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15/06/2020 | FRANCE | N°18PA01805

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 15 juin 2020, 18PA01805


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif d'annuler la décision du 2 septembre 2016 par laquelle le directeur général adjoint en charge des ressources humaines de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris-Ile-de-France (CCIR) a refusé de prononcer la résolution de la convention de cessation d'un commun accord de la relation de travail et de la faire bénéficier d'un licenciement pour suppression de poste et d'enjoindre à la CCIR de procéder à un tel licenciement.

Par un jugemen

t n° 1619031/2-2 du 3 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif d'annuler la décision du 2 septembre 2016 par laquelle le directeur général adjoint en charge des ressources humaines de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris-Ile-de-France (CCIR) a refusé de prononcer la résolution de la convention de cessation d'un commun accord de la relation de travail et de la faire bénéficier d'un licenciement pour suppression de poste et d'enjoindre à la CCIR de procéder à un tel licenciement.

Par un jugement n° 1619031/2-2 du 3 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 2 septembre 2016 et enjoint à la CCIR de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 28 mai 2018 sous le numéro 18PA01805 et un mémoire complémentaire enregistré le 10 octobre 2019, la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France, représentée par la SCP ROCHETEAU et UZAN-SARANO, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1619031/2-2 du 3 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 2 septembre 2016 refusant de prononcer la résolution de la convention de cessation d'un commun accord de la relation de travail et de faire bénéficier Mme A... d'un licenciement pour suppression de poste et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressée dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

2°) de rejeter la demande de Mme A....

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation car il a omis de rechercher si l'erreur invoquée par Mme A... au soutien de ses prétentions était excusable et commune, alors que de telles conditions découlent de l'article 1110 du code civil ;

- la demande de première instance de Mme A... est irrecevable dès lors qu'elle devait exercer un recours en contestation de validité et non un recours pour excès de pouvoir et que ce recours devait être formé dans le délai de deux mois à compter de la signature de la convention de cessation d'un commun accord de la relation de travail (CCART) ;

- la décision du 2 septembre 2016 n'est pas entachée d'une erreur viciant le consentement de Mme A... dès lors que la convention de CCART n'avait pas pour objet de déterminer le montant de l'allocation de retour à l'emploi (ARE), que la prise en considération de la prime exceptionnelle dans le calcul de l'ARE n'est pas un élément substantiel du consentement de l'intéressée, que le calcul de l'ARE dépend d'un organisme tiers, que les informations données par le CCIR n'étaient qu'indicatives ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... dans son mémoire en défense ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 octobre 2019 et le 8 novembre 2019, Mme D... A..., représentée par la SARL HMS Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris

Ile-de-France la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de première instance était recevable, le recours étant, par nature, un recours pour excès de pouvoir et non un recours de plein contentieux ;

- le jugement est suffisamment motivé ;

- son consentement à la conclusion du contrat de rupture conventionnelle a été vicié par son erreur sur le montant de ses droits à l'allocation de retour à l'emploi en raison de l'information erronée communiquée par son employeur ; cette erreur était déterminante dans son choix à accepter cette rupture conventionnelle ; cette erreur est excusable et commune ;

- la décision du 2 septembre 2016 est entachée d'un vice d'incompétence ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit au regard des articles 1110 et 1116 du code civil ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

II. Par une requête enregistrée sous le n°18PA1836 le 29 mai 2018 et un mémoire enregistré le 10 octobre 2019, la chambre de commerce et d'industrie de région Paris

Ile-de-France, représentée par la SCP ROCHETEAU et UZAN-SARANO, demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n°1619031/2-2 du 3 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 2 septembre 2016 refusant de prononcer la résolution de la convention de cessation d'un commun accord de la relation de travail et de faire bénéficier Mme A... d'un licenciement pour suppression de poste et lui enjoignant de procéder au réexamen de la situation de l'intéressée dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Elle soutient que les moyens énoncés dans sa requête présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2019, Mme A..., représentée par la SELARL HMS Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France ne sont pas fondés

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France,

- et de Me I..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Mme A... a été recrutée par la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France le 4 mai 1998 en qualité de rédacteur principal contractuel. Elle a été titularisée le 19 novembre 2002. Par courrier du 17 juin 2015, elle a sollicité son départ volontaire et le 9 octobre 2015, une convention de cessation d'un commun accord de la relation de travail était signée entre Mme A... et la chambre de commerce et d'industrie régionale, la date de cessation effective étant fixée au 31 octobre 2016. A la suite d'un courriel du 4 août 2016 informant les représentants du personnel que la prime exceptionnelle correspondant à deux mois de salaires ne serait pas prise en compte dans l'évaluation du salaire de référence déterminant les droits à l'allocation de retour à l'emploi, Mme A... a demandé, le 30 août 2016, la résolution de la convention de cessation d'un commun accord de la relation de travail. Cette demande a été rejetée par lettre du 2 septembre 2016. Par jugement n° 1619031 du 3 avril 2018, dont la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 2 septembre 2016 et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de sa notification.

