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16/06/2020 | FRANCE | N°19PA03637

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 16 juin 2020, 19PA03637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 mars 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1902424 du 25 avril 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 mars 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1902424 du 25 avril 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902424 du 25 avril 2019 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mars 2019 du préfet du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre à ce dernier de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle en ce qu'elle n'a pas pris en compte les éléments relatifs à son état de santé et à sa vie privée et familiale ;

- elle méconnaît le principe du contradictoire en ce qu'il n'a pas pu présenter ses observations préalablement à son édiction ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en ce que le préfet du Val-de-Marne s'est abstenu de saisir le collège de médecins en application des dispositions prévues aux articles L. 511-4 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de fait concernant son entrée en France ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce que son état de santé faisait obstacle à une mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne présente pas de risques de soustraction à la mesure d'éloignement du territoire ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant trente-six mois est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... a été rejetée pour caducité par décision du 15 octobre 2019 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européennes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant arménien né le 15 juin 1961, entré irrégulièrement en France en 2009, a par la suite introduit une demande d'asile, qui a fait l'objet d'un rejet définitif en 2010. Après qu'il a été écroué le 25 septembre 2018 à la suite d'une condamnation à huit mois d'emprisonnement par un arrêt de la Cour d'appel de Versailles en date du 13 octobre 2016, par un arrêté du 12 mars 2019 le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans. M. C... fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ".

3. Par ailleurs, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) ".

4. Le droit d'être entendu relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Le droit d'être entendu ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. A cet égard, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande, qu'après que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile aient statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute information complémentaire utile.

5. En l'espèce, d'une part, M. C..., dont il n'est pas contesté qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour postérieurement au rejet définitif de sa demande d'asile en 2010, indique ne pas avoir pu présenter ses observations relatives à sa vie privée et familiale et à son état de santé de manière écrite ou orale préalablement à la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée. A cet égard, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, en l'absence notamment de tout mémoire en défense en appel comme en première instance, que le requérant a été entendu et mis en mesure de présenter des observations préalablement à l'édiction de cette décision. D'autre part, si M. C... a été entendu par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile, il ne saurait, du fait de l'importance du temps écoulé depuis le rejet de sa demande d'asile en 2010, être regardé comme ayant pu utilement faire valoir dans le cadre de l'instruction de cette demande les éléments relatifs à son séjour en France pertinents à la date de la décision contestée. Il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir avoir été privé de son droit à être entendu tel que prévu par les dispositions précitées.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mars 2019 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard aux motifs énoncés ci-dessus, l'annulation de la décision contestée implique que le préfet du Val-de-Marne procède au réexamen de la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que M. C... demande en remboursement des frais qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902424 du 25 avril 2019 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 12 mars 2019 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020

Le rapporteur,

L. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA03637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03637
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-16;19pa03637 ?
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