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15/06/2020 | FRANCE | N°18PA01517

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 15 juin 2020, 18PA01517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant deux mois par le président d'Orange sur sa demande tendant, d'une part, à l'établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement pour l'accès aux grades de chef technicien et d'inspecteur au titre des années 2001 à 2015 et, d'autre part, à sa nomination rétroactive au grade de chef technicien à compter du

1er avril 2001 et à la reconst

itution de sa carrière jusqu'en 2015 ;

2°) d'enjoindre au président d'Orange, d'une par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant deux mois par le président d'Orange sur sa demande tendant, d'une part, à l'établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement pour l'accès aux grades de chef technicien et d'inspecteur au titre des années 2001 à 2015 et, d'autre part, à sa nomination rétroactive au grade de chef technicien à compter du

1er avril 2001 et à la reconstitution de sa carrière jusqu'en 2015 ;

2°) d'enjoindre au président d'Orange, d'une part, de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion aux grades de chef technicien et d'inspecteur par l'établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement pour l'accès à ces deux grades au titre des années 2001 à 2015 et, d'autre part, de la nommer rétroactivement dans le grade de chef technicien à compter du 1er avril 2001.

Par un jugement n° 1601734 du 6 mars 2018, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant deux mois par le président d'Orange sur la demande de Mme B... en tant qu'elle refuse d'établir des tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011 et des listes d'aptitude pour l'accès au grade d'inspecteur au titre des années 2005 à 2011 et a enjoint au président d'Orange d'établir des tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011 et des listes d'aptitude pour l'accès au grade d'inspecteur au titre des années 2005 à 2011 dans un délai de six mois.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 mai 2018, 13 juillet 2018,

24 septembre 2018, 19 octobre 2018, 4 décembre 2018, 3 juillet 2019 et 15 avril 2020, la société Orange, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1601734 du 6 mars 2018 en tant le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision implicite en tant qu'elle refuse d'établir des tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011 et des listes d'aptitude pour l'accès au grade d'inspecteur au titre des années 2005 à 2011 et a enjoint au président d'Orange d'établir des tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011 et des listes d'aptitude pour l'accès au grade d'inspecteur au titre des années 2005 à 2011 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun en tant qu'elle tend à annuler cette décision et à enjoindre d'établir des tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011 et des listes d'aptitude pour l'accès au grade d'inspecteur au titre des années 2005 à 2011 ;

3°) de rejeter les conclusions de Mme B... présentées par la voie de l'appel incident ;

4°) de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision implicite de rejet ne méconnaît pas l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 dès lors que ces dispositions n'imposent pas d'établir des tableaux d'avancement pour le grade de chef technicien et que France Telecom a fait le choix de privilégier le concours interne ;

- la décision implicite de rejet ne méconnaît pas l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 dès lors que ces dispositions n'imposent pas d'établir des listes d'aptitude pour le corps d'inspecteur et que France Telecom a fait le choix de privilégier le concours interne ;

- en l'absence de recrutement de fonctionnaires par la voie de concours depuis 1993, France Télécom ne pouvait mettre en place de listes d'aptitude ou de tableaux d'avancement pour l'accès aux corps de reclassement entre 1993 et 2004 ;

- Mme B... ne peut prétendre à aucune reconstitution de carrière dans la mesure où elle n'a pas été privée de son droit à avancement et à promotion avant 2004 et que France Télécom a mis en place un dispositif de promotion interne à compter de 2004 ;

- l'organisation rétroactive de tableaux d'avancement ou de listes d'aptitude n'est pas nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de Mme B... ou pour régulariser sa situation ;

- l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 20 juin 2017 de la Cour administrative d'appel de Paris s'oppose à ce qu'il soit fait droit aux demandes présentées par Mme B... par la voie de l'appel incident.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 avril 2019 et 20 mai 2020, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société Orange ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement n° 1601734 du 6 mars 2018 en tant le Tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande ;

- d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant deux mois par le président d'Orange sur sa demande tendant, d'une part, à l'établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement pour l'accès aux grades de chef technicien et d'inspecteur au titre des années 2001 à 2015 et, d'autre part, à sa nomination rétroactive au grade de chef technicien à compter du

1er avril 2001 et à la reconstitution de sa carrière jusqu'en 2015 ;