Sur la requête n°18PA01805 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. La chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France fait valoir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne se prononce pas sur le caractère inexcusable et commun de l'erreur viciant le consentement de Mme A.... Cependant, le caractère inexcusable n'ayant pas été opposé par la chambre lors de la première instance, le tribunal n'était pas tenu d'y répondre expressément. En tout état de cause, en précisant que l'erreur de Mme A... résultait des informations qui lui avaient été fournies par son employeur, le tribunal a suffisamment motivé son jugement sur ce point. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le Tribunal administratif :

4. Il résulte des principes issus des articles 1109 et 1110 du code civil qu'une convention de cessation d'un commun accord de la relation de travail ne peut être conclue sans un consentement des deux parties qui n'est entaché ni d'erreur ni de violence ni de dol. L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle porte sur l'objet même de la convention.

5. Il ressort des pièces du dossier que la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France a indiqué à Mme A..., préalablement à la conclusion de la convention de cessation d'un commun accord de la relation de travail, que la base de calcul des droits à l'allocation de retour à l'emploi (ARE) inclurait une prime exceptionnelle de deux mois de salaire. Postérieurement à la signature de cet accord, la chambre a informé Mme A... que la caisse d'allocations chômage des chambres de commerce et d'industrie (CMAC) avait révisé les modalités de calcul de cette allocation et exclu du montant du salaire de référence cette prime exceptionnelle. D'une part, le montant des droits à ARE n'ont pas fait l'objet d'un accord au sein de la convention de cessation d'un commun accord de la relation de travail. Lors de l'entretien individuel préalable à la signature de la convention, il a été indiqué à Mme A... qu'il lui revenait de s'informer auprès de la CMAC pour connaître l'étendue de ses droits. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la prime exceptionnelle aurait été versée à l'intéressée dans l'unique but de la conduire à accepter une rupture conventionnelle. En outre, pour invoquer la différence dans les prévisions du montant de ses droits à ARE, Mme A... se borne à produire un courriel de la chambre du 28 janvier 2015 mentionnant un taux brut journalier de 107 euros alors que la CMAC faisait état d'un taux brut de 89,76 euros par jour. Cependant, cet unique courriel de la chambre, établi près de neuf mois avant la signature de la convention, précisait à Mme A... qu'il s'agissait d'une simulation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... aurait formulé une demande d'information ultérieure. En outre, si Mme A... se prévalait de ce que ce même courriel prévoyait une base de salaire de 68 402 euros, ce document ne fait pas référence à une telle base. Ce montant doit être regardé comme la réponse à la question de Mme A... relative au montant de l'indemnité de rupture, montant qui figure également au même titre dans un document procédant au calcul estimatif des droits de Mme A.... Enfin, si Mme A... a fait valoir auprès de la CCIR qu'en raison de son âge (57 ans et 10 mois à la fin du contrat de travail) et de la situation du marché du travail pour les personnes âgées de plus de 55 ans, l'erreur portant sur ses droits à ARE a été déterminante, elle n'en apporte pas la preuve qui lui incombe alors même que la différence entre le montant qui lui avait été annoncé et ce qu'elle devait effectivement percevoir doit être calculée en tenant compte de la prime de rupture. Si le montant de ses droits à l'ARE a subi une baisse d'au plus 16%, Mme A... a également perçu une indemnité de rupture dont le montant a été finalement porté par la convention à la somme de 78 970,97 euros, soit 10 000 euros en plus de ce qui lui avait été préalablement annoncé. La circonstance, à la supposer établie, que plusieurs agents de la CCIR aient pu considérer que l'erreur sur le montant des ARE ait été déterminante dans leur consentement est sans influence sur l'incidence de cette même erreur sur le consentement de la requérante. Par suite, Mme A... n'a pas établi l'existence d'une erreur déterminante portant sur l'objet du contrat qui aurait vicié son consentement.

6. Ainsi, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du directeur général adjoint en charge des ressources humaines de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France en date du 2 septembre 2016.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par Mme A... :

8. En premier lieu, par une décision du 22 juillet 2016, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la région Ile-de-France n° IDF-036-2016-07 du 25 juillet 2016, le président de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris

Ile-de-France a donné délégation de signature à M. F... E..., directeur général adjoint en charge des ressources humaines, à l'effet de signer, notamment, les décisions individuelles relatives à la gestion des agents ainsi que les conventions relatives à la cessation d'un commun accord de la relation de travail. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision du 2 septembre 2016 doit être écarté.

9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le versement d'une prime exceptionnelle de deux mois de salaire aurait eu pour but d'inciter Mme A... à accepter la rupture conventionnelle. Par suite, l'existence d'un dol n'est pas établie.

10. En troisième lieu, l'existence d'un détournement de pouvoir ne peut être déduite du seul fait que le poste auquel Mme A... était affectée a été supprimé le 7 avril 2016, soit près de neuf mois après qu'elle a sollicité son départ volontaire et six mois après la signature de la convention de cessation d'un commun accord de la relation de travail. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de Mme A..., que la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 2 septembre 2016.

Sur la requête n°18PA01836 :

12. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement du 3 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête n° 18PA01836 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France au même titre.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur la requête n°18PA01836 de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 avril 2018 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France et à Mme D... A....

Délibéré après l'audience du 29 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme G..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2020.

La présidente,

M. G...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 18PA01805...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01805
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-10 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU ET UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-15;18pa01805 ?
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