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01/07/2020 | FRANCE | N°19PA01176

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 01 juillet 2020, 19PA01176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1714902/2-3 du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés respectivement les 28 mars et 11 juillet 2019, le ministre de l'

action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1714902/2-3 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1714902/2-3 du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés respectivement les 28 mars et 11 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1714902/2-3 du 14 février 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rétablir Mme E... au rôle des impositions dont la décharge a été prononcée par le tribunal.

Il soutient que :

- les rectifications opérées au titre de l'année 2009, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et en matière de bénéfices non commerciaux, ont été expressément acceptées par l'intéressée suivant une lettre du 20 février 2013 ;

- les bénéfices de Mme E... des années 2010 et 2011 ont été taxés d'office ; s'agissant des rehaussements du bénéfice non commercial de l'année 2011, les irrégularités de la vérification sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition dès lors que la contribuable a été taxée d'office pour défaut de déclaration ;

- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le caractère sommaire de la reconstitution de recettes pour décharger Mme E..., alors qu'il n'a été procédé en l'espèce ni au rejet de la comptabilité, ni à une reconstitution des recettes de cette collaboratrice du cabinet d'avocat KetL Gates ;

- devant la défaillance déclarative et l'opposition à contrôle fiscal de cet auxiliaire de la justice, le vérificateur s'est borné à fixer le chiffre d'affaires perçu à partir des honoraires ayant donné lieu à des crédits bancaires ; ces honoraires ont été perçus par Mme E... en contrepartie de ses prestations d'avocats rendues dans le cadre d'un contrat de collaboration au sein d'une société d'avocats qui prenait entièrement à sa charge les moyens matériels nécessaires à l'exercice de la profession ; seules les charges nécessitées par l'exercice de la profession, effectivement payées par Mme E... au cours des années d'imposition, et dûment justifiées, étaient susceptibles d'être prises en compte pour leur montant réel ;

- Mme E..., en défaillance déclarative et en opposition à contrôle fiscal, supporte la charge de la preuve des frais professionnels qu'elle aurait engagés et payés ; or elle n'a, à aucun stade de la procédure, justifié de charges et n'est donc pas en droit de prétendre à des déductions ; toutefois, dans sa décision de dégrèvement d'office du 17 juillet 2013, et en l'absence de justificatifs de charges présentés par la défenderesse, le service a malgré tout retenu, de manière discrétionnaire et au nom du réalisme économique, dans le dégrèvement prononcé, un pourcentage de charges de 10 % ; les autres moyens invoqués par Mme E... ne sont pas fondés et seront rejetés pour les motifs exposés par l'administration dans ses écritures produites devant le tribunal ;

- les conclusions de Mme E... présentées devant la Cour et tendant à la décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont irrecevables, dès lors que le tribunal dans son jugement, ne s'est prononcé que sur les cotisations d'impôt sur le revenu des années 2009 à 2011, et que l'appel principal de l'administration ne porte pas sur la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juin 2019, Mme E..., représentée par Me C... A...'h, conclut au rejet de la requête, à la décharge des impositions supplémentaires y compris les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités et majorations y afférentes, et à ce qu'en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative, une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat.

Elle soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- la méthode de reconstitution appliquée par le service vérificateur est radicalement viciée en l'absence de prise en compte d'un pourcentage de charges adéquat ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a constaté une situation d'opposition à contrôle fiscal simplement dans le cadre de la proposition de rectification datée du 16 avril 2013, concernant les exercices 2010 et 2011 ; l'opposition à contrôle fiscal n'est nullement caractérisée ; elle avait manifesté sa volonté de ne pas rendre le contrôle fiscal impossible, en adressant un courrier, du 20 février 2013 (AR du 25 février), indiquant très clairement à la vérificatrice avoir changé d'adresse ;

- en 2012, elle n'a pas été avisée au sens de l'article 47 du livre des procédures fiscales de la vérification de comptabilité, ni de la possibilité de faire assister par un conseil, dès lors que l'avis de vérification a été adressé au 78, avenue Poincaré à Paris alors que l'administration connaissait sa nouvelle adresse au 116, avenue des Champs Elysées à Paris 8ème puisqu'elle lui a adressé à cette nouvelle adresse une mise en demeure, en date du 2 août 2012, de déposer ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ; dans un courrier du 20 février 2013 (AR du

25 février), elle a indiqué très clairement à la vérificatrice avoir changé d'adresse ; le

procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal a été présenté le 27 février 2012 à son ancienne adresse professionnelle, après la réception par l'administration dudit courrier ;

- elle a été privée de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

- dans le cadre du contrôle ayant donné lieu à la proposition de rectification du

20 décembre 2012, a été mise en oeuvre la procédure contradictoire, conformément à l'article

L. 55 du livre des procédures fiscales, et l'administration fiscale n'est par conséquent pas en droit, contrairement à ce qu'elle prétend, de mettre en oeuvre une taxation d'office.

La clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'opérations de contrôle de son activité d'avocate, Mme E... a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2009, 2010 et 2011, dont elle a demandé la décharge, en droits et pénalités, au Tribunal administratif de Paris. Le ministre de l'action et des comptes publics relève régulièrement appel du jugement 1714902/2-3 du 14 février 2019 par lequel ce tribunal a fait droit à cette demande.

Sur les conclusions de Mme E... concernant la taxe sur la valeur ajoutée :

2. Mme E..., qui devant le Tribunal administratif de Paris n'a sollicité la décharge en droits et pénalités que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2009, 2010 et 2011, dès lors qu'elle se référait expressément à la seule décision du 21 juillet 2017, jointe à sa demande, et relative aux seuls rappels d'impôt sur le revenu, demande à la Cour, dans son mémoire en défense, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Ces conclusions, sur lesquelles les premiers juges n'ont pas eu à se prononcer par le jugement attaqué, et qui, présentées par la voie de l'appel incident soulèvent un litige distinct de celui faisant l'objet de l'appel principal du ministre, sont, ainsi que le fait valoir ce dernier, irrecevables.

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu litigieuses :

3. Aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales (...) " et aux termes du 1 de l'article 93 de ce code : " Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ".

En ce qui concerne le motif de décharge retenu par le tribunal :

4. Par courrier du 3 décembre 2012, adressé à Mme E... au 78, avenue Poincaré à Paris, le vérificateur l'a informée qu'il se présenterait au siège de son activité le 19 décembre 2012 afin de procéder, conformément aux dispositions des articles L. 13 et L. 47 du livre des procédures fiscales, à la vérification de l'ensemble de ses déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées et portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011. Ce pli a été réceptionné le 7 décembre à cette adresse, qui était celle que Mme E... avait indiquée à l'administration comme correspondant au siège de son activité d'avocate, en qualité de collaboratrice au sein du cabinet KetL Gates. Il est constant qu'au jour du rendez-vous ainsi fixé, Mme E... n'était pas présente ni ne s'était faite représenter, et que le vérificateur n'a pu procéder à aucun contrôle sur place.

S'agissant de l'année 2009 :

5. Il est constant que Mme E... n'avait pas souscrit, au titre de l'année 2009, de déclaration contrôlée de revenus non commerciaux, mais s'était bornée à porter, sur une déclaration complémentaire à la déclaration d'ensemble de ses revenus, une somme de

53 447 euros sur la ligne correspondant aux revenus non commerciaux relevant de la déclaration contrôlée.

6. L'administration fiscale a adressé à Mme E..., le 20 décembre 2012, soit le lendemain du rendez-vous infructueux mentionné au point 4, une proposition de rectification des bénéfices non commerciaux entrant dans le calcul de son impôt sur le revenu de l'année 2009. ll résulte de cette proposition, et alors même qu'il y est fait référence à l'avis de vérification de comptabilité susmentionné, que les rectifications proposées selon la procédure contradictoire s'agissant des bénéfices non commerciaux, n'ont été déterminées par l'administration que sur la base de documents émanant de tiers dont ses services disposaient, et constitués des déclarations d'honoraires déposées d'une part par la société KetL Gates et d'autre part par la société Stef Ltd Legal, pour des montants respectifs de 107 640 euros et 2 679 euros, soit un total de 110 319 euros. A l'issue de ce contrôle sur pièces, l'administration a informé Mme E... qu'elle envisageait de porter le montant de ses bénéfices non commerciaux à 131 942 euros, soit le montant des honoraires susmentionnés augmenté du profit sur le Trésor correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée y afférente et non acquittée.

