La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2020 | FRANCE | N°19PA01921

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 25 juin 2020, 19PA01921


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nevolia a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2013 d'un montant de 162 166 euros.

Par un jugement n° 1702131 du 11 avril 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 juin 2019, la société Nevolia, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1702131 du 11 avril 2019 du T

ribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nevolia a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la restitution d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2013 d'un montant de 162 166 euros.

Par un jugement n° 1702131 du 11 avril 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 juin 2019, la société Nevolia, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1702131 du 11 avril 2019 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2013 d'un montant de 162 166 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme à raison des frais qu'elle a exposés tant en première instance qu'en appel au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal s'est fondé, en procédant à la substitution de motif demandée par l'administration sur le III de l'article 244 quater B du code général des impôts pour lui refuser le bénéfice du crédit d'impôt recherche, au motif qu'elle ne pouvait, en application de cet article, retenir dans la base de calcul de son propre crédit d'impôt recherche les dépenses facturées à des donneurs d'ordre ; les dépenses de recherche éligibles au crédit d'impôt pouvaient, en effet, être prises en compte, dès lors que les travaux correspondants n'avaient pas été retenus par le donneur d'ordre pour la détermination de l'assiette de son propre crédit d'impôt recherche et qu'elle bénéficiait d'un agrément délivré par le ministère de la recherche en qualité d'organisme de recherche privé ;

- l'interprétation des dispositions du III de l'article 244 quater B du code général des impôts retenue par le tribunal administratif et défendue par l'administration est contraire à la doctrine contenue dans le BOI 4 A-8-83, aux énonciations des paragraphes 146 et 147 de l'instruction du

8 février 2000 repris au paragraphe 40 de la documentation de base référencée 4 A-4122 du

9 mars 2011, et au paragraphe 220 du bulletin officiel des impôts du 4 avril 2014 BOI-BIC-RICI-10-10-20-30, 4 avril 2014.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Nevolia ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de

covid-19 ;

- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Nevolia, qui exerce une activité de conseil d'ingénierie et d'études techniques dans les domaines de l'aéronautique et de l'électronique disposait d'un agrément délivré par le ministère de la recherche en qualité d'organisme de recherche privé pour les années 2012 et 2013.

A l'issue d'une vérification de comptabilité ayant notamment porté sur l'exercice clos en 2013, le vérificateur a remis en cause le crédit d'impôt en faveur de la recherche dont la société Nevolia s'estimait titulaire et a refusé de lui accorder la restitution d'une fraction de la créance correspondante s'élevant à 162 166 euros. La société Nevolia relève appel du jugement en date du 11 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la restitution de ce crédit d'impôt.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de deux millions d'euros par an. (...) III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les organismes ou experts mentionnés au d, au d bis ou au 6° du k du II, pour le calcul de leur propre crédit d'impôt. ".

3. Pour remettre en cause le crédit d'impôt pour les dépenses de recherche engagées au titre de l'année 2013 par la société Nevolia, filiale du groupe Altelios Technology, le vérificateur a, sans remettre en cause l'éligibilité des projets au crédit d'impôt recherche développés par la société, exclu de son assiette les dépenses de personnel correspondant aux travaux de recherche effectués par ses consultants chez ses clients, après avoir relevé la participation de deux autres filiales du groupe Altelios Technology au développement de projets identiques à ceux de la société Nevolia, et l'absence de justificatifs permettant de déterminer le temps passé par ses consultants auprès de ses clients. L'administration fiscale a cependant demandé au tribunal de substituer à ce motif initialement retenu, celui tiré de ce qu'en application du III de l'article 244 quater B du code général des impôts, la société Nevolia ne pouvait, en sa qualité d'organisme de recherche privé agréé au sens du d) bis du II de cet article, retenir dans la base de calcul de son propre crédit d'impôt recherche les dépenses facturées à ses donneurs d'ordre.

4. Il résulte des dispositions énoncées ci-dessus de l'article 244 quater B du code général des impôts que les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de recherche confiées à des prestataires agréés ouvrent droit, pour le donneur d'ordre, à un crédit d'impôt dans la limite du plafond fixé au d ter) de cet article, les prestataires agréés devant déduire les sommes ainsi reçues de la base de calcul de leur propre crédit d'impôt recherche.

5. Il est constant que la société Nevolia, organisme de recherche privé agréé au sens du d) bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, a perçu, de la part d'entreprises clientes donneuses d'ordre, des sommes en contrepartie d'opérations de recherche qu'elle a effectuées pour leur compte. Dès lors, en application des dispositions précitées, elle ne pouvait retenir dans la base de calcul de son propre crédit d'impôt, les dépenses facturées à ses donneurs d'ordre.

Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir, sur le fondement de la loi fiscale, qu'elle pouvait prendre en compte ces sommes pour le calcul de son propre crédit d'impôt recherche, et ce, alors même que les entreprises clientes auraient renoncé à bénéficier du crédit d'impôt recherche à raison des sommes qu'elle leur a facturées.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (... ) ".

7. La société Nevolia se prévaut de la tolérance administrative prévue par l'instruction référencée 4 A-1-00 du 8 février 2000, les commentaires contenus dans les paragraphes 146 et 147 de l'instruction du 8 février 2000 repris au paragraphe 40 de la documentation de base référencée 4 A-4122 du 9 mars 2011, et le paragraphe 220 du Bulletin officiel des impôts du

BOI-BIC-RICI-10-10-20-30 du 4 avril 2014.

8. La décision refusant de restituer un crédit d'impôt ne constitue cependant ni un rehaussement d'imposition, ni un redressement, de sorte que la société Nevolia n'est pas fondée à revendiquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de la doctrine administrative qu'elle invoque au soutien de ses conclusions tendant à la restitution du crédit d'impôt recherche de l'année 2013 d'un montant de 162 166 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nevolia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au demeurant non chiffrées, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Nevolia est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nevolia et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional du contrôle fiscal d'Île-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Poupineau, président,

- Mme A..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 juin 2020.

Le président,

V. POUPINEAU

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA01921


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01921
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : MBA - MOISAND BOUTIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-25;19pa01921 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award