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09/06/2020 | FRANCE | N°19PA01752

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 juin 2020, 19PA01752


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2006 à 2012, ainsi que de l'amende fiscale prononcée en application du 2 du paragraphe IV l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2011 à 2014.

Par un jugement n° 1708585/1-1 du 27 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a

rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2006 à 2012, ainsi que de l'amende fiscale prononcée en application du 2 du paragraphe IV l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2011 à 2014.

Par un jugement n° 1708585/1-1 du 27 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 mai 2019, M. D..., représenté par

Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 mars 2019 ;

2°) de prononcer le dégrèvement des amendes fiscales visées au deuxième alinéa du paragraphe IV de l'article 1736 du code général des impôts et mises à sa charge au titre des années 2011 à 2014 ainsi que des impositions supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales des années 2006 à 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- dans le cadre d'une régularisation de situation fiscale du fait de la détention de comptes bancaires non déclarés à l'étranger, le contribuable doit être taxé à hauteur des revenus qu'il a perçus de ses comptes, comme s'il détenait ce compte bancaire en direct ;

- l'amende ne saurait être appliquée en l'absence de retraits ou d'apports sur les comptes bancaires ;

- les amendes ne pouvaient être exigées dès lors que le solde des comptes dépassait 50 000 euros ;

- la lettre n° 751 en date du 17 juin 2016 est insuffisamment motivée, l'administration ayant omis de démonter que le compte aurait été ouvert, utilisé ou clos au cours des années 2011 à 2014 ;

- l'administration ne peut pas demander que les dégrèvements prononcés au titre de l'amende fiscale prévue par l'article 1736 IV du code général des impôts soient compensés par l'application de la majoration au taux de 40 % applicable à l'impôt sur le revenu, aux contributions sociales et à l'ISF ;

- le tribunal n'a pas répondu à ce moyen.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

13 septembre 2019.

Un mémoire a été présenté pour M. D... le 5 février 2020 après la clôture de l'instruction.

Un mémoire tendant à la transmission au Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité a été présenté le 27 mars 2020 pour M. D..., après la clôture de l'instruction.

Un nouveau mémoire a été présenté le 21 avril 2020 pour M. D..., après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. D....

Une note en délibéré a été produite le 27 mai 2020, pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., qui détenait en son nom propre ou par l'intermédiaire de sociétés quatre comptes bancaires non déclarés au Luxembourg, a régularisé sa situation fiscale au cours de l'année 2016 dans le cadre défini par la circulaire n° 672 du 21 juin 2013 dite " Cazeneuve " en déposant des déclarations rectificatives pour les années 2006 à 2011, 2013 et 2014. Il a signé avec l'administration fiscale, le 20 juillet 2016, un contrat de transaction en conséquence duquel a été émis, le 16 août 2016, un avis de mise en recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales supplémentaires au titre des années 2006 à 2014 et de l'amende fiscale prévue au IV de l'article 1736 du code général des impôts pour les années 2011 à 2014. M. D... a contesté ces impositions par une réclamation du

10 octobre 2016, à laquelle l'administration, après avoir prononcé la caducité de la transaction conclue et tiré les conséquences des décisions du Conseil constitutionnel n° 2016-554 QPC et 2016-610 QPC, a fait partiellement droit le 27 mars 2017, substituant à l'amende proportionnelle prévue au deuxième alinéa du IV de l'article 1736 du code général des impôts, l'amende forfaitaire prévue au premier alinéa de cette disposition et rétablissant les majorations de 40% mentionnées à l'article 1729 du code général des impôts. M. D... relève appel du jugement en date du 27 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande à fin de décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des contributions sociales supplémentaires et de l'amende demeurant à sa charge.

Sur l'application de l'article 123 bis du code général des impôts :

2. En vertu de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " 1. Lorsqu'une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique-personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable-établie ou constituée hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette entité juridique sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants (...) 3. Les bénéfices ou les revenus positifs mentionnés au 1 sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de l'entité juridique établie ou constituée hors de France ou, en l'absence d'exercice clos au cours d'une année, le 31 décembre. Ils sont déterminés selon les règles fixées par le présent code comme si l'entité juridique était imposable à l'impôt sur les sociétés en France. L'impôt acquitté localement sur les bénéfices ou revenus positifs en cause par l'entité juridique est déductible du revenu réputé constituer un revenu de capitaux mobiliers de la personne physique, dans la proportion mentionnée au 1, à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés. Toutefois, lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un Etat ou territoire n'ayant pas conclu de convention d'assistance administrative avec la France, ou qui est non coopératif au sens de l'article 238-0 A le revenu imposable de la personne physique ne peut être inférieur au produit de la fraction de l'actif net ou de la valeur nette des biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable, calculée dans les conditions fixées au 1, par un taux égal à celui mentionné au 3° du 1 de l'article 39 ".