7. Dans ces conditions, et alors que ces honoraires ont été perçus en contrepartie des prestations d'avocat rendues par Mme E... dans le cadre d'un contrat de collaboration au sein d'une société d'avocats qui prend, ainsi que le relève le ministre sans être contredit, entièrement à sa charge les moyens matériels nécessaires à l'exercice de la profession, l'administration ne pouvait être regardée comme ayant procédé, par application d'une méthode radicalement viciée, à la reconstitution des recettes de l'intéressée, laquelle conservait la possibilité de justifier des dépenses nécessitées par l'exercice de sa profession et supportées par elle, notamment des charges sociales personnelles effectivement acquittées par elle en 2009 auprès des organismes sociaux. Le ministre est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, le tribunal a prononcé la décharge des impositions supplémentaires afférentes à l'année 2009.

S'agissant des années 2010 et 2011 :

8. Postérieurement à l'avis de vérification mentionné au point 4 et à l'absence de Mme E... au rendez-vous avec le vérificateur fixé le 19 décembre 2012, une première mise en garde datée du 2 janvier 2013 lui a été adressée par courriers simple et recommandé, à son adresse professionnelle connue de l'administration, soit au 78, avenue Poincaré et à son adresse personnelle, courriers dont il a été accusé réception respectivement les 16 et 11 janvier. Une seconde mise en garde, datée du 31 janvier 2013, a ensuite été envoyée à Mme E... en courriers simple et recommandé à l'adresse professionnelle susmentionnée et en recommandé à son adresse personnelle, le premier pli recommandé ayant été distribué le 6 février 2013, alors que le second a été retourné à l'administration faute d'avoir été réclamé.

9. Le 26 février 2013, l'administration a dressé un procès-verbal d'opposition à contrôle, adressé à Mme E... en courrier recommandé à la même adresse professionnelle où il a bien été réceptionné le lendemain, ainsi qu'à son adresse personnelle. En conséquence, au titre des années 2010 et 2011, la procédure d'évaluation d'office a été appliquée, conformément aux dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, du fait de la mise en oeuvre, régulière et justifiée ainsi que cela résulte de ce qui est dit ci-dessous aux points 16 à 18, de la procédure d'opposition à contrôle fiscal.

10. Dans ces conditions, et eu égard aux seules informations dont il disposait, Mme E... n'ayant pas non plus déposé en 2010 et 2011 de déclaration contrôlée, le service vérificateur a notifié à l'intéressée, le 16 avril 2013, le montant des revenus imposables provenant selon lui de son activité d'avocat, et qu'il a déterminé en prenant en compte les sommes encaissées sur son unique compte bancaire réputé à usage mixte. L'administration, qui ne disposait d'aucun élément d'appréciation de l'existence et du niveau des frais professionnels réellement supportés par l'intéressée au cours des années en cause, faute d'avoir eu accès aux éléments de la comptabilité de trésorerie à la tenue de laquelle Mme E... était pourtant astreinte, est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le vérificateur avait eu recours à une méthode de reconstitution des recettes radicalement viciée et a, pour ce motif, accordé la décharge des impositions litigieuses.

11. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme E..., tant devant le tribunal que devant elle, pour contester les suppléments d'impôt sur le revenus mis à sa charge au titre des années 2009 à 2011.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par Mme E... :

S'agissant de la procédure d'imposition :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

13. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 20 décembre 2012 concernant l'année 2009 mentionne l'impôt concerné, l'année en cause, les modalités de calcul et le montant des impositions résultant du rehaussement. Elle satisfait ainsi aux exigences de motivation posées par les dispositions rappelées ci-dessus. Cette proposition ayant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, été adressée à l'issue d'un simple contrôle sur pièces du dossier fiscal de Mme E..., et sans qu'il ait été procédé à un quelconque examen critique de ses pièces comptables, celle-ci ne peut utilement soutenir, concernant l'année 2009, qu'elle aurait été privée des garanties attachées à la vérification de comptabilité et invoquer notamment l'absence de débat oral et contradictoire avec le vérificateur.

14. Mme E... ne peut davantage, concernant les impositions afférentes à l'année 2009, contester l'existence d'une opposition à contrôle fiscal, dès lors que l'administration ne s'est pas fondée sur une telle opposition pour procéder aux rectifications des bases d'imposition selon la procédure contradictoire.

15. En second lieu, aux termes de l'article L. 74 du même livre : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. ". L'article L. 76 dudit livre dispose que : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. Cette notification est interruptive de prescription. (...) ".

