Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 avril 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office, d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 250 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil.
Par un jugement n° 1813520/3-1 du 30 octobre 2018, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande en annulant l'arrêté préfectoral du 5 avril 2018, en enjoignant à l'administration de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et en mettant à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 décembre 2018 et le 9 janvier 2019, le préfet de police demande à la Cour d'annuler ce jugement n° 1813520/3-1 du 30 octobre 2018 du Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal administratif ne lui a communiqué qu'une partie des pièces produites devant lui par Mme C... et a ainsi méconnu le caractère contradictoire de la procédure ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé, dans le cadre de l'exercice d'un contrôle minimum, que l'arrêté pris à l'encontre de Mme C... procédait d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation particulière de l'intéressée.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 septembre 2019, Mme D... C..., représentée par Me H... E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La clôture d'instruction a été fixée au 17 février 2020.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 21 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... C..., ressortissante sénégalaise née le 19 mars 1970, a sollicité le
2 décembre 2017 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 avril 2018, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office passé ce délai. Par la présente requête, le préfet de police relève appel du jugement
n° 1813520/3-1 du 30 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de Mme C..., annulé son arrêté du 5 avril 2018, enjoint à l'administration de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Cette requête doit être regardée comme tendant, outre à l'annulation du jugement attaqué, au rejet de la demande présentée par Mme C... devant le tribunal.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Il ressort des pièces du dossier qu'en décembre 2010, alors qu'elle était en situation irrégulière sur le territoire français, Mme C... a sollicité, auprès de la préfecture de police, un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police faisant valoir sans être contredit qu'elle indiquait à cette occasion n'avoir aucune famille proche en France, être mariée à un compatriote
M. B... résidant au Sénégal, avoir dans ce pays quatre enfants nés respectivement en 1988, 1998, 2001 et 2003, ainsi que ses parents, être sans emploi en France et être hébergée dans un centre d'accueil d'urgence par une association. Après que le médecin-chef du service médical de la préfecture, consulté par le préfet de police, eut rendu un avis selon lequel l'état de santé de
Mme C... ne justifiait pas son séjour en France, dès lors qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement et d'un suivi appropriés dans son pays, le préfet de police a refusé le 9 mai 2011 de lui octroyer le titre demandé et a assorti cette décision d'une obligation de quitter la France dans un délai de
30 jours. Cette décision, contestée par Mme C..., est devenue définitive après un arrêt rendu sous le n° 12PA00749 le 22 février 2013 par la Cour. La situation de Mme C... a fait l'objet d'un nouvel examen par les services de la préfecture de police, au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'occasion duquel l'intéressée, après avoir indiqué être célibataire, s'est prévalue de son mariage en date du
10 août 2013 avec un compatriote, M. A..., résidant en France, et a mentionné qu'elle occupait un emploi auprès d' " Emmaüs défi " dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, contrat unique d'insertion. Suivant le nouvel avis émis le 20 juin 2013 par le médecin-chef du service médical, selon lequel le séjour pour raisons médicales de Mme C... était justifié pour une durée de 9 mois, l'intéressée s'est vu délivrer un titre de séjour valable de juin 2013 à mars 2014, suivi de récépissés pendant l'instruction de sa demande de renouvellement soit jusqu'en mars 2015. De nouveau saisi du dossier de Mme C..., le médecin chef du service médical, estimant que celle-ci pouvait bénéficier dans son pays d'un traitement et d'un suivi appropriés, a émis un avis défavorable à son séjour pour raisons médicales en France, et le préfet de police a pris un nouvel arrêté le 15 janvier 2015, refusant l'octroi d'un titre de séjour tant en qualité d'étranger malade que sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute d'une durée de vie commune suffisante avec son époux, cette décision étant assortie d'une obligation de quitter le territoire français sous trente jours. Nonobstant cet arrêt devenu définitif, les recours gracieux et hiérarchiques formés à son encontre par l'intéressée ayant été rejetés, Mme C..., qui se trouvait toujours irrégulièrement sur le territoire français en mars 2017, a de nouveau sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade, indiquant à cette occasion, comme cela ressort de la fiche de salle produite par le préfet de police, être désormais séparée de M. A..., bénéficier d'un hébergement d'urgence auprès d'une association depuis juillet 2017 et être sans emploi. Le collège des médecins de l'Office Français de l'Immigration et de l'Insertion a émis, le 24 février 2018, un avis aux termes duquel l'état de Mme C... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait toutefois pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et précise que l'état de santé de Mme C... lui permet de voyager sans risque vers son pays. Au vu de cet avis, le préfet de police a pris l'arrêté litigieux du 5 avril 2018.
