiliste qui attendait à la station-service Ecuelle/Moret-sur-Loing, sur la route départementale 606, derrière le véhicule de Mme C... le 31 janvier 2017 vers 8H45 qu'elle a vu cette dernière souffrante dans son véhicule et que celle-ci lui a indiqué, lorsqu'elle s'est inquiétée, qu'elle avait fait un faux mouvement en attachant sa ceinture de sécurité et souffrait de son bras gauche. Il ressort de même des pièces du dossier, d'une part que Mme C... a consulté le jour même vers 20h son médecin traitant " dans les suites de ce qu'elle (m') a déclaré être un accident de trajet. Elle présentait une impotence fonctionnelle douloureuse du membre supérieur gauche ", et d'autre part qu'elle a également établi une déclaration d'accident. Par ailleurs, il est constant que la station-service dans l'enceinte de laquelle Mme C... indique s'être blessée se trouve sur le trajet reliant son domicile à son poste de travail, où il n'est pas sérieusement contesté qu'elle se rendait. Enfin si l'établissement public défendeur fait valoir que les douleurs dont se plaint Mme C... seraient vraisemblablement imputables à ses problèmes de santé passés plutôt qu'à un accident, il ressort des affirmations non contestées de celle-ci que ses douleurs se situent du côté gauche, soit du côté opposé à celui affecté par sa précédente pathologie. Ainsi l'accident en cause n'est, en tout état de cause, pas manifestement dénué de lien avec le service et Mme C... est dès lors fondée à soutenir que la commission de réforme aurait dû être consultée, en application des dispositions citées ci-dessus, et que son défaut de saisine entache d'irrégularité la décision du 29 août 2017 .
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Elle est par suite, fondée à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de la décision du 29 août 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 31 janvier 2017, et celle du 12 octobre 2017 rejetant son recours administratif.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L.911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Le présent arrêt implique qu'il soit enjoint à l'établissement public " Voies navigables de France " de se prononcer à nouveau, dans un délai de trois mois après saisine de la commission de réforme, sur la demande de Mme C... tendant à voir déclarer son accident du 31 janvier 2017 imputable au service.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'établissement public " Voies navigables de France" au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
8. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'établissement public "Voies navigables de France" une somme de 1500 euros à verser à Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1709983 du tribunal administratif de Melun du 12 novembre 2019 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à l'établissement public " Voies navigables de France " de se prononcer à nouveau, dans un délai de trois mois sur la demande de Mme C... tendant à voir déclarer son accident du 31 janvier 2017 imputable au service.
Article 3 : L'établissement public " Voies navigables de France " versera à Mme C... une somme de 1500 euros en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : les conclusions de l'établissement public " Voies navigables de France " présentées sur le fondement de l'article L761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à l'établissement public " Voies navigables de France "
Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme F... premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juillet 2020.
Le rapporteur,
M-I. F...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00221