- d'enjoindre au président d'Orange, d'une part, de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion aux grades de chef technicien et d'inspecteur par l'établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement pour l'accès à ces deux grades au titre des années 2001 à 2015 et, d'autre part, de la nommer rétroactivement dans le grade de chef technicien à compter du 1er avril 2001 ;

3°) de mettre à la charge de la société Orange le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Orange a commis une illégalité en s'abstenant de prévoir des voies de promotions internes entre 1993 et 2004 ;

- le dispositif de promotion interne mis en place à compter de 2004 méconnaît l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 dès lors que la société Orange ne pouvait mettre en oeuvre la voie du concours comme seule voie de promotion interne et qu'elle ne pouvait procéder à une présélection des candidats ;

- qu'eu égard à l'illégalité affectant sa carrière, la société Orange avait l'obligation de procéder à un réexamen rétroactif de son droit à l'avancement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-11 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 58-77 du 25 août 1958 ;

- le décret n° 72-420 du 24 mai 1972 ;

- le décret n° 90-1231 du 31 décembre 1990 ;

- le décret n° 2011-1673 du 29 novembre 2011 ;

- le décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me Etienne, avocat de Mme B....

Une note en délibéré, enregistrée le 4 juin 2020, a été produite par Me C... pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., fonctionnaire de l'Etat employé par France Telecom, a été titularisée dans le grade des techniciens des installations de France Telecom. L'intéressée a, lors du changement de statut de son employeur, refusé d'intégrer les corps de reclassification et a opté en faveur de la conservation de son corps de reclassement. Mme B... n'a bénéficié d'aucun avancement de grade, ni de promotion. Par un arrêt devenu définitif du 20 juin 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a jugé que France Telecom était responsable du blocage de la carrière de Mme B... au titre de la période de 2004 à 2011 et a condamné la société Orange, venant aux droits de France Telecom, à verser à l'intéressée une somme de 1 000 euros en réparation des préjudices en résultant. Par courrier du 3 novembre 2015, Mme B... a demandé au président de la société Orange d'établir au titre des années 2001 à 2015 des listes d'aptitude et des tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien et au corps d'inspecteur et de la nommer rétroactivement au grade de chef technicien à compter du 1er avril 2001, demande qui a été implicitement rejetée. Par jugement du 6 mars 2018, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision implicite de rejet de la société Orange en tant qu'elle refuse d'établir des tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011 et des listes d'aptitude pour l'accès au corps d'inspecteur au titre des années 2005 à 2011, a enjoint au président de la société Orange d'établir des tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011 et d'établir des listes d'aptitude pour l'accès au corps d'inspecteur au titre des années 2005 à 2011 et a rejeté le surplus de la demande de Mme B.... La société Orange relève appel de ce jugement en tant que le tribunal a partiellement annulé sa décision et lui a enjoint de procéder rétroactivement à l'établissement de tableaux d'avancement et de listes d'aptitude. Par la voie de l'appel incident, Mme B... sollicite la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande de première instance.

Sur l'appel principal présenté par la société Orange :

En ce qui concerne les tableaux d'avancement au grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011 :

S'agissant du motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) / Sauf pour les emplois laissés à la décision du Gouvernement, l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : / 1° Soit au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents ; / 2° Soit par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, après une sélection par voie d'examen professionnel. / Les statuts particuliers peuvent prévoir que le jury complète son appréciation résultant des épreuves de l'examen par la consultation du dossier individuel de tous les candidats ; / 3° Soit par sélection opérée exclusivement par voie de concours professionnel. / Les décrets portant statut particulier fixent les principes et les modalités de la sélection professionnelle, notamment les conditions de grade et d'échelon requises pour y participer. (...) ". Il résulte de ces dispositions et des dispositions réglementaires prises pour leur application qu'il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade.

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 1990 relatif au statut particulier du corps des techniciens des installations de La Poste et du corps des techniciens des installations de France Telecom, dans sa rédaction alors applicable : " Il est créé un corps des techniciens des installations de La Poste et un corps des techniciens des installations de France Télécom, régis par le décret du 24 mai 1972 susvisé sous réserve des modifications qui lui sont apportées par le présent décret. / Ces corps comprennent chacun le grade de technicien, doté de treize échelons, et le grade de chef technicien, doté de huit échelons. ". Aux termes de l'article 11 du décret du 24 mai 1972 portant statut particulier du corps des techniciens des installations des télécommunications : " Peuvent être promus au grade de chef technicien : / a) Par voie de concours professionnel, les techniciens justifiant d'au moins six années de services effectifs dans leur grade ; / b) Au choix, par voie d'inscription au tableau d'avancement et dans la limite du sixième des titularisations prononcées en application du a ci-dessus, les techniciens des installations de l'exploitant public concerné ayant atteint le 10e échelon de leur grade. / Les conditions d'organisation du concours professionnel et la nature des épreuves sont fixées par décision du président du conseil d'administration de l'exploitant public concerné, dans le respect des dispositions prises, le cas échant, par arrêté conjoint du ministre chargé des postes et télécommunications et du ministre chargé de la fonction publique. ".

