Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... F... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 2 février 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1803908/2 du 2 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 juin 2019, le préfet du Val-de-Marne, représenté par Me B... D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1803908/2 du 2 mai 2019 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme F... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- aucun des moyens invoqués devant le tribunal par Mme F... n'est fondé.
Par un mémoire en défense et des pièces enregistrés le 13 février 2020, Mme F..., représentée par Me A... C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen invoqué par le préfet de police n'est pas fondé ;
- la décision portant refus de séjour a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire supérieure à trente jours n'est pas motivée ;
- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale ;
- elle a été prise par une autorité incompétente.
Par une ordonnance du 27 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante salvadorienne née le 21 juin 1985, a sollicité du préfet du Val-de-Marne la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article
L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre subsidiaire, la régularisation de sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 2 février 2018, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera reconduite. Par un jugement n° 1803908/2 du 2 mai 2019, dont le préfet du Val-de-Marne relève appel, le Tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2. Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. / (...) ". Aux termes de l'article L. 313-7 du ce code : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. / (...) ". Aux termes de l'article R. 313-10 du même code : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 2° de l'article R. 313-1 ; / 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; / (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté contesté devant lui par Mme F..., le tribunal a estimé qu'au vu du parcours scolaire et universitaire de l'intéressée, qui justifiait avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur, de la circonstance que sa candidature avait été retenue par l'association " Internet et Jurisdiction Policy Network " pour effectuer un stage dans le cadre de son master 2, et des conditions de délai dans lesquelles elle avait été informée, tant de son admission que de la nécessité de sa présence le premier jour de la rentrée sous peine d'être exclue du cursus, le préfet du Val-de-Marne avait, en refusant de lui délivrer un titre de séjour " étudiant " au seul motif qu'elle ne disposait pas d'un visa long séjour, entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
4. Pour contester le jugement attaqué, le préfet du Val-de-Marne fait valoir que
Mme F... disposait d'un délai suffisant pour solliciter la délivrance d'un visa long séjour avant le début du cursus universitaire auquel elle s'était inscrite, que l'intéressée ne justifiait pas de la nécessité d'intégrer ce cursus pour l'année universitaire 2017-2018, alors qu'elle avait interrompu ses études depuis 2011, date de l'obtention de son dernier diplôme et qu'elle n'a pas répondu à la convocation qui lui avait été adressée pour compléter sa demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture le 20 novembre 2017.
5. Il ressort des pièces versées au dossier que Mme F..., entrée sur le territoire français le 12 juin 2017 a sollicité son admission en master 2 " Droit des données, des administrations numériques et des gouvernements ouverts " à l'université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne pour l'année universitaire 2017-2018, après avoir suivi une scolarité, de la classe de moyenne section à la classe de terminale, au lycée français " Antoine et Consuelo de Saint-Exupéry " de San Salvador, membre du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), y avoir obtenu le baccalauréat, série scientifique avec la mention " très bien ", le 25 juillet 2003, puis avoir obtenu un diplôme d'études universitaires générales (DEUG) en droit en 2004-2005, une licence en droit privé en 2005-2006, une maîtrise en droit, mention droit international en 2006-2007, un master 1 en " Droit international des affaires " en 2006-2007, un master 2 en " Administration fiscale " en 2007-2008, et un master spécialisé en " Droit et management international " délivré en 2011. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que, par un courriel du 4 juillet 2017, le service de scolarité de l'université Panthéon 1 - Panthéon-Sorbonne a informé l'intéressée que la rentrée universitaire avait lieu le 18 septembre 2017 et que les étudiants admis en master 2 " Droit des données, des administrations numériques et des gouvernements ouverts " seraient accueillis par son directeur et l'équipe pédagogique, lors d'une réunion de pré-rentrée pour laquelle sa présence était obligatoire et, qu'à défaut, son absence serait considérée comme un désistement de sa part. Dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard notamment à la brièveté du délai imparti à Mme F... pour finaliser son inscription universitaire, c'est à bon droit que le tribunal a estimé qu'en refusant de délivrer à l'intéressée le titre de séjour " étudiant " qu'elle sollicitait au seul motif qu'elle ne disposait pas d'un visa long séjour, le préfet du Val-de-Marne avait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val-de-Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du
2 mai 2019. Sa requête d'appel ne peut, en conséquence qu'être rejetée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Val-de-Marne est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E... F....
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme G..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2020.
Le président,
I. BROTONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 19PA01909