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09/06/2020 | FRANCE | N°19PA03094

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 juin 2020, 19PA03094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... épouse A... a demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision du 19 septembre 2017 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de son fils ;

2°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui accorder le bénéfice du regroupement familial dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre

au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... épouse A... a demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision du 19 septembre 2017 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de son fils ;

2°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui accorder le bénéfice du regroupement familial dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut.

Par un jugement n° 1710082/8 du 16 juillet 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er octobre 2019, Mme B... épouse A..., représentée par

Me E... C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1710082/8 du 16 juillet 2019 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 19 septembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne d'autoriser le regroupement familial dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle perçoit un salaire mensuel net de 1 172 euros, légèrement supérieur au Smic qui est de 1 143,72 euros net en 2016 et de 1 153 euros net en 2017, pour une famille de deux ou trois personnes ; si sa famille était composée de trois personnes au moment de sa demande, elle n'est plus composée que de deux personnes depuis plus d'un an, le fils de son époux, majeur, est parti à l'armée ; l'arrivée de son fils porterait le nombre des membres de la famille à trois seulement ; il n'y a donc pas lieu de majorer le montant du Smic d'un dixième ; son époux, qui exerce la profession de chauffeur de taxi indépendant, a des revenus qui ont sensiblement augmenté ceux du foyer ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; l'intérêt supérieur de son fils recommande qu'il la rejoigne d'autant plus que son père réside en France ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense devant la Cour.

Par une ordonnance du 11 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 26 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention signée à New-York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme G... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 30 août 1966, a sollicité le bénéfice du regroupement familial en faveur de son fils mineur, F..., né le 6 septembre 1998. Elle relève appel du jugement n° 1710082/8 du 16 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2017 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de son fils.

2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 de ce code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article

L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / (...) ; - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : / (...) ; / 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens ; / (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.

4. Contrairement à ce que soutient Mme A..., à la date du dépôt de sa demande de regroupement familial, la famille à prendre en compte comprenait quatre personnes à savoir, outre le mineur objet de la demande de regroupement, elle-même, son époux et le fils de ce dernier, dont elle n'établit pas qu'il aurait été sous les drapeaux à cette date ni d'ailleurs à la date de la décision préfectorale contestée. D'une part, s'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que la requérante disposait, au cours de la période de douze mois précédant le dépôt, le 8 juillet 2016, de sa demande de regroupement familial, de ressources qui s'élevaient à la somme de 1 172 euros nets mensuels, ce montant demeurait en tout état de cause inférieur à celui de 1 250,40 euros correspondant à la moyenne mensuelle, majorée du dixième, du salaire minimum de croissance relevée au titre de la période de référence de douze mois ayant précédé le dépôt de la demande de regroupement familial. D'autre part, si la requérante soutient que les ressources dont elle dispose ont sensiblement augmenté compte tenu des revenus de son époux, dont il convient de tenir compte, elle ne produit devant la Cour aucune pièce afférente à la période de référence susmentionnée à l'appui de son argumentation. En tout état de cause, ainsi que l'a relevé le tribunal, la production de l'avis d'imposition 2017 sur les revenus de l'année 2016, mentionnant un revenu mensuel net moyen de 1 741,50 euros en 2016 pour l'ensemble des revenus du foyer, n'est pas de nature à établir que Mme A... et son conjoint disposaient de revenus stables supérieurs aux planchers prévus par les dispositions précitées de l'article R. 411-4, leur permettant d'accueillir le fils de l'intéressée. Il suit de là que c'est à bon que le préfet du Val-de Marne a estimé que l'intéressée ne remplissait pas la condition prévue au 1 de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées relatives au regroupement familial, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale.

7. Mme A... fait valoir, sans plus de précision, que le refus de regroupement familial porte une atteinte grave et disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante ait entretenu antérieurement au dépôt de sa demande de regroupement familial des relations suivies avec son fils âgé de 17 ans et 10 mois à la date de ladite demande et resté au Sénégal où réside son père, et contribué à son entretien et son éducation. Contrairement à ce que soutient l'intéressée, la décision litigieuse n'a, par elle-même, pas eu pour effet de porter atteinte à la cellule familiale et de la séparer de son fils ou de séparer ce dernier de son père, dont il est allégué mais d'ailleurs aucunement établi qu'il résiderait en France. Il suit de là qu'en rejetant la demande de regroupement familial de la requérante, le préfet du Val-de-Marne n'a pas porté, dans les circonstances de l'espèce, une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 7, la décision litigieuse n'a, par elle-même, pas eu pour effet de porter atteinte à la cellule familiale et de séparer Mme A... de son fils ou de son père. La décision contestée prise notamment au motif que les conditions matérielles n'étaient pas réunies pour permettre l'accueil de cet enfant, ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur du fils de la requérante. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut être accueilli.

10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus aux points 7 et 9, le moyen tiré de ce que le préfet du Val-de-Marne aurait, en prenant la décision critiquée, commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A..., ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Les conclusions de sa requête d'appel tendant à l'annulation du jugement et de la décision préfectorale litigieuse ne peuvent, par suite, qu'être rejetées, ensemble, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme G..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2020.

Le président de la formation de jugement,

S. APPECHE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA03094


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03094
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : DIALLO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-09;19pa03094 ?
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