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23/06/2020 | FRANCE | N°19PA01175

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 23 juin 2020, 19PA01175


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1821287/6-3 du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2019, régularisée par u

n mémoire enregistré le 2 septembre 2019 Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1821287/6-3 du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2019, régularisée par un mémoire enregistré le 2 septembre 2019 Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 février 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 22 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans le délai d'un mois suivant la décision à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 € par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le conseil de la requérante renonçant le cas échéant au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

La décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

- est insuffisamment motivée ;

- méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et du citoyen, eu égard à la durée de son séjour et à son intégration sociale et professionnelle à la société française ;

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

- est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;

- méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... sont infondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 15 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante thaïlandaise née le 20 mars 1956 et entrée en France munie d'un visa, le 1er janvier 2004, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 22 octobre 2018, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par jugement du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

2. En premier lieu, Mme B... soutient que l'arrêté est insuffisamment motivé. Cependant, le préfet de police de Paris, vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application et fait référence de manière circonstanciée à sa situation personnelle et familiale, sans que le préfet ne soit tenu de faire état de l'ensemble des éléments figurant dans sa demande. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté. Par ailleurs il ne resort pas des pieces du dosier que le préfet de police n'aurait pas procèdé à un examen approfondi de la situation personnelle de l'intéressée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

4. Pour refuser à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII du 1er juillet 2018 qui a considéré que, si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le traitement approprié à son état de santé était disponible dans son pays d'origine. Pour contredire cet avis, l'intéressée soutient qu'elle souffre d'un cancer du sein et qu'elle ne pourra bénéficier du traitement approprié dans son pays d'origine. Toutefois, les certificats médicaux établis par le docteur Conforti le 28 novembre 2018 et par le docteur Elkrieff le 15 mars 2019, ainsi que le bilan senologique en date du 5 mars 2019, ne comportent que des considérations générales et peu circonstanciées concernant la prise en charge de la pathologie de Mme B.... Ces documents sont donc insuffisants pour infirmer l'avis du collège de médecins de l'OFII, sur la disponibilité du traitement en Thailande. S'agissant de l'accès effectif à ce traitement, Mme B... se borne à produire les brochures de certains hôpitaux privés en Thaïlande affichant les honoraires de traitement contre le cancer du sein et allègue sans en justifier qu'elle ne pourra bénéficier d'aucune assurance en cas de retour dans ce pays. Il n'est donc pas établi qu'elle ne pourrait pas avoir un accès effectif au traitement nécessité par son état de santé en Thaïlande. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté .

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

6. Mme B... fait valoir qu'elle résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté du 22 octobre 2018. Mme B... produit à l'appui de ses allégations pour l'année 2013, une ordonnance médicale et une feuille de soins, datant toutes les deux du 26 décembre 2013, pour l'année 2014, deux courriers de Solidarité Transports en date du 29 novembre 2014 et du 5 décembre 2014, ainsi qu'une déclaration de revenus pour 2014 faite le 31 décembre 2015 et une carte d'Aide médicale dEtat valable du 22 août 2014 au 21 août 2015. Toutefois ces pièces ne suffissent pas à établir le caractère continu et habituel du séjour de Mme B... durant les années 2013 et 2014 et donc durant les dix années précédant l'arrêté contesté. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande.

7. Par ailleurs, si Mme B... se prévaut de la durée de sa présence en France, cette seule circonstance, au demeurant non établie comme il a été dit ci-dessus, ne peut toutefois être regardée comme une considération humanitaire ou un motif exceptionnel justifiant qu'il lui soit délivré un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 cité cite au point 5. Ainsi, le préfet de police a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions, opposer un refus à sa demande de titre de séjour.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Mme B... soutient qu'elle est présente de façon ininterrompue sur le territoire français depuis plus de dix ans, qu'elle travaille depuis 2017 en tant qu'employée de maison et qu'elle est intégrée à la société française. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est célibataire, sans charge de famille en France et n'est pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment son fils. Par suite, la décision du refus de séjour du 22 octobre 2018 n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui de ses conclusions à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

11. En deuxième lieu, Mme B... ne relevant pas des dispositions de l'article L.313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile feraient obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre.

12. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 ci-dessus.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 juin 2020.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA01175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01175
Date de la décision : 23/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : MESUROLLE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-23;19pa01175 ?
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