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15/06/2020 | FRANCE | N°18PA02214

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 15 juin 2020, 18PA02214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler les arrêtés des 10 avril 2017 et 23 juin 2017 modifiant l'arrêté du 3 juin 2015 et fixant sa rémunération en qualité de collaborateur d'un membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 21 mai 2017.

Par un jugement n° 1700319 du 29 mars 2018, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a annulé les arrêtés des 10 avril 2017 et 23 juin

2017 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. A... du 21 mai 2017.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler les arrêtés des 10 avril 2017 et 23 juin 2017 modifiant l'arrêté du 3 juin 2015 et fixant sa rémunération en qualité de collaborateur d'un membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux du 21 mai 2017.

Par un jugement n° 1700319 du 29 mars 2018, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a annulé les arrêtés des 10 avril 2017 et 23 juin 2017 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. A... du 21 mai 2017.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2018, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par SELARL Milliard-Million, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700319 du 29 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé les arrêtés des 10 avril 2017 et 23 juin 2017 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. A... du 21 mai 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- les arrêtés ne sont pas entachés de détournement de pouvoir ;

- M. A... avait la qualité de chef de cabinet et non de directeur de cabinet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2019, M. A..., représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 300 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne sont pas fondés ;

- les décisions contestées ont été prises par une autorité incompétente ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elles méconnaissent le principe d'égalité de traitement ;

- elles sont entachées d'erreur de droit dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit un plafonnement de la rémunération attachée au traitement servi au collaborateur de cabinet à son traitement de grade majoré de 60% ;

- elles procèdent au retrait illégal des décisions des 19 décembre 2014, 7 avril 2015 et

2 juin 2015.

Par ordonnance du 12 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

2 janvier 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 ;

- l'arrêté n° 99-15/GNC du 25 juin 1999 fixant les conditions de rémunération des collaborateurs des membres du gouvernement ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., attaché de grade normal du cadre d'administration générale de la Nouvelle-Calédonie, a exercé les fonctions de secrétaire général de la province Sud à compter du

1er juillet 2010 et percevait à ce titre une rémunération nette de 1 380 572 francs CFP, correspondant à un indice net majoré (INM) de 1004 et un régime indemnitaire brut de 561 476 francs CFP.

M. A... a été détaché par arrêté du 23 juin 2014 pour exercer les fonctions de collaborateur d'un membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en qualité de directeur de cabinet de Mme C..., présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à compter du 9 juin 2014 pour une rémunération comprenant un traitement indiciaire calculé sur la base de l'INM 1190 et une indemnité compensatrice égale à 1/12ème de la valeur de 587 points d'INM. A la suite de la formation d'un nouveau gouvernement, M. A... a, par arrêté du président du gouvernement de la

Nouvelle-Calédonie, du 3 juin 2015 été recruté en tant que collaborateur de Mme C..., membre du gouvernement chargée des secteurs de la fonction publique et de la sécurité routière, pour exercer les fonctions de chef de cabinet à compter du 3 avril 2015 pour une rémunération calculée sur la base de l'INM 1009, à l'exclusion de toute autre rémunération accessoire. Par jugement n° 1500330 du 24 novembre 2016, le Tribunal de Nouvelle-Calédonie a fait droit à la demande d'annulation partielle de l'arrêté du 3 juin 2015 en tant qu'il fixe la rémunération. Par arrêté du 10 avril 2017, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a fixé, à compter du 3 juin 2015, la rémunération de M. A... comme étant calculée sur la base de INM 765 ainsi que d'une indemnité compensatrice mensuelle égale au 1/12ème de la valeur de 238 points d'INM. M. A... a exercé un recours gracieux par courrier du 21 mai 2017. Par un arrêté en date du 23 juin 2017, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a décidé qu'à compter du 3 juin 2015, M. A... percevait une rémunération calculée sur la base de l'INM 771 ainsi qu'une indemnité compensatrice mensuelle égale au 1/12ème de la valeur de 238 points d'INM. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie relève appel du jugement du 29 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé les arrêtés des 10 avril 2017 et 23 juin 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Le point 24 du jugement attaqué du 29 mars 2018 indique les faits et les motifs pour lesquels les premiers juges ont estimé que les arrêtés des 10 avril 2017 et 23 juin 2017 étaient entachés de détournement de pouvoir. La circonstance que le tribunal n'a pas précisé la nature des conflits ayant opposé le nouveau président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avec certains membres du gouvernement, ni qualifié l'usage qui a été fait par ce dernier de sa compétence pour recruter les collaborateurs des membres du gouvernement n'est pas de nature à entacher le jugement attaqué d'une insuffisance de motivation. Par suite, le jugement attaqué satisfait aux exigences de motivation posées par l'article L. 9 précité du code de justice administrative.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