3. Pour annuler le refus de titre de séjour opposé à Mme C..., le tribunal s'est fondé sur le motif, contesté en appel par le préfet de police, tiré de ce qu'en prenant cette décision, ce dernier aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation personnelle de Mme C.... Au soutien de ce motif, les premiers juges ont relevé que Mme C... d'une part, produisait de nombreuses pièces attestant selon eux de sa présence en France depuis 2009 et avait exercé différentes activités professionnelles, et d'autre part, qu'elle était atteinte d'un syndrome de Müller Weiss à l'origine d'une ostéonéocrose de l'os naviculaire, et avait subi, le
14 août 2017, une arthrodèse péri-naviculaire du pied gauche n'ayant pas eu un résultat suffisant pour lui permettre une marche normale.
4. Toutefois, il ressort de ce qui a été rappelé au point 2 qu'hormis la période de juin 2013 à mars 2014 pour laquelle Mme C... s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade afin de se faire soigner, elle s'est, pour le reste, maintenue durablement de manière irrégulière sur le territoire français, en dépit des obligations de quitter le territoire prises à son encontre et qu'elle n'a pas respectées. Elle ne justifie que de l'exercice d'activités professionnelles très épisodiques et limitées, pour des rémunérations très faibles Par ailleurs, les courriers de Pôle Emploi qu'elle verse au dossier pour justifier de sa présence en France démontrent qu'elle a été inscrite, notamment en 2013 et 2014, comme demandeur d'emploi durant la durée de validité du titre de séjour susmentionné et des récépissés délivrés durant l'instruction de sa demande de renouvellement de celui-ci. Il résulte également des pièces du dossier que Mme C... ne justifiait pas d'une intégration particulière dans la société française, qu'elle n'avait aucune attache familiale en France, ses quatre enfants, sa fratrie et ses parents résidant au Sénégal, ni de liens personnels stables, et que ses moyens de subsistance et ses conditions de vie et de logement en accueil d'urgence demeuraient précaires. Ainsi, et nonobstant les documents médicaux versés au dossier qui, au demeurant, montrent seulement que l'intervention chirurgicale subie par Mme C... n'a pu avoir qu'un effet bénéfique limité, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé qu'en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C..., il avait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur les autres moyens invoqués par Mme C... devant le tribunal et devant la Cour :
5. En premier lieu, par arrêté n° 2018-00237 du 21 mars 2018, régulièrement publié au Bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 30 mars 2018, le préfet de police de Paris a donné à M. G... I... délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure les refus de titre de séjour assortis d'obligation de quitter le territoire français avec délai, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées.
6. En deuxième lieu, le préfet n'est tenu, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions par l'article L. 313-11 dudit code, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour temporaire, et non de celui de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Ainsi qu'il ressort de ce qui est dit ci-dessus ainsi qu'au point 8 ci-dessous, Mme C... ne remplissait pas ces conditions. Par suite, le préfet de police n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de prendre la décision litigieuse.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
8. Les documents médicaux versés au dossier par Mme C..., y compris le certificat en date du 13 avril 2018 établi par un médecin de la fondation hôpital Saint-Joseph à Paris, ne sont pas de nature à invalider l'avis mentionné au point 2 rendu par le comité des médecins de OFII le
24 février 2018. De même, Mme C... ne peut utilement se prévaloir des autres documents médicaux établis postérieurement à la date de l'arrêté litigieux, notamment de celui daté de 2019 lui proposant une hospitalisation pour le 10 janvier 2010, qui n'apportent pas d'informations pertinentes relatives à son état de santé à la date de cet arrêté et ne remettent pas en cause le bien-fondé de l'avis médical du 24 février 2018 au vu duquel l'autorité préfectorale a pris cet arrêté. Il en va de même de la décision prise le 22 octobre 2019 par la commission des droits à l'autonomie des personnes handicapées qui n'établit pas davantage que l'arrêté litigieux serait entaché d'erreur de fait et que le défaut de prise en charge médicale de Mme C..., à la date de l'arrêté contesté, aurait été de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En quatrième lieu, Mme C... ayant sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code susmentionné, le préfet de police n'était pas tenu d'instruire sa demande au regard d'autres dispositions et notamment de l'article
L. 313-14 dudit code qui ne constituait pas le fondement de celle-ci.
10. En cinquième lieu, eu égard à la situation personnelle et familiale de Mme C..., décrite ci-dessus et des conditions de son entrée et de son maintien sur le territoire français, l'arrêté attaqué n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En dernier lieu, Mme C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012, prises pour l'application l'article L. 313-14 du code susmentionné sur le fondement duquel n'était pas présentée sa demande de titre de séjour, et alors, au surplus que cette circulaire se borne à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation. En l'espèce, eu égard à l'ensemble de la situation de Mme C... rappelée ci-dessus, si celle-ci a entendu soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne procédant pas, à titre gracieux, à la régularisation de sa situation en matière de séjour, ce moyen doit être écarté comme non fondé.
12. De tout ce qui précède, il résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme C..., et à obtenir l'annulation dudit jugement et le rejet de la demande présentée par l'intéressée devant le tribunal. En conséquence, les conclusions présentées par Mme C... sur le fondement l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1813520/3-1 du Tribunal administratif de Paris en date du 30 octobre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, où siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme F..., président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2020.
Le président,
I. BROTONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA03761