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11/06/2020 | FRANCE | N°19PA01872

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 juin 2020, 19PA01872


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 août 2018 par lequel le préfet de police a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 1814809/2-2 du 8 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 12 août 2018 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une r

equête enregistrée le 7 juin 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 août 2018 par lequel le préfet de police a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 1814809/2-2 du 8 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 12 août 2018 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 juin 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1814809/2-2 du 8 avril 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les autres moyens de première instance ne sont pas fondés.

La requête du préfet de police a été communiquée à M. A... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né en septembre 1996 et entré en France en septembre 2017 selon ses déclarations, a fait l'objet d'une interdiction du territoire français d'une durée de trois ans, prononcée par un jugement de la 23ème chambre du tribunal correctionnel de Paris le 30 mars 2018, pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Le 10 août 2018, il a été interpellé par les services de police pour offre ou cession de produits stupéfiants et placé en garde à vue. Par un arrêté du 12 août 2018, le préfet de police a fixé le pays à destination duquel M. A... sera éloigné pour l'exécution de la décision judiciaire d'interdiction temporaire du territoire français et l'a placé en rétention administrative. Le préfet de police fait appel du jugement du 8 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

2. L'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". La décision par laquelle un préfet fixe le pays vers lequel un étranger doit être reconduit pour l'exécution d'un jugement prononçant une interdiction du territoire français constitue une mesure de police devant être motivée en application du 1° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et est subordonnée au respect de la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions précitées des articles L. 121-1 et L. 122-1.

3. Il ressort des pièces produites en appel que M. A... a au cours de sa garde à vue été entendu le 11 août 2018, avec l'assistance d'un avocat et d'un interprète en langue wolof, et a reconnu l'irrégularité de sa situation administrative, tout en niant la cession de stupéfiants qui lui était reprochée. S'il lui a alors été demandé s'il " souhaitait " retourner au Sénégal, il n'a été informé ni de l'existence d'une interdiction judiciaire du territoire français, ni de l'intention du préfet de police d'assurer l'exécution de cette condamnation en le renvoyant au Sénégal. Ce n'est que le 12 août 2018 à quatorze heures que le préfet de police a fait part à M. A... de l'existence de l'interdiction judiciaire du territoire du 30 mars 2018 et de l'intention de l'administration de procéder à son éloignement vers le Sénégal pour son exécution, en l'invitant à présenter ses observations sur cette éventualité dans un délai de 24 heures. M. A..., toujours en garde à vue, n'a bénéficié ni d'un interprète ni d'un avocat alors qu'il ne parle ni ne lit le français et n'a formulé, du moins par écrit, aucune observation, contrairement à ce qu'indique la décision litigieuse, notifiée le même jour dès 15h50, soit bien avant l'expiration du délai de vingt-quatre heures qui avait été donné à l'intéressé. Dans ces conditions, l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par les dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 précitées du code des relations entre le public et l'administration, ce qui a privé l'intéressé d'une garantie et justifie l'annulation de l'arrêté.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 12 août 2018 fixant le pays de renvoi de M. A... et mis les frais du litige à la charge de l'Etat, partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020 , à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente de chambre,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2020.

La présidente de la 1ère chambre,

S. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA01872 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01872
Date de la décision : 11/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SELARL GARCIA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-11;19pa01872 ?
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