16. D'une part, il résulte de l'instruction que, tant l'avis de vérification de comptabilité ainsi que les deux mises en garde mentionnées ci-dessus au point 8, ont été notifiés régulièrement à l'adresse que Mme E... avait indiquée à l'administration comme étant celle du siège de son activité d'avocate. En effet, pour contester la régularité de ces envois et l'existence d'une opposition à contrôle fiscal, Mme E... se prévaut d'un courrier dans lequel elle informait le vérificateur du changement d'adresse du lieu d'exercice de son activité d'avocate, sans préciser sa nouvelle adresse. Or ce courrier, daté du 20 février 2013, dans lequel Mme E... confirme d'ailleurs avoir pris connaissance des plis susmentionnés émanant du vérificateur, n'a pas été adressé en temps utile, puisqu'il n'a été réceptionné par l'administration que le 25 février 2013, soit postérieurement à l'établissement du procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal le 18 février 2013, et à son expédition au 78, avenue Poincaré à Paris, adresse à laquelle il a bien été réceptionné le 27 février.

17. D'autre part, il est constant qu'après avoir été absente au premier rendez-vous fixé par le vérificateur, Mme E... n'a pas répondu aux deux mises en garde dans lesquelles

celui-ci lui précisait qu'il lui appartenait désormais d'organiser la mise en oeuvre des opérations de contrôle, en vue de la première intervention, l'invitait en conséquence à le contacter le plus rapidement possible afin de convenir d'un rendez-vous constituant la première intervention relative à la vérification de son activité et l'informait qu'à défaut, elle s'exposait aux conséquences d'une opposition à contrôle fiscal. Dans ces conditions, et alors même que le vérificateur n'a pas, dans ces mises en garde, fixé lui-même une date pour un nouveau rendez-vous, Mme E... n'est pas fondée à soutenir qu'il n'aurait pas réalisé toute diligence pour que le contrôle ait lieu et à contester l'existence d'une opposition à contrôle fiscal. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait irrégulièrement recouru, en application de l'article L. 74 rappelé ci-dessus, à la procédure de taxation d'office en ce qui concerne les années 2010 et 2011, ne peut qu'être écarté.

18. Enfin, la proposition de rectification au titre des années 2010 et 2011 du revenu imposable de Mme E..., qui a été établie le 16 avril 2013, est suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 76 rappelées ci-dessus.

S'agissant du bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu :

19. En premier lieu, Mme E..., qui dans le courrier susmentionné du 20 décembre 2013, a expressément accepté les rectifications proposées concernant l'année 2009, supporte en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales la charge de démontrer le caractère exagéré des suppléments d'impôt sur le revenu concernant cette année. Il en va de même, en application des dispositions de l'article L. 193 du même livre, des suppléments d'impôt sur le revenu établis d'office au titre des années 2010 et 2011.

20. En second lieu, Mme E... ne conteste devant la Cour ni la nature d'honoraires, ni le montant des sommes prises en compte par l'administration comme provenant de son activité professionnelle. Si elle soutient qu'elle était en droit de déduire de ceux-ci les dépenses nécessitées par l'exercice de sa profession, elle n'a produit, ni devant le tribunal ni devant la Cour, aucun justificatif des charges professionnelles qu'elle invoque, sans d'ailleurs en préciser l'objet. Notamment, si Mme E... produit un document montrant qu'en moyenne les dépenses professionnelles supportées par les avocats exerçant comme elle en qualité de collaborateur au sein d'un cabinet, constituées essentiellement des dépenses sociales dont ils s'acquittent personnellement, représentent près de 35 % de leurs honoraires, elle ne justifie aucunement, alors qu'il lui serait aisé de le faire, des versements qu'elle aurait personnellement effectués à ce titre auprès des organismes sociaux durant les années 2009 à 2011. Dans ces conditions, Mme E... ne démontre pas que ses dépenses professionnelles auraient excédé celles admises en déduction à hauteur de 10 % des recettes par l'administration fiscale, le

17 juillet 2013, par souci de réalisme économique.

21. De tout ce qui précède, il résulte que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accordé à Mme E... la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 2009, 2010 et 2011, et à obtenir l'annulation du jugement attaqué et la remise à la charge de l'intéressée des impositions et majorations déchargées par le tribunal. Les conclusions présentées devant la Cour par Mme E... doivent être rejetées, y compris celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1714902/2-3 du Tribunal administratif de Paris en date du 14 février 2019 est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles Mme E... a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que les intérêts et pénalités correspondants, dont le tribunal a prononcé la décharge, sont remis à la charge de l'intéressée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme E... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à

Mme B... E....

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme D..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2020.

Le président,

I. BROTONS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA01176 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01176
Date de la décision : 01/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CREAC'H

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-01;19pa01176 ?
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