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23/06/2020 | FRANCE | N°19PA02926

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 23 juin 2020, 19PA02926


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté n°2016-JS-119 du 31 août 2016 portant retrait de l'agrément qui lui a été délivré pour l'exercice à titre individuel en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs dans les ressorts des tribunaux d'instance de Melun et Meaux et d'annuler la décision du 20 décembre 2016 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1701480 du 24 juin 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2019, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté n°2016-JS-119 du 31 août 2016 portant retrait de l'agrément qui lui a été délivré pour l'exercice à titre individuel en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs dans les ressorts des tribunaux d'instance de Melun et Meaux et d'annuler la décision du 20 décembre 2016 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1701480 du 24 juin 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701480 du 24 juin 2019 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté n°2016-JS-119 du 31 août 2016 du préfet de Seine et Marne et la décision du 20 décembre 2016 portant rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du préfet n'est pas suffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que le délai de cinq jours qui lui a été accordé par courrier du 31 mai 2016 pour présenter ses observations en réponse à six injonctions de se conformer à ses obligations, est insuffisant ;

- elle est entachée d'erreur de droit et méconnait les dispositions de l'article L. 472-10 du code de l'action sociale et des familles, faute pour le préfet d'avoir procédé à un véritable contrôle avant de retirer l'agrément, d'avoir fixé une nouvelle date de contrôle ;

- elle est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas satisfait à l'injonction délivrée dans le délai imparti ;

- elle est disproportionnée dès lors que les seuls griefs qui lui ont été faits concernent la tenue administrative des dossiers, l'article L. 472-10 du code de l'action sociale et des familles ne permettant le retrait d'un agrément que dans deux cas : la violation par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs des lois et règlements et la compromission de la santé, de la sécurité ou du bien-être physique ou moral de la personne protégée par les conditions d'exercice de la mesure de protection judiciaire.

La requête de Mme E... a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 19 décembre 2019.

La clôture de l'instruction a été fixée au 15 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 20 décembre 2011, le préfet de Seine-et-Marne a agréé Mme E... pour l'exercice à titre individuel de l'activité de mandataire judiciaire à la protection des personnes majeures dans les ressorts des tribunaux d'instance de Melun, Lagny-sur-Marne, Meaux et Fontainebleau. Dans le cadre du programme régional de contrôle de l'activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs pour la région Ile-de-France pour l'exercice 2016, le préfet a fait diligenter une mission de contrôle de l'activité de l'intéressée, les 12 et

13 avril 2016. Le 29 avril 2016, Mme E... a été reçue à la direction départementale de la cohésion sociale de Seine-et-Marne afin que soient portés à sa connaissance les principaux éléments relevés. Le 10 mai 2016, elle a reçu communication du rapport provisoire de la mission qui comprenait sept injonctions et trois recommandations ; un délai de quinze jours lui a été accordé pour faire ses observations. Par courrier du 31 mai 2016 reçu par sa destinataire le

1er juin suivant, le préfet a levé l'injonction relative à la transmission d'une attestation d'assurance et a adressé à la requérante le rapport définitif établi le 27 mai 2016 ; il lui a par ailleurs demandé de mettre en oeuvre des mesures correctives correspondant aux six autres injonctions pour le 26 juillet 2016, date de visite de la mission de contrôle, et lui a accordé un délai de cinq jours pour faire des observations. Par un arrêté du 31 août 2016 intervenu après avis favorable du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Melun du

18 août 2016, le préfet de Seine-et-Marne a retiré l'agrément accordé à la requérante dans les ressorts des tribunaux d'instance de Melun et Meaux. Le recours gracieux formé par courrier du 20 octobre 2016 reçu le 25 a été rejeté le 20 décembre 2016. Mme E... relève appel du jugement du 24 juin 2019 par lequel sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 31 août 2016 et de la décision du 20 décembre 2016 ont été rejetés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (....) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droit ". Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables: (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; (...) ". Aux termes de l'article L. 472-10 du code de l'action sociale et des familles dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Sans préjudice des dispositions des articles 416 et 417 du code civil, le représentant de l'Etat dans le département exerce un contrôle de l'activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs./En cas de violation par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs des lois et règlements ou lorsque la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral de la personne protégée est menacé ou compromis par les conditions d'exercice de la mesure de protection judiciaire, le représentant de l'État dans le département, après avoir entendu l'intéressé, lui adresse, d'office ou à la demande du procureur de la République, une injonction assortie d'un délai circonstancié qu'il fixe. (...) / S'il n'est pas satisfait à l'injonction dans le délai fixé, le représentant de l'État dans le département, sur avis conforme du procureur de la République ou à la demande de celui-ci, retire l'agrément prévu à l'article L. 472-1 ou annule les effets de la déclaration prévue à l'article L. 472-6. / En cas d'urgence, l'agrément ou la déclaration peut être suspendu, sans injonction préalable et, au besoin, d'office, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État (...). ".

3. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que le retrait de l'agrément accordé est subordonné à l'avis conforme émis par le procureur de la République sur le fondement de l'article L. 472-1 du code de l'action sociale et des familles ; ainsi, même si le retrait d'agrément litigieux entre dans le champ d'application des dispositions de l'article

L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration relatives à la motivation des actes administratifs, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté attaqué est inopérant. En tout état de cause, la décision contestée comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement, de sorte que Mme E... puisse en connaître et comprendre le motif à sa seule lecture. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, en fait, de la décision contestée doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il résulte de ces mêmes dispositions que Mme E... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration qui ne trouvent pas à s'appliquer aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives, comme c'est le cas en l'espèce des dispositions de l'article L. 472-10 du code de l'action sociale et des familles, ont instauré une procédure contradictoire particulière. En tout état de cause, si Mme E... maintient que le délai de cinq jours qui lui a été octroyé par courrier du 31 mai 2016 jours pour faire des observations est trop bref, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été entendue le 29 avril 2016 et qu'ont alors été portés à sa connaissance les principaux griefs qui lui ont été faits. Ces derniers ont été à nouveau énumérés dans le courrier du 10 mai 2016 portant communication du rapport provisoire de la mission de contrôle, qui octroyait à la requérante un délai de quinze jours pour présenter ses observations, ce qu'elle n'a pas fait. Le courrier du 31 mai suivant, portant communication du rapport définitif, se bornait à reprendre les mêmes griefs sauf un et annonçait à l'intéressée qu'une visite de la mission de contrôle aurait lieu le 26 juillet 2016 afin de vérifier la mise en oeuvre des mesures correctives demandées. Il résulte de ces circonstances que la requérante a eu toute latitude, à plusieurs reprises et sur la période allant du 26 avril 2016 à la date de la décision de retrait attaquée, pour se manifester. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision du 31 août 2016 est intervenue dans un contexte où de nombreux dysfonctionnements de la part de Mme E..., es qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ont été relevés par la mission de contrôle les 12 et 13 avril 2016, consistant principalement en une mauvaise tenue et mise à jour des dossiers des personnes protégées, des carences dans l'association suffisamment active aux mesures des personnes placées sous curatelle, notamment s'agissant du respect des règles relatives à la co-signature des actes, en l'absence de versement aux dossiers papier des copies des comptes de gestion ainsi que des justificatifs et des preuves de régularisation de la participation des personnes protégées sur les dossiers. De tels manquements dans les conditions d'exercice des mesures de protection judiciaire, compte tenu de leur nature et de leur réitération, compromettent les intérêts des majeurs protégés au sens des dispositions de l'article L. 472-10 du code de l'action sociale et des familles précitées. Contrairement à ce que soutient la requérante, la décision litigieuse n'a en réalité pas été prise en raison de son absence pour cause de congés annuels lors de la visite de contrôle du 26 juillet 2016, mais parce que, faute de s'être excusée ou d'en avoir demandé le report en temps utile alors que cette visite avait été programmée par courrier du 31 mai 2016 reçu le 1er juin, elle n'a pas mis l'administration en mesure de vérifier que les injonctions formulées à cette date avaient été satisfaites et ainsi rapporté la preuve de ce que des mesures correctives avaient été mises en oeuvre. Dans ces conditions, et alors qu'il n'était nullement tenu de suspendre préalablement l'agrément accordé, c'est sans commettre d'erreur de droit que le préfet de Seine-et-Marne, sur avis conforme du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Melun, a retiré à Mme E... l'agrément qui lui avait été délivré.

6. En quatrième lieu, la matérialité des manquements reprochés n'étant pas contestée, faute d'établir que, dans les délais impartis, elle a procédé aux mesures correctives demandées, en se bornant à se prévaloir des demandes de décharges qu'elle a adressées à deux juges des tutelles, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que les décisions litigieuses sont entachées d'erreur de fait.

7. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions litigieuses sont intervenues sur avis conforme, favorable au retrait, du procureur de la République. Il en résulte que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation, en tant qu'il est dirigé contre les seules décisions du préfet, est inopérant. En tout état de cause, ainsi que l'on relevé à bon droit les premiers juges, il ressort des pièces du dossier, qu'eu égard notamment à son mode d'organisation, Mme E... manque de disponibilité, de réactivité dans la mise en oeuvre et le suivi des personnes vulnérables qui lui ont été confiées. Des manquements ont été relevés lors du contrôle dans tous les dossiers. Par ailleurs, il ressort encore des pièces du dossier, qu'en raison de ces insuffisances et carences et indépendamment de ses demandes spontanées à la suite du contrôle dont elle a fait l'objet, des juges des tutelles ont été amenés à retirer à la requérante des mesures à la suite d'incidents gravement préjudiciables aux intérêts des majeurs protégés dont elle avait la responsabilité. Il en résulte que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de Seine-et-Marne du 31 mai 2016 et du

20 décembre 2016.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :

- M. B..., premier vice-président,

- Mme A..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2020.

Le rapporteur,

M-F... A... Le président,

M. B...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 19PA02926


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02926
Date de la décision : 23/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-04 Droits civils et individuels. État des personnes. Questions diverses relatives à l`état des personnes.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SELARL LEXIO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-23;19pa02926 ?
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