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22/06/2020 | FRANCE | N°19PA03025

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 juin 2020, 19PA03025


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 21 septembre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 1900954/6-2 du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistré

e le 24 septembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 21 septembre 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 1900954/6-2 du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 septembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900954/6-2 du 14 juin 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 septembre 2018 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourra bénéficier dans son pays d'origine d'un suivi médical adapté à son état de santé alors qu'il nécessite une prise en charge dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard des menaces proférées à son encontre par les forces de l'ordre géorgiennes ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du 9 septembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme D... a présenté son rapport au cours de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant géorgien, né le 2 octobre 1978 et entré en France le 15 décembre 2016 selon ses déclarations, a sollicité le 2 janvier 2018 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 septembre 2018, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il sera éloigné. M. B... relève appel du jugement du 14 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

3. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., qui souffre d'une tétraparésie avec un déficit sensitivo-moteur complet des membres inférieurs et partiel des membres supérieurs entraînant un taux d'incapacité supérieur à 80 % et impliquant un déplacement essentiellement en fauteuil roulant, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 1er juillet 2018 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précisait que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des pièces du dossier, l'état de santé de M. B... lui permettait de voyager sans risque. Les pièces médicales versées au dossier par M. B..., en particulier le certificat médical établi le 31 juillet 2019 par le docteur Jousse, praticien au sein du service de médecine physique et de réadaptation à l'hôpital Saint Louis Lariboisière Fernand-Widal produit pour la première fois en appel, mentionnant que l'état de santé du requérant nécessite un suivi médical spécialisé régulier et énumérant de manière générale les risques de complications susceptibles de se produire en l'absence d'un tel suivi, sont insuffisantes pour établir que le défaut d'une prise en charge médicale entraînerait pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce que les soins médicaux adaptés à son état de santé sont inaccessibles en Géorgie en raison de leur coût très élevé. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B... sera écarté.

5. En troisième et dernier lieu, M. B... ne peut utilement invoquer les risques personnels auxquels il serait exposé en cas de retour en Géorgie à l'encontre de la décision de refus de séjour, laquelle n'a pas pour objet de fixer le pays de destination. Le moyen doit ainsi être écarté comme inopérant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour ayant été écartés, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.

Sur la décision fixant le pays de destination :

7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

8. En se prévalant des menaces et des pressions qu'il subirait de la part des forces de police en cas de retour en Géorgie, M. B... doit être regardé comme soulevant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision fixant le pays de destination. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a adressé, par l'intermédiaire d'une organisation des droits de l'homme géorgienne (EMC), une plainte à l'inspection générale du ministère des affaires intérieures portant sur les conditions dans lesquelles il a été privé de son fauteuil roulant pendant plusieurs heures par les forces de police géorgiennes lors de la verbalisation du conducteur du véhicule dans lequel il se trouvait le 15 juin 2016. Cette plainte a donné lieu à l'ouverture d'une information sur des faits de traitements inhumains et dégradants auprès du parquet le 4 août 2016 et à un rapport du 22 août 2016 par lequel le défenseur public de Géorgie a adressé au ministre des affaires intérieures une recommandation destinée à ses agents tendant notamment à développer les connaissances théoriques et pratiques quant aux droits et aux besoins des personnes handicapées. Toutefois, les éléments versés au dossier, en particulier le rapport d'Amnesty international au titre de l'année 2017-2018 faisant état de la nécessité de mettre en place un mécanisme d'enquête indépendant dans les litiges impliquant les forces de l'ordre, sont insuffisants pour établir que M. B... et sa femme subiraient des menaces et pressions de la part des forces de police en raison de cette plainte et qu'il ne pourrait pas bénéficier d'une aide financière de la part de l'Etat afin d'obtenir des soins médicaux en cas de retour en Géorgie. En outre, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 28 avril 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 4 septembre 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2020.

Le président de la formation de jugement,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 19PA03025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03025
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LEGRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-22;19pa03025 ?
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