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15/06/2020 | FRANCE | N°19PA01716

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 15 juin 2020, 19PA01716


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi.

Par un jugement n° 1901951 du 5 avril 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2019, Mme A..., repré

sentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901951 du 5 avril 2019 pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 5 janvier 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi.

Par un jugement n° 1901951 du 5 avril 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2019, Mme A..., représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901951 du 5 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2019 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article

L. 511-4 10ème du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne s'est pas prononcé sur l'ensemble des arguments soulevés ;

- l'arrêté du 5 janvier 2019 est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet du Val-de-Marne s'est estimé lié par la décision de la CNDA ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français est elle-même illégale ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un courrier du 27 juin 2019, le préfet du Val-de-Marne a été mis en demeure de produire sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne, née le 3 août 1987 est entrée en France en 2012 selon ses déclarations et s'y est maintenue. Elle a sollicité son admission au titre de l'asile.

Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le

26 octobre 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 29 octobre 2018. Par un arrêté du 5 janvier 2019 le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement n° 1901951 du 5 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Melun s'est prononcé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10°de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.

3. En second lieu, si Mme A... soutient que le tribunal ne s'est pas prononcé sur l'ensemble des arguments relatifs à sa situation personnelle, il ressort du jugement contesté, et notamment du considérant n° 6, que le juge de première instance a relevé que la requérante n'avait saisi le préfet que d'une demande d'asile et qu'elle ne l'avait donc pas mis en mesure d'évaluer la nature des liens avec son compagnon, ni sa situation personnelle. Ce faisant, le tribunal a pris en compte les arguments avancés par la requérante. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que le tribunal administratif ne les a pas pris en compte.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement du Tribunal administratif de Melun est entaché d'une irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

5. En soulevant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme A... doit être regardée comme contestant la décision par laquelle le préfet a refusé de l'admettre au séjour.

6. Sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif de la décision administrative attaquée. Dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile, sans examiner d'office si d'autres motifs sont susceptibles de justifier la délivrance d'un titre à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement invoquer de tels motifs devant le juge de l'excès de pouvoir.

7. Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile. Toutefois, le préfet, saisi de sa demande uniquement sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a également considéré, dans la décision contestée, que : " l'intéressée n'entrait dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code ". Ce faisant, il doit être regardé comme ayant d'office examiné la demande de titre de séjour au regard des autres dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... ne justifie d'aucun motif exceptionnel de nature à justifier son admission au séjour au titre des dispositions précitées. En effet, si elle soutient être présente en France depuis l'année 2012, elle ne l'établit pas, les pièces produites au dossier étant insuffisantes pour établir la réalité de sa présente au titre des années 2012, 2014 et 2015. En outre, la seule circonstance qu'elle soit pacsée, depuis 2017, avec un ressortissant néerlandais résidant en France et justifie avec celui-ci d'une communauté de vie, ne sont pas non plus des motifs suffisants pour justifier une admission exceptionnelle au titre des dispositions précitées. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

10. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Et aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

11. Mme A... produit deux certificats médicaux établis le 2 mai 2018 et le 3 janvier 2019 par le docteur Derradji, dont il ressort qu'elle est atteinte du VIH et d'un diabète de type II. Ces documents indiquent que l'arrêt des traitements qui lui sont prescrits pour ces deux pathologies aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les médicaments sont indisponibles dans le pays d'origine. Mme A... fait référence aux données générales publiques sur les faiblesses du système de santé guinéen dans le traitement du VIH et le coût des médicaments qui fait obstacle à un accès effectif aux soins. Elle joint également à sa requête un courriel du laboratoire fabriquant le metformime, médicament traitant le diabète, qui indique que ce dernier n'est pas distribué en Guinée. Le préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense, ne conteste pas ces éléments. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 janvier 2019 en tant que le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui annule l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi, implique seulement qu'il soit enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901951 du 5 avril 2019 du Tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.

Article 2 : L'arrêté du 5 janvier 2019 du préfet du Val-de-Marne est annulé en tant qu'il fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de renvoi.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2020.

La présidente,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01716


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01716
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SALIGARI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-15;19pa01716 ?
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