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25/06/2020 | FRANCE | N°19PA02490

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 25 juin 2020, 19PA02490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Globe a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes, ainsi que du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1703877 du 19 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Co

ur :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2019, la société MJA agissant en qualité de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Globe a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes, ainsi que du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1703877 du 19 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2019, la société MJA agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Globe, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703877 du 19 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes, ainsi que du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2013.

Elle soutient que :

- elle n'a pas commis d'acte anormal de gestion en ne refacturant pas une partie des frais pour le compte de la société Biom Up ; il était, en effet, dans son intérêt de faire ces avances de frais pour le compte de cette société, dès lors qu'elles étaient justifiées par des revenus futurs dépendant d'une levée de fonds de cette société en 2015 ; or, sans ces avances de frais, la société, spécialiste du collagène médical, et qui est devenue son premier client en volume, et qui subissait de très lourdes pertes, étant alors en phase de développement d'un produit médical, n'aurait pu mener à bien cette levée de fonds ; la société Biom Up lui a d'ailleurs versé des honoraires pour le montant important de 800 000 euros en 2015 ;

- elle a chaque année, facturé à cette société des sommes comprises entre 150 000 euros et 300 000 euros, et la mission remplie pour le compte de la société Biom Up était bénéficiaire, avec le versement sur la période des exercices 2010 à 2015, d'un montant total d'honoraires de 2 093 961 euros, supérieur à celui des avances de frais consenties sur la période vérifiée ;

- les frais non facturés à ses sociétés clientes sont des frais de prospection ; ses activités la conduisait à faire de fréquents déplacements en France et à l'étranger, mais ses clients, principalement des PME, disposaient de moyens financiers limités, et d'une trésorerie souvent négative malgré de fortes potentialités de développement ;

- elle a pris une décision de gestion dans son intérêt qui lui a permis d'obtenir d'importantes contreparties ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société Globe ayant été placée en situation de liquidation judiciaire, les intérêts de retard ont fait l'objet d'une remise comptable conformément aux dispositions de l'article 1756 du code général des impôts ;

- les moyens soulevés par la société Globe ne sont pas fondés.

Un mémoire, présenté pour la société Globe, a été enregistré le 9 mars 2020, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de

covid-19 ;

- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

- et les observations de Me B..., représentant la société Globe.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue de la vérification de comptabilité portant sur les exercices 2010, 2011, 2012 et 2013 dont la société Globe a fait l'objet, le service lui a notifié des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2011, 2012 et 2013 et un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2013, assortis des intérêts de retard et de pénalités pour manquement délibéré sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts. La société Globe relève appel du jugement en date du 19 juin 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

En ce qui concerne les charges non refacturées à la société Biom Up :

2. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Les renonciations à recettes et abandons de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où l'entreprise s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration d'apporter la preuve que cet avantage est, contrairement à ce que soutient l'entreprise, dépourvu de contrepartie, qu'il a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

3. Il résulte de l'instruction que la société Globe a déduit de ses résultats des exercices clos en 2012 et 2013 des frais de déplacements, d'hôtels, de restaurants et d'achats de cadeaux pour des montants respectifs de 890 181 euros et de 980 221 euros qu'elle avait engagés dans le cadre d'un contrat conclu avec la société Biom Up, sa cliente. Elle n'a cependant refacturé à cette société qu'une partie de ces frais, alors que la convention signée le 7 août 2008 avec cette entreprise prévoyait expressément leur remboursement sur présentation de justificatifs. Le service, estimant que la société requérante n'avait pas à supporter les frais de déplacements, d'hôtels, de restaurants et d'achats de cadeaux engagés dans l'intérêt de sa cliente, a considéré qu'elle s'était privée des recettes correspondant aux frais non refacturés pour des montants de 132 544 euros et de 414 689 euros au titre respectivement des exercices clos en 2012 et 2013, ces renonciations à recettes étant, en l'absence de contrepartie pour la société Globe, constitutives d'un acte anormal de gestion. Il a, en conséquence, sur le fondement du 2 de l'article 38 du code général des impôts, réintégré aux résultats imposables des mêmes exercices, le montant des frais non refacturés.

