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01/07/2020 | FRANCE | N°19PA01595

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 01 juillet 2020, 19PA01595


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sofib a demandé au Tribunal administratif de Paris d'ordonner la restitution du crédit d'impôt recherche dont elle s'estime titulaire au titre de l'exercice clos en 2012, pour un montant de 182 676 euros.

Par un jugement n° 1718945/1-1 du 13 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 12 mai et 12 novembre 2019, la société Sofib, représentée par Me C... B...,

demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1718945/1-1 du 13 mars 2019 du Tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sofib a demandé au Tribunal administratif de Paris d'ordonner la restitution du crédit d'impôt recherche dont elle s'estime titulaire au titre de l'exercice clos en 2012, pour un montant de 182 676 euros.

Par un jugement n° 1718945/1-1 du 13 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 12 mai et 12 novembre 2019, la société Sofib, représentée par Me C... B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1718945/1-1 du 13 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'ordonner la restitution sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a passé sous silence ses arguments concernant la rédaction de l'article L. 172 G issue de l'article 69 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, et les travaux parlementaires y afférents, et sur celui relatif à l'absence de motivation de la décision de refus de remboursement ;

- le délai de reprise de l'article L. 172G doit trouver à s'appliquer pour que l'administration ne puisse exercer sans délai son droit de reprise, ce qui serait contraire au principe de sécurité juridique ;

- le délai de reprise, prévu à l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales n'a pas été respecté ; il était expiré depuis le 31 décembre 2016, et par suite, l'administration ne pouvait remettre en cause le principe de la déductibilité des dépenses engagées en matière d'innovation et de recherche ;

- la demande de remboursement d'une créance de crédit d'impôt ne constitue pas une réclamation contentieuse et le délai de prescription n'a pas été interrompu par les demandes de renseignements formées par l'administration en 2015 et en 2016 ;

- en vertu de l'article 49 septies M de l'annexe III au code général des impôts, le droit au crédit d'impôt et à son remboursement est définitivement acquis dès la souscription de la déclaration spéciale et en conséquence, ces dispositions font obstacle à ce que la demande de remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche présentée par le contribuable s'analyse comme une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, une telle réclamation tendant à obtenir bénéfice d'un droit déjà acquis ;

- la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-60 n° 190, 4-1-2017, précise les conditions d'interruption du délai de reprise prévu par l'article L. 172 G, et en vertu de ces dispositions, la prescription était acquise ;

- l'administration n'a pas respecté la procédure contradictoire ; le refus de remboursement n'est pas motivé.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture d'instruction a été fixée au 25 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Au titre de l'année 2012, les sociétés Guiraud Frères et Prefabay, filiales d'un groupe fiscalement intégré dont la société Sofib, qui exerce une activité de production d'éléments en béton précontraint et en béton pressé, est tête de groupe, ont souscrit une déclaration faisant apparaître des crédit d'impôt pour dépenses de recherche de montants respectifs de 401 482 euros et 28 093 euros. La société Sofib a déposé, le 10 mai 2016, en tant que société mère, pour le compte de ses filiales, une demande de restitution de crédit d'impôt recherche pour un montant de 310 349 euros, correspondant à la fraction du crédit d'impôt qui n'avait pas été imputé sur les cotisations d'impôt sur les sociétés dues au titre des trois exercices précédents. L'administration, par une décision du 11 octobre 2017, a partiellement admis sa demande et prononcé le remboursement de la somme de 127 673 euros. Ayant demandé en vain au Tribunal administratif de Paris d'ordonner la restitution du solde dont elle s'estimait titulaire au titre du crédit d'impôt recherche de l'année 2012, pour un montant de 182 676 euros, la société Sofib relève appel du jugement n° 1718945/1-1 du 13 mars 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu de manière suffisamment motivée au moyen invoqué par la société Sofib et tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales, cela, alors même qu'ils n'ont pas dans le détail repris tous les arguments présentés à l'appui de ce moyen et notamment ceux relatifs à la modification dudit article opérée par la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 et aux travaux parlementaires y afférents. De même, en indiquant au point 6 de son jugement que les irrégularités affectant la décision de rejet d'une réclamation relative au remboursement de crédit d'impôt sont sans incidence sur le bien-fondé du refus de remboursement opposé au contribuable, le tribunal s'est prononcé sur le moyen tiré du défaut de motivation dudit refus et l'a écarté comme inopérant. Ainsi, si la société Sofib a entendu contester la régularité du jugement au regard des dispositions susrappelées, elle n'est pas fondée à le faire.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt (...) ". Aux termes de l'article 199 ter B de ce code dans sa version alors en vigueur : " I. _ Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période (...) ".

En ce qui concerne les moyens tirés de la prescription et de l'irrégularité de la procédure suivie par l'administration fiscale :

Au regard de la loi :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales : " Pour le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle du dépôt de la déclaration spéciale prévue pour le calcul de ce crédit d'impôt (...) ".

6. La société Sofib, qui a présenté, le 10 mai 2016, une demande de remboursement de sa créance de crédit d'impôt recherche sur le fondement du I de l'article 199 ter B du code général des impôts soutient, comme elle le faisait en première instance, que la décision en date du 11 octobre 2017 par laquelle l'administration a rejeté une partie de cette réclamation est intervenue, d'une part, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 172 G rappelées

ci-dessus car au-delà du délai de reprise prévu par cet article et d'autre part, à l'issue d'une procédure irrégulière.

7. Il y a lieu pour la Cour, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, aux points 3 à 6 de leur jugement, d'écarter ces moyens.

8. D'autre part, aux termes de même article 49 septies M de l'annexe III au code général des impôts, " I. Pour l'application des dispositions des articles 199 ter B, 220 B et 244 quater B du code général des impôts, les entreprises souscrivent une déclaration spéciale conforme à un modèle établi par l'administration. ". Contrairement à ce que soutient la société Sofib, il ne résulte pas de ces dispositions que le droit au crédit d'impôt et le cas échéant au remboursement de la créance y afférente serait définitivement acquis dès la souscription de la déclaration spéciale et qu'en conséquence, celles-ci feraient obstacle à ce que la demande de remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche présentée par le contribuable s'analyse comme une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales.

Au regard de la doctrine :

9. La décision susmentionnée par laquelle l'administration a partiellement refusé le remboursement demandé par la société Sofib au titre d'un crédit d'impôt pour la recherche n'est pas intervenue à l'issue d'une procédure de reprise mais simplement après examen de la demande présentée par le contribuable. En conséquence, la société Sofib ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-60 n° 190, 4-1-2017, au demeurant relative aux conditions d'interruption du délai de reprise prévu par l'article L. 172 G rappelés ci-dessus, qui n'est pas applicable dans son cas. Par ailleurs, les commentaires figurant dans une revue professionnelle, n'émanant pas de l'administration, ne sont pas invocables sur le fondement des article L. 80 A ou L. 80 B du livre des procédures fiscales.

10. De tout ce qui précède, il résulte que la société Sofib n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et au remboursement de la créance litigieuse doivent, par suite, être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Sofib est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sofib et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme A..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2020.

Le président,

I. BROTONS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA01595 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01595
Date de la décision : 01/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : LACOMBE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-01;19pa01595 ?
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