4. Il résulte des dispositions citées au 3 que le statut particulier du corps des techniciens des installations de France Telecom prévoyait, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011, l'établissement de tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien. Il n'est pas contesté qu'aucun tableau d'avancement n'a été établi au titre des années 2001 à 2011 pour la promotion au choix au grade de chef technicien. D'une part, la société Orange ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que les recrutements externes de fonctionnaires de France Télécom avaient cessé en fait depuis 1993 dès lors que les dispositions du décret du 24 mai 1972 ne lient pas la promotion au choix au grade de chef technicien aux titularisations consécutives à des recrutements externes de fonctionnaires de France Telecom. D'autre part, si la société Orange soutient avoir choisi de privilégier la voie du concours interne à compter du 1er décembre 2004, cette circonstance ne la dispensait pas de faire application des dispositions du décret du 24 mai 1972. En réservant la voie de promotion interne pour accéder au grade de chef technicien au seul concours et en s'abstenant d'établir des tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011, la société Orange a, contrairement à ce qu'elle soutient, méconnu les dispositions de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et a commis une illégalité fautive.

5. Toutefois cette illégalité n'impose pas à la société Orange de réexaminer rétroactivement les possibilités de promotion de Mme B... au grade de chef technicien par l'établissement rétroactif de tableaux d'avancement au titre des années 2001 à 2011, dès lors que la société Orange fait valoir, pour la première fois en appel et sans être sérieusement contestée, que Mme B... n'aurait pas nécessairement été promue et que par un arrêt du 20 juin 2017 devenu définitif, la Cour administrative d'appel de Paris a estimé qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'eu égard à la nature des fonctions susceptibles de lui être confiées en cas d'avancement si, à compter de 2001, la promotion interne avait été prévue par une autre voie que le concours, Mme B... aurait été privée d'une chance sérieuse d'accéder au grade supérieur de son corps. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'établissement rétroactif des tableaux d'avancement au grade de chef technicien serait nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'intéressée ou régulariser sa situation.

6. Par suite, la société Orange est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun s'est fondé sur ce motif pour annuler sa décision implicite de rejet de la demande tendant à l'établissement de tableaux d'avancement au grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun et la Cour.

S'agissant de l'autre moyen :

8. Aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au litige : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...) non seulement par voie de concours (...), mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire du corps d'accueil (...) ".

9. Mme B... soutient que le dispositif de promotion interne mis en place à compter de 2004 pour l'accès au grade de chef technicien méconnaît l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984. Toutefois, un tel moyen est inopérant dès lors que la demande de Mme B... d'accéder au grade de chef technicien est relative à l'avancement de grade et relève, non des dispositions de l'article 26 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, mais de celles, citées au point 3 ci-dessus, de l'article 58 de la même loi. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orange est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé sa décision implicite en tant qu'elle refuse d'établir des tableaux d'avancement pour le grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011 et a enjoint à son président d'établir des tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011.

En ce qui concerne les listes d'aptitude pour l'accès au corps d'inspecteur au titre des années 2005 à 2011 :

S'agissant du motif d'annulation retenu par le tribunal :

11. Aux termes de l'article 2 bis du décret du 25 août 1958 portant règlement d'administration publique pour la fixation du statut particulier du corps des inspecteurs de La Poste et de France Telecom, dans sa rédaction applicable au litige : " Les inspecteurs de La Poste et de France Télécom sont recrutés : / 1° Parmi les inspecteurs élèves, dans les conditions fixées aux articles 3 à 11 du présent décret ; / 2° Dans chaque corps, au choix, dans la limite du sixième des titularisations prononcées au titre de l'année précédente en application du 1° ci-dessus, parmi les fonctionnaires de La Poste et de France Télécom, selon le cas, appartenant à un corps de niveau équivalent à la catégorie B, inscrits sur une liste d'aptitude, après avis de la commission administrative paritaire. (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que le statut particulier du corps des inspecteurs de France Telecom prévoyait, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011, outre la voie du concours, l'établissement de listes d'aptitude pour la nomination dans le corps des inspecteurs. Il n'est pas contesté qu'aucune liste d'aptitude n'a été établie au titre des années 2005 à 2011 pour la promotion au choix dans le corps des inspecteurs. Si la société Orange soutient avoir choisi de privilégier la voie du concours interne à compter du 1er décembre 2004, cette circonstance ne la dispensait pas de faire application des dispositions du décret du 25 août 1958. En réservant la voie de promotion interne pour accéder au corps des inspecteurs au seul concours et en s'abstenant d'établir des listes d'aptitude au titre des années 2005 à 2011, la société Orange a, contrairement à ce qu'elle soutient, méconnu les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 et a commis une illégalité fautive.