4. Pour justifier la renonciation à ces produits, la société Globe rappelle que son activité consiste à rechercher des financements pour le compte de start-ups ou de sociétés de nouvelles technologies. Elle soutient que ces avances de frais étaient justifiées par les revenus attendus de la levée de fonds réalisée en 2015 par la société Biom Up, spécialiste du collagène médical, devenue son premier client en volume, et que sans ces avances de frais, cette levée de fonds n'aurait pu intervenir avec succès, cette société subissant jusqu'à cette date de lourdes pertes. Elle fait à cet égard valoir que la société Biom Up lui a versé des honoraires pour un montant de 2 093 961 euros au titre des exercices 2010 à 2015, dont 892 103 euros pour le seul exercice 2015, et que ce montant est très supérieur à celui des avances de frais consenties sur la période vérifiée. Si la société Globe justifie la facturation d'honoraires pour un montant de 1 909 747 euros sur le total comptabilisé de 2 093 961 euros en comptes de classe 7 au titre de la société Biom Up, l'administration, fait cependant valoir que le montant de 1 909 747 euros porte pour partie sur deux exercices non vérifiés, tandis que les charges d'exploitation de 1 137 281 euros concernent les seules années vérifiées, la société n'apportant, par ailleurs, aucun chiffre étayé sur le montant des frais non facturés à la société Biom Up sur les exercices 2014 et 2015. Le ministre relève, en outre, que durant les années vérifiées, la société n'a perçu des honoraires que pour un montant de 891 606 euros, ce qu'elle reconnaît d'ailleurs dans ses écritures, ce montant étant lui-même très inférieur aux charges d'exploitation supportées dans l'intérêt de la société Biom Up pour le montant de 1 137 281 euros. Dans ces conditions, alors que la société Globe n'établit pas l'existence de contreparties à la renonciation à recettes en cause, le service doit être regardé comme apportant la preuve que les avantages consentis à la société Biom Up constituaient un acte anormal de gestion. C'est donc à bon droit que l'administration a réintégré aux résultats imposables de la société requérante, au titre des exercices clos en 2012 et 2013, les sommes de 132 544 euros et de 414 689 euros correspondant aux recettes omises.

En ce qui concerne les charges non refacturées à ses autres sociétés clientes :

5. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Il appartient ensuite, le cas échéant, au service d'apporter la preuve de ce que la charge en cause est dépourvue de contrepartie, a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

6. La société a déduit de ses résultats des exercices clos en 2010 et 2011 des frais de déplacements, d'hôtels, de restaurants et d'achats de cadeaux pour des montants respectifs de 341 541 euros, et de 813 868 euros, réglés, pour le compte de différents clients, par des cartes de crédit rattachées au compte bancaire personnel de son président et remboursés à celui-ci par inscription des sommes correspondantes au crédit du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les livres de la société. La société Globe n'ayant refacturé ces frais qu'à hauteur des sommes de 191 164 euros pour l'exercice 2010 et de 402 884 euros pour l'exercice 2011, le service, en l'absence de justification apportée par la société, a, sur le fondement de l'article 39 du code général des impôts, réintégré aux résultats imposables des exercices considérés le montant des dépenses exposées par l'intéressée pour le compte de ses clients et non refacturées au motif qu'elles n'avaient pas été engagées dans son intérêt.

7. En se bornant à faire valoir que les frais exposés étaient des frais de prospection qu'elle ne pouvait facturer à ses clients, principalement constitués de PME, dotées de peu de moyens financiers et en situation de trésorerie souvent négative, la société Globe, dont les allégations ne sont étayées d'aucun élément probant, n'établit pas que ces frais ont été engagés pour les besoins de son exploitation.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de :

a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

9. D'une part, pour appliquer la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées aux rectifications relatives aux charges de la société ne présentant pas de lien avec son activité et réintégrées par le service aux résultats de ses exercices clos en 2010 et 2011, l'administration s'est fondée sur la circonstance que la contribuable ne pouvait ignorer qu'elle ne pouvait déduire de ses résultats des frais constituant des dépenses personnelles de son dirigeant, et sur l'importance des sommes en cause, représentant respectivement 27 % et 33 % de son chiffre d'affaires.

10. D'autre part, le service a également relevé que la société Globe avait pris en charge des frais pour le compte de la société Biom Up pour des montants supérieurs au chiffre d'affaires réalisé avec ce client en 2012 et 2013, qu'elle s'était abstenue de lui refacturer, contrairement aux stipulations de la convention signée le 8 août 2007, qui prévoyait expressément leur remboursement sur présentation de justificatifs.

11. Ainsi, en se fondant sur les éléments mentionnés aux points 9 et 10, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'intention de la société Globe de minorer l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable au titre des exercices vérifiés, et par suite, du caractère délibéré des manquements qui lui sont reprochés. Par suite, c'est à bon droit que l'administration lui a infligé la pénalité prévue par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Globe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Globe est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société MJA mandataire judiciaire de la société par actions simplifiée Globe et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris, pôle contrôle fiscal et affaires juridiques.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Poupineau, président,

- Mme A..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 juin 2020.

Le président,

V. POUPINEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA02490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02490
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CABINET DELPEYROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-25;19pa02490 ?
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