Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Chantiers modernes construction a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser au titre du solde du marché de travaux de construction du centre de secours de la brigade des sapeurs-pompiers à Livry-Gargan les sommes de 1 376 570,07 euros HT ou, à titre subsidiaire, de 1 195,825,58 euros HT correspondant aux sommes contractuellement dues, de 167 558,73 euros correspondant aux pénalités de retard et de 100 000 euros correspondant aux intérêts moratoires sur les acomptes.
Par un jugement n° 1712358/3-3 du 10 juillet 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 août 2018 et 18 juillet 2019, la société Chantiers modernes construction, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1712358/3-3 du 10 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser au titre du solde du marché de travaux de construction du centre de secours de la brigade des sapeurs-pompiers à Livry-Gargan les sommes de
1 376 570,07 euros HT ou, à titre subsidiaire, de 1 195 823,58 euros HT correspondant aux sommes contractuellement dues, de 167 558,73 euros correspondant aux pénalités de retard et de
100 000 euros correspondant aux intérêts moratoires sur les acomptes ainsi que les intérêts moratoires dus sur le décompte final ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet de police en sa qualité de représentant de l'Etat est responsable contractuellement en qualité de maître d'ouvrage, ou à défaut de co-maître d'ouvrage avec la ville de Paris, des fautes commises dans l'exécution du marché ;
- le préfet de police n'a pas fait les diligences nécessaires pour gérer les conséquences du retard dans le démarrage des travaux ;
- le préfet de police n'a pas assuré sa mission de direction et de contrôle du chantier ;
- les demandes de modifications n'étaient pas prévues dans le marché ou résultent d'erreurs de conception et ont conduit la société à prendre des mesures évaluées à la somme de 708 740 euros HT ;
- elle a droit au paiement du solde du marché et des sommes correspondant aux ordres de service ;
- elle a droit au paiement d'une somme de 49 437,71 euros HT correspondant aux travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage ;
- elle a droit aux intérêts moratoires compte tenu des retards de paiement mensuels, évalués à 100 000 euros ;
- l'application des pénalités de retard n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2019, le préfet de police, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Chantiers modernes construction une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de première instance n'était pas recevable ;
- les moyens soulevés par la société Chantiers modernes construction ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., avocat de la société Chantiers modernes construction.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 27 mai 2013, le préfet de police a conclu avec la société Chantiers modernes construction un marché public de travaux portant sur le macro-lot B (clos couvert), en vue de la construction du centre de secours de la brigade des sapeurs-pompiers situé à Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis). Par courrier du 9 novembre 2016, la préfecture de police a transmis le décompte général pour un montant de 12 989 963,27 euros TTC, à la société Chantiers modernes construction, qui l'a contesté. Cette dernière relève appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au versement de sommes correspondant au solde du marché, aux pénalités de retard et aux intérêts moratoires.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2521-3 du code général des collectivités territoriales : " Le préfet de police de Paris est chargé du secours et de la défense contre l'incendie dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. / Le préfet de police peut déléguer ses compétences aux représentants de l'Etat dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne dans le domaine du secours et de la défense contre l'incendie. / Dans chacun des départements des Hauts-de-Seine, de la
Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, la prévention des risques relève de la compétence du maire et du représentant de l'Etat dans le département agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police. ". Aux termes de l'article R. 2521-2 du même code : " La brigade de sapeurs-pompiers de Paris assure sa mission dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. / A cet effet, elle est à la disposition du préfet de police de Paris. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 2512-23 du code général des collectivités territoriales : " Le budget de la commune de Paris comprend un budget principal et des budgets annexes. ". Aux termes de l'article R. 2512-24 du même code : " Le budget principal comprend un budget pour la commune de Paris et un budget spécial pour la préfecture de police. Chacun de ces budgets est constitué d'une section de fonctionnement et d'une section d'investissement. ". Aux termes de l'article L. 2512-18 du même code : " Les recettes et les dépenses de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris sont inscrites au budget spécial de la préfecture de police. ". Aux termes de l'article L. 2522-2 du même code : " Les communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne participent aux dépenses de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, y compris les dépenses d'investissement afférentes au casernement. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions combinées que les compétences de police municipale relatives aux missions de secours et de la défense contre l'incendie, lesquelles comprennent nécessairement la passation et l'exécution des marchés publics relatifs à cette matière, et notamment de construction des centres de secours, sont exercées par le préfet de police dans la ville de Paris ainsi que dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Les dépenses d'investissement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, mise à la disposition du préfet de police pour assurer ces missions, sont inscrites au budget spécial de la préfecture de police que le conseil de Paris est seul compétent pour voter. Ces dispositions n'ont pas pour effet de substituer la responsabilité de l'Etat à celle de la ville de Paris dans le cas où celle-ci se trouve engagée à raison de la passation des marchés publics nécessaires à l'exercice de ces compétences.
5. Il résulte de l'instruction que, par délibérations des 11 et 12 février 2013, le conseil de Paris, siégeant en formation de conseil municipal, a approuvé le principe de l'opération et les modalités d'attribution d'un marché sur appel d'offres ouvert pour les travaux de construction du centre de secours de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris à Livry-Gargan ainsi que le règlement de la consultation, le cahier des clauses administratives particulières et a décidé de l'imputation des dépenses correspondantes au budget spécial de la préfecture de police (section d'investissement). Par délibérations des 22 et 23 avril 2013, le conseil de Paris, siégeant en formation de conseil municipal, a autorisé le préfet de police à signer les marchés correspondants avec l'attributaire désigné par la commission d'appel d'offres de la ville de Paris et a imputé les dépenses correspondantes au budget spécial de la préfecture de police. Si l'acte d'engagement du 29 mai 2013 indique que le pouvoir adjudicateur est le préfet de police, le cahier des clauses administratives particulières mentionne à ce titre " préfecture de police - ville de Paris ". L'avenant n° 2 bis établi en 2017 mentionne au titre de la collectivité " ville / BSPP /préfecture de police ". Dans ces conditions, en signant le marché de travaux de construction du centre de secours de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris à Livry-Gargan et en agissant en qualité de maître d'ouvrage de ce marché, le préfet de police doit être regardé comme agissant au nom et pour le compte de la ville de Paris, et non pas ainsi, que le soutient la société Chantiers modernes construction, au nom de l'Etat. L'appelante n'est par ailleurs pas fondée à soutenir que les mentions figurant sur les documents contractuels révèleraient que le préfet de police et la ville de Paris auraient la qualité de co-maîtres d'ouvrage. Par suite, la responsabilité de l'Etat ne saurait être recherchée à raison des conditions d'exécution du marché en cause, que ce soit sur le terrain contractuel ou quasi-délictuel.
6. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la société Chantiers modernes constructions et tendant à mettre en cause la responsabilité de l'Etat sont mal dirigées et ne peuvent être que rejetées. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du préfet de police, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Chantiers modernes construction demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu mettre à la charge de la société Chantiers modernes constructions la somme demandée par le préfet de police sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Chantiers modernes construction est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de police au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Chantiers modernes construction et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police et à la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2020.
La présidente,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02789