13. Toutefois cette illégalité n'impose pas à la société Orange de réexaminer rétroactivement les possibilités de promotion de Mme B... dans le corps des inspecteurs par l'établissement rétroactif de listes d'aptitude au titre des années 2005 à 2011, dès lors que la société Orange fait valoir, pour la première fois en appel sans être sérieusement contestée, que Mme B... n'aurait pas nécessairement été promue et n'a pas été privée d'une chance sérieuse d'accéder à ce corps. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'établissement rétroactif des listes d'aptitude serait nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'intéressée ou régulariser sa situation.

14. Par suite, la société Orange est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun s'est fondé sur ce motif pour annuler sa décision implicite de rejet de la demande tendant à l'établissement de listes d'aptitude au titre des années 2005 à 2011.

15. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme B... devant la Cour.

S'agissant de l'autre moyen :

16. Mme B... soutient qu'en application d'une décision du 2 juillet 2004, la société Orange présélectionne les fonctionnaires reclassés susceptibles d'obtenir une promotion par un jury et sur dossier avant de subir une épreuve d'admission en méconnaissance de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984. Mais une telle allégation n'est pas assortie de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé.

17. Par suite, la société Orange est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé sa décision implicite en tant qu'elle refuse d'établir des listes d'aptitude pour l'accès au corps des inspecteurs au titre des années 2005 à 2011 et a enjoint à son président d'établir des listes d'aptitude pour l'accès au corps des inspecteurs au titre des années 2005 à 2011.

Sur l'appel incident présenté par Mme B... :

18. Par un arrêt en date du 20 juin 2017, devenu définitif, la Cour administrative d'appel de Paris a notamment rejeté les conclusions présentées par Mme B... tendant à la reconstitution de sa carrière à compter du 1er avril 2001 en la nommant au 5ème échelon du grade de technicien des installations puis en la promouvant au grade d'inspecteur. Mme B... demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant deux mois par le président d'Orange sur sa demande tendant, d'une part, à l'établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien et au corps d'inspecteur au titre des années 2001 à 2015 et, d'autre part, à sa nomination rétroactive au grade de chef technicien à compter du 1er avril 2001 et à la reconstitution de sa carrière jusqu'en 2015 et d'enjoindre au président d'Orange d'y procéder. Les conclusions ainsi présentées par Mme B..., qui tendent à la reconstitution de sa carrière à compter du 1er avril 2001 et que l'intéressée fonde sur l'illégalité entachant le mécanisme de promotion interne mis en place par la société Orange, présentent le même objet et se rattachent à la même cause juridique que les conclusions aux fins de reconstitution de sa carrière qui ont été définitivement rejetées par l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 20 juin 2017. Dès lors, et eu égard à l'identité de parties, la société Orange est fondée à soutenir que l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 20 juin 2017 s'oppose à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par

Mme B... par la voie de l'appel incident.

19. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que la société Orange demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par Mme B... soit mise à la charge de la société Orange, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1601734 du 6 mars 2018 du Tribunal administratif de Melun sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision implicite de la société Orange refusant d'établir des tableaux d'avancement pour l'accès au grade de chef technicien au titre des années 2001 à 2011 et d'établir des listes d'aptitude pour l'accès au corps des inspecteurs au titre des années 2005 à 2011 et à ce qu'il soit enjoint au président de la société Orange d'établir ces tableaux et listes d'aptitude est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Orange est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme B... par la voie de l'appel incident ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2020.

La présidente,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01517
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Changement de cadres - reclassements - intégrations - Changement de corps.

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Avancement - Avancement de grade.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : CABINET DE GUILLENCHMIDT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-15;18pa01517 ?
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