4. D'une part, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie fait valoir sans être contesté que la maîtrise des rémunérations des collaborateurs des membres de gouvernement sous le 14ème gouvernement fait suite au rapport de la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie qui fait état de conditions de rémunération souples et avantageuses pour les bénéficiaires et préconise une mesure de plafonnement des rémunérations. D'autre part, si M. A... soutient que le niveau de rémunération qui lui a été appliqué par arrêtés des 10 avril 2017 et 23 juin 2017 révèle un détournement de pouvoir résultant d'un règlement de comptes entre les membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, il n'assortit ses allégations d'aucun élément de nature à en établir la réalité. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le contexte dans lequel s'est déroulée la passation de pouvoir entre Mme C... et M. B... ainsi que les conflits ayant opposé le nouveau président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à certains membres du gouvernement, dont Mme C..., n'ont pas été invoqués par M. A... et ne ressortent en tout état de cause pas des pièces du dossier. Enfin, la seule circonstance que sa rémunération ait été diminuée de 45% entre le 13ème gouvernement au cours duquel il exerçait les fonctions de directeur de cabinet du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et le 14ème gouvernement où il exerçait les fonctions de chef de cabinet d'un membre du gouvernement, lesquelles comportent moins de responsabilités, ne saurait à elle-seule révéler un détournement de pouvoir. Par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie s'est fondé sur le moyen tiré du détournement de pouvoir, qui n'était pas établi par les pièces du dossier, pour annuler les arrêtés du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie des 10 avril 2017 et 23 juin 2017.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

6. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 25 juin 1999 fixant les conditions de rémunération des collaborateurs des membres du gouvernement, dans sa rédaction applicable au litige : " La rémunération brute mensuelle du collaborateur de membre du Gouvernement est équivalente à celle que percevrait un fonctionnaire du cadre territorial, salaire brut mensuel et indemnité de résidence, classé au même indice de la grille locale du traitement des fonctionnaires et affecté à Nouméa. (...). Aux termes de l'article 2 du même arrêté : " La décision de recrutement prise par le président du gouvernement fixe le montant de la rémunération des collaborateurs des membres du gouvernement en s'appuyant notamment sur la rémunération immédiatement antérieure (traitement indiciaire et régime indemnitaire pour les fonctionnaires des fonctions publiques de la Nouvelle-Calédonie et de métropole et niveau de revenu du dernier emploi de la déclaration annuelle de revenus pour les autres) pouvant être majorée au maximum de 20% et en fonction des compétences requises, des responsabilités exercées, de l'expérience professionnelle telle qu'attestée lors du recrutement et de la production des diplômes, conformément à la grille indiciaire ci-après : - chef de cabinet. Classement INA/IB Maxi : 635/966. Classement INA/IB Mini : 318/395. (...). Une revalorisation, dont le montant peut être supérieur au montant de l'INA/IB maxi, peut intervenir dans les conditions suivantes : - Ancienneté minimale à l'indice précédent : deux ans. - Gain indiciaire maximum : (...) * Chef de cabinet : 40 points d'INA. (...) ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " Par dérogation aux dispositions des articles précédents, la décision de recrutement d'un collaborateur de membres du gouvernement ayant la qualité de fonctionnaire, d'une des fonctions publiques de la Nouvelle-Calédonie ou de métropole, peut prévoir le maintien de la rémunération indiciaire brute perçue par ce fonctionnaire dans son dernier classement indiciaire lorsque l'application des règles prévues par les articles précédents aboutit à une situation moins favorable que celle qui était la sienne antérieurement. Cette rémunération indiciaire brute peut être majorée dans la limite de 20%. / En outre, le collaborateur fonctionnaire pourra bénéficier d'une indemnité compensatrice, traduite le cas échéant en points d'INM correspondant au montant des indemnités de fonction, des primes et des avantages liés au logement, à la voiture et au téléphone perçus dans son dernier emploi. Nonobstant les dispositions de l'article 2, le collaborateur fonctionnaire, placé en l'occurrence en situation de détachement, continue de bénéficier des avancements de son corps d'origine (...) ".

7. Il résulte des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 25 juin 1999 que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a la faculté, à titre dérogatoire, de prévoir le maintien de la rémunération indiciaire brute perçue par un collaborateur de membre de gouvernement ayant la qualité de fonctionnaire dans son dernier classement indiciaire et, le cas échéant, de lui accorder la majoration de cette rémunération de 20% ainsi que le versement d'une indemnité compensatrice correspondant aux indemnités perçues dans son dernier emploi. Si cette disposition n'a pour objet ni pour effet d'offrir aux fonctionnaires auxquels elle s'applique le droit à une majoration de la rémunération indiciaire de 20% et à une indemnité compensatrice, elle impose au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie qui fait application de cet article d'octroyer au collaborateur ayant la qualité de fonctionnaire la rémunération indiciaire brute perçue dans son dernier classement indiciaire. Il ressort des pièces du dossier que, pour déterminer la rémunération de M. A... en qualité de chef de cabinet d'un membre du gouvernement, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a fait application de l'article 3 de l'arrêté du 25 juin 1999 à titre dérogatoire et a retenu une rémunération calculée sur la base de INM 765 ainsi qu'une indemnité compensatrice mensuelle égale au 1/12ème de la valeur de 238 points d'INM par arrêté du 10 avril 2017 puis une rémunération calculée sur la base de l'INM 771 ainsi qu'une indemnité compensatrice mensuelle égale au 1/12ème de la valeur de 238 points d'INM par arrêté du 23 juin 2017. Toutefois, il est constant que M. A... bénéficiait lorsqu'il était secrétaire général de la province Sud d'une rémunération indiciaire brute calculée sur l'INM 1004. Par suite, en retenant une rémunération indiciaire brute calculée sur les INM 765 et 771 inférieurs au dernier classement indiciaire de l'intéressé, le président du gouvernement a commis une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé les arrêtés des 10 avril 2017 et

23 juin 2017.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie une somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est rejetée.

Article 2 : Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au gouvernement de la

Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et à la ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2020.

La présidente,

M. E...La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02214
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-01 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Questions d'ordre général.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SELARL MILLIARD-MILLION

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-15;18pa02214 ?
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