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24/06/2020 | FRANCE | N°19PA02431

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 24 juin 2020, 19PA02431


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hitachi Zosen Inova a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de

777 462 euros qu'elle a constaté au titre du mois de novembre 2015.

Par un jugement n° 1709040/2-1 du 28 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 juillet 2019, 11 décembre 2019 et

2 juin 2020, la soci

té Hitachi Zosen Inova, représentée par Me A... B..., demande à la Cour :

1°) avant-dire droit, d'ordonn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Hitachi Zosen Inova a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de

777 462 euros qu'elle a constaté au titre du mois de novembre 2015.

Par un jugement n° 1709040/2-1 du 28 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 juillet 2019, 11 décembre 2019 et

2 juin 2020, la société Hitachi Zosen Inova, représentée par Me A... B..., demande à la Cour :

1°) avant-dire droit, d'ordonner une expertise ;

2°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 28 mai 2019 ;

3°) de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ;

4°) à titre subsidiaire, d'interroger la Cour de Justice de l'Union Européenne sur la question de savoir si une législation refusant à une société se trouvant dans sa situation la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle se prévaut est conforme au droit de l'Union ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'indemnité ayant donné lieu à facturation d'une TVA de 601 830 euros a pour contrepartie les prestations de services et les livraisons de biens nécessitées par la réparation des malfaçons ;

- les mouvements de fonds avec la société Inova relatifs au paiement de cette indemnité ont été justifiés ;

- l'accord de répartition de la charge de cette indemnité a été produit, de même que les factures établies à cet égard par la société Inova ;

- les accords produits ont un caractère probant ;

- l'historique des règlements n'a pas été pris en compte par le service ;

- les irrégularités formelles ne sauraient s'opposer à la déduction de la taxe pour un montant de 222 394 euros, sauf à méconnaitre les principes de neutralité et de proportionnalité ;

- elle a respecté les obligations formelles issues de l'article 286 du code général des impôts et de la note " Entreprises étrangères - modalités de présentation du fichier des écritures comptables prévue au 1 de l'article L. 47 A du LPF - mise à jour le 24.09.2014 " ;

- la doctrine référencée BOI-TVA-DECLA-30-10-10, 12-09-2012 n'impose pas la tenue de comptes de tiers ;

- l'article 54 du code général des impôts ne lui est pas opposable à cet égard ;

- ce n'est qu'en 2015 que la taxe d'aval et la taxe d'amont sont devenues exigibles en raison de l'accord de compensation du 29 avril 2015 ;

- l'absence de paiement d'acomptes à la société Inova s'explique par la nature des opérations ;

- une déclaration a été déposée au titre du mois de décembre 2010 ;

- les preuves de paiement et les factures correspondantes ont été apportées ;

- on ne saurait exiger la communication de relevés d'un compte bancaire étranger, les obligations légales en la matière ne concernant que les contribuables établis en France ;

- elle n'était pas redevable de la taxe au titre de la période au cours de laquelle elle n'avait pas de représentant fiscal et au titre de laquelle aucune déclaration n'a été déposée ;

- les cinq factures DHL justifiant des 1 518 euros de taxe déductible ont été produites ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur ce point ;

- la désignation d'un représentant fiscal ne s'explique pas par la volonté de récupérer la taxe en cause ;

- la justification du rehaussement n'est pas apportée.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Hitachi Zosen Inova ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative,

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la société Hitachi Zosen Inova.

Considérant ce qui suit :

1. La société Hitachi Zosen Inova (HZI), société de droit suisse, qui exerce une activité d'ingénierie dans le secteur de la construction d'usines d'incinération de déchets a déposé, au titre du mois de novembre 2015, une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 777 462 euros correspondant à un montant de 48 280 euros de TVA collectée et 825 742 euros de TVA déductible. Après avoir engagé une vérification de comptabilité pour vérifier le bien-fondé de ce crédit, l'administration a, par une décision du

31 mars 2017, refusé le remboursement sollicité au motif que la taxe sur la valeur ajoutée déductible n'était pas justifiée. La société HZI relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant au remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 777 462 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges ont statué sur les montants de taxe déductible de 222 394 euros et 601 830 euros dont se prévalait la société requérante en écartant les prétentions de l'intéressée. Le montant de taxe collectée étant égal à 48 280 euros, aucun crédit de taxe sur la valeur ajoutée ne pouvait dès lors être constaté, alors même que la société aurait justifié du montant de taxe déductible à hauteur de 1 518 euros procédant des factures de la société DHL. Les premiers juges n'étant saisis que de conclusions en remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, ils pouvaient en conséquence rejeter ces conclusions sans se prononcer sur l'existence de ce dernier montant de taxe déductible de 1 518 euros. Le moyen tiré à cet égard d'une omission à statuer ne peut par suite qu'être écarté.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 601 830 euros :

3. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 266 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " 1. La base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations (...) " et aux termes du II de l'article 271 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que, par un jugement n° 1003570 en date du 4 juin 2013 du Tribunal administratif de Rouen, la société Inova et la société Hitachi Zosen Inova AG ont été condamnées solidairement à payer à la société normande de valorisation énergétique (SNVE) la somme totale de 3 043 140 euros HT, soit 3 639 595,44 euros TTC, avec intérêts, au titre de la garantie décennale des constructeurs leur incombant. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai n° 13DA01246 du 20 janvier 2015 devenu définitif. Par convention du 27 janvier 2014, les sociétés Inova et HZI ont convenu que HZI était seule responsable des désordres selon leur accord de consortium interne et la société Inova a alors établi, le 27 janvier 2014, une facture au nom de la société requérante faisant état d'une refacturation de 3 672 394 euros TTC et de la taxe sur la valeur ajoutée en litige d'un montant de 601 830 euros. Toutefois le versement de la somme litigieuse trouve son origine dans la fixation, par le juge judiciaire, d'une indemnité en réparation des désordres constatés dans le cadre de la garantie décennale des constructeurs et ne constitue pas la contrepartie directe et la rémunération d'une livraison de bien ou d'une prestation individualisable. La société requérante ne saurait utilement se prévaloir, à cet égard, de ce que des biens et services auraient été fournis à la société SNVE par les entreprises ayant réparé les désordres en cause, dès lors que les factures établies à cette occasion n'ont pu donner lieu à une déduction de taxe que par leur destinataire. Dans ces conditions, et sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de ce que le jugement du tribunal administratif de Rouen et l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai ont fait état d'une indemnité versée " de 3 043 140 euros HT, soit 3 639 595,44 euros TTC ", la société Inova n'était en tout état de cause pas autorisée légalement à faire figurer de la taxe sur la valeur ajoutée sur la facture destinée à la société HZI en date du 27 janvier 2014. La société requérante n'est donc pas fondée à prétendre à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée portée sur cette facture pour le montant de 601 830 euros.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 222 394 euros :

5. La société HZI fait valoir que le montant de 222 394 euros correspond à la taxe sur la valeur ajoutée relative aux opérations de prestations de service que lui a facturées la société Inova à compter du mois de décembre 2010, mais qu'en raison d'un litige entre ces deux sociétés, ces factures n'ont pas fait l'objet d'un règlement avant le paiement, le 29 août 2014, du solde entre les dettes réciproques des deux sociétés, entériné par un accord de compensation du

29 avril 2015. Pour en justifier, elle produit l'avis de paiement du 29 août 2014, trente factures de la société Inova établies de 2011 à 2012 faisant état de " refacturation de frais engagés pour votre compte " ainsi que l'accord de compensation détaillant le flux financier entre les deux sociétés et faisant état de paiements d'acomptes. Ces pièces ne suffisent toutefois pas, en l'absence d'éléments permettant de suivre l'évolution des dettes réciproques des deux sociétés, tels que le comptes de tiers de la société Inova dans les écritures de la société HZI et les relevés bancaires de cette dernière, à établir que le paiement du 29 août 2014 correspondait effectivement au solde d'une opération de compensation entre des dettes exigibles et que, parmi les sommes restant dues par la société HZI à la société Inova à la date du paiement figurait le montant des factures comportant la taxe litigieuse. La société HZI ne saurait par suite être regardée comme établissant, par les seules pièces produites, le montant de la taxe déductible dont elle se prévaut. L'administration étant en droit, pour ce seul motif, d'écarter le caractère déductible de la taxe en cause, la société requérante ne saurait utilement faire valoir qu'elle a respecté les obligations comptables s'imposant aux entreprises étrangères réalisant en France des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, ni que de irrégularités formelles ne sauraient s'opposer à la déduction de la taxe sauf à méconnaitre les principes de neutralité et de proportionnalité. La circonstance invoquée, tirée de ce qu'aucune obligation législative ou réglementaire qui lui serait applicable ne lui imposerait la production de ses comptes de tiers ou de ses relevés bancaires est également inopérante, dès lors que cette circonstance ne saurait en tout état de cause dispenser la société HZI de fournir les éléments, quels qu'ils soient, permettant à l'administration de vérifier le montant de taxe déductible dont elle se prévaut.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin, pour les mêmes motifs qu'indiqués au point 2., de statuer sur le montant de taxe déductible de 1 518 euros figurant sur les factures DHL, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée ni de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que la société HZI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Hitachi Zosen Inova est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hitachi Zosen Inova et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. C..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2020.

Le président,

I. BROTONS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 19PA02431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02431
Date de la décision : 24/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : RENE LEDRU AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-24;19pa02431 ?
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