3. En application de ces dispositions, M. D... a été imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2012 à 2014 à raison des revenus perçus par l'intermédiaire de la structure dénommée "Jonas Holding Limited SA" et au titre des années 2009 à 2012 à raison des revenus perçus par l'intermédiaire de la structure dénommée "The Jason Settlement". L'intéressé soutient, à l'appui de ses conclusions, que l'administration a méconnu la décision n° 2016-614 QPC du 24 février 2017, aux termes de laquelle peut être imposé le revenu réel du compte détenu par l'intermédiaire de la structure interposée lorsque celui-ci est plus faible que celui défini forfaitairement. Il résulte toutefois de l'instruction que les impositions en cause ont été établies non pas à partir d'un revenu défini forfaitairement en application du second alinéa du 3° de l'article 123 bis précité du code général des impôts, mais à partir des montants figurant sur les déclarations de revenus rectificatives souscrites par le requérant dans le cadre de la régularisation de sa situation fiscale. M. D..., qui a été taxé conformément à ses déclarations, et qui a en conséquence, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'il conteste, n'établit pas, par la production de l'état récapitulatif des revenus perçus par l'intermédiaire de ces structures, dont l'administration soutient sans être contredite qu'il est identique à celui fourni à l'appui de sa déclaration rectificative, que ses revenus réellement perçus étaient inférieurs à ceux retenus par l'administration pour établir l'imposition en litige. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des amendes :

4. En application du premier alinéa du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 € par compte ou avance non déclaré ". En vertu de l'article 344 A de l'annexe III au code général des impôts, pris pour l'application des dispositions précitées de l'article 1649 A du même code : " II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus. (...) III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l'année ou de l'exercice par le déclarant, l'un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer. Un compte est réputé avoir été utilisé par l'une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu'elle soit titulaire du compte ou qu'elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d'une personne ayant la qualité de résident ".

5. Ainsi qu'il a été mentionné au point 1., l'administration a, par la décision d'admission partielle du 27 mars 2017, substitué à l'amende proportionnelle prévue par le deuxième alinéa du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts qu'elle avait initialement appliquée et qui a été déclaré contraire à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016, l'amende forfaitaire prévue par le premier alinéa du 2 du IV du même article, qui s'applique indépendamment du montant du solde des comptes non déclarés. M. D... a donc été assujetti à une amende de 1 500 euros au titre du compte n°00933911 pour l'année 2011, à une amende de 1 500 euros pour chacune des années 2012, 2013 et 2014 au titre du compte n° 10027041, et à une amende de 1500 euros pour la seule année 2014 au titre du compte n°10079682. Il résulte des documents produits au dossier que le compte n°00933911 a enregistré au cours de l'année 2011 des mouvements significatifs ne se bornant pas au versement des intérêts que ce compte avait produits et à des opérations de débit portant sur des frais bancaires afférents à sa tenue. Il en est de même, pour les années 2013 et 2014, en ce qui concerne le compte n° 10027041 ouvert en 2012. Le compte n°10079682 a été ouvert au cours de l'année 2014. Les amendes susmentionnées ont par suite été appliquées conformément aux dispositions précitées du premier alinéa du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts et de l'article 344 A de l'annexe III au même code. Le moyen tiré de ce que l'amende ne saurait être appliquée en l'absence de retraits ou d'apports sur les comptes bancaires ne peut par suite qu'être écarté.

6. Il résulte de l'instruction que pour infliger l'amende proportionnelle au titre des années 2011 à 2014, le vérificateur s'était fondé sur la circonstance que le requérant détenait au Luxembourg des comptes qu'il n'avait pas déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts. Cette carence était de nature à justifier l'application de l'amende forfaitaire prévue au premier alinéa du paragraphe IV de l'article 1736 du code précité. Contrairement à ce qui est soutenu, ladite amende forfaitaire s'applique, suite à la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016, indépendamment du montant du solde des comptes non déclarés et ne saurait être regardée comme inapplicable aux comptes dont le solde était supérieur à 50 000 euros.

7. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en modifiant son fondement juridique, à la double condition, cependant, que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure prévues par la loi et que les faits invoqués à l'appui de la demande de substitution soient identiques à ceux retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée. Contrairement à ce qui est également soutenu, le rappel, dans le courrier n° 751-SD du 17 juin 2016, des circonstances ayant conduit à l'application de la sanction prévue au deuxième alinéa du 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts, à savoir la détention des trois comptes non déclarés n° 93/3911, 10027/041 et 10079682 constituait une motivation suffisante, en fait, au sens de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, pour appliquer, par voie de substitution de base légale, l'amende prévue au premier alinéa du 2 du IV de cet article. La circonstance que l'administration aurait omis de démontrer que les comptes en cause auraient été ouverts, utilisés ou clos au cours des années 2011 à 2014 est en tout état de cause sans influence sur la régularité de cette motivation.

Sur le bien-fondé des majorations pour manquement délibéré :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ".

9. L'administration qui, dans le cadre de la transaction conclue avec M. D..., avait, conformément à la circulaire n° 672 du 21 juin 2013, appliqué à la majoration pour manquement délibéré le taux de 15 %, a, conséquemment à la caducité de la transaction, rétabli la majoration au taux de 40 % fixé par les dispositions précitées, telle qu'elle avait été notifiée à M. D... par courrier du 17 juin 2016, antérieurement à ladite transaction. Contrairement à ce qui est soutenu, le rétablissement du taux de 40 % procède de cette caducité et non, comme le soutient M. D... d'une opération de compensation au sens de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales. Le moyen tiré de ce que l'administration aurait procédé à une compensation ne respectant pas les conditions posées par cet article ne peut par suite qu'être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, les premiers juges ayant statué sur le moyen tiré de ce que le rétablissement de la pénalité pour manquement délibéré au taux de 40 % ne respectait pas les règles prévues à l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2020.

Le président de la formation de jugement,

S. APPECHE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 19PA01752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01752
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-09;19pa01752 ?
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