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23/06/2020 | FRANCE | N°19PA01043

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 23 juin 2020, 19PA01043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2018 par lequel le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1822938 du 22 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 14 mars 2019 et le 6 décembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à

la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1822938 du 22 février 2019 du magistrat désigné par le prési...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2018 par lequel le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités espagnoles.

Par un jugement n° 1822938 du 22 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 14 mars 2019 et le 6 décembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1822938 du 22 février 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 15 novembre 2018 par laquelle le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités espagnoles ;

3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, au bénéfice de Me C..., en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert n'a pas été exécuté dans le délai de six mois alors qu'il n'était ni en fuite, ni emprisonné, en conséquence de quoi l'examen de sa demande d'asile incombe désormais à la France ;

- la décision litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 dans la mesure où il vit sur le territoire français depuis plus de trois ans avec son épouse et leurs trois enfants dont deux sont nés en France, où son frère et sa cousine, de nationalité française, y vivent également.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.

Les parties ont été informées le 19 février 2020, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de la caducité de l'arrêté de remise, le délai de six mois étant expiré.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 février 2020 et le 3 mars 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le délai de six mois dans lequel l'arrêté de transfert doit être exécuté a été porté à dix-huit mois au sens des dispositions de l'article 29.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que M. D... ne s'est pas présenté à l'embarquement du vol à destination de Madrid prévu le 19 mars 2019, sans qu'il n'allègue ou n'établisse l'impossibilité de s'y présenter ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... D..., ressortissant géorgien né le 15 août 1988, relève appel du jugement du 22 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 novembre 2018 par laquelle le préfet de police a décidé sa remise aux autorités espagnoles.

Sur la caducité de l'arrêté de transfert :

2. Aux termes de l'article 29 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil : " Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé (...) / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". Aux termes de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert peut en demander l'annulation au président du tribunal administratif. En vertu des dispositions du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le délai de six mois fixé pour l'exécution de la mesure de transfert a été interrompu par l'introduction d'un recours, il recommence à courir à compter de la décision juridictionnelle qui n'est plus susceptible de faire obstacle à la mise en oeuvre de la procédure de remise. En cas de rejet du recours par le premier juge, ce délai court à compter du jugement qui, l'appel étant dépourvu de caractère suspensif, rend à nouveau la mesure de transfert susceptible d'exécution. La computation est similaire lorsque le délai d'exécution est porté à dix-huit mois compte tenu de la fuite de l'intéressé.

4. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'Espagne était l'Etat responsable de la demande d'asile de M. D.... Le 25 septembre 2018, le préfet de police a saisi d'une demande de reprise en charge de l'intéressé les autorités espagnoles qui ont accepté leur responsabilité par un accord du 3 octobre 2018. Par un arrêté du 15 novembre 2018, le préfet de police a ordonné le transfert de M. D... aux autorités espagnoles. Le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder à son transfert à compter de la décision d'acceptation des autorités espagnoles du 3 octobre 2018 a été interrompu par la présentation d'une demande de l'intéressé devant le tribunal administratif de Paris, le 27 novembre 2018. Ce délai a recommencé à courir à compter du 27 février 2019, date de notification du jugement du tribunal administratif de Paris à l'administration.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu remettre en main propre le 14 mars 2019 un avis de départ et une convocation auprès des services de la police de l'air et des frontières, pour un embarquement volontaire sur un vol à destination de l'Espagne prévu le

19 mars suivant afin de permettre l'exécution de la décision de transfert. Ce dernier ne s'est toutefois pas rendu à cette convocation, sans fournir de motif valable de nature à justifier son absence, alors qu'elle portait la mention expresse selon laquelle il avait été informé " qu'en cas de soustraction (...) à l'exécution d'une mesure de transfert, (il était) susceptible d'être déclaré en fuite " et que le délai de transfert auprès de l'Etat responsable de sa demande d'asile serait alors prolongé de 18 mois. Il n'a pas davantage justifié de l'impossibilité dans laquelle il aurait été de se présenter le 19 mars 2019 à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle en vue de l'exécution de l'arrêté de transfert. Dès lors, le requérant, qui s'est volontairement soustrait, dans le délai de six mois prévu par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013, à la mise à exécution de son transfert, doit être regardé comme ayant pris la fuite, au sens du même article. Dans ces conditions, le préfet de police a pu légalement informer les autorités espagnoles, le 1er avril 2020, de ce que M. D... avait été déclaré en fuite, en conséquence de quoi le délai de transfert de six mois a pu être porté à dix-huit mois, soit jusqu'au 27 août 2020. La situation de fuite n'a pas été contestée par M. D... auquel la réponse du préfet de police au moyen d'ordre public soulevé par la cour a été communiquée.

6. Il résulte de ce qui précède que la décision portant transfert aux autorités espagnoles du requérant est, à la date du présent arrêt, toujours exécutoire et qu'il y a donc lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert :

7. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité ". L'article 3 de ce règlement dispose par ailleurs : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Il en résulte que le préfet n'est pas tenu de justifier, dans l'arrêté en litige, des raisons pour lesquelles il décide de ne pas en faire application.

8. M. D... soutient que le préfet de police a méconnu l'article 17 du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 et a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où il s'est abstenu d'apprécier la possibilité de faire usage de la clause dérogatoire que cet article prévoit. Il ressort toutefois des termes mêmes de la décision litigieuse que le préfet de police a procédé à un examen attentif de la situation de M. D..., l'arrêté mentionnant que :

" l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. D... F... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement UE n°604/2013 (...) M. D... F... ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France stable, que les autorités espagnoles ont également accepté de reprendre en charge son épouse(...) ainsi que les deux enfants mineurs (...) et qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en Espagne (...) ". Ainsi, le préfet de police n'a pas méconnu l'article précité. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris par voie de conséquence ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles de son conseil, présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :

- M. B..., premier vice-président,

- Mme A..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2020.

Le rapporteur,

M-E... A... Le président,

M. B...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 19PA01043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01043
Date de la décision : 23/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BREMAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-23;19pa01043 ?
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