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09/06/2020 | FRANCE | N°19PA01724

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 juin 2020, 19PA01724


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Société Parisienne d'Exploitation de Lieux de Loisirs (SPELL) a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.

Par jugement n° 1711697/1-2 du 29 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête de la SARL SPELL à hauteur du dégrèvement a

ccordé le 11 janvier 2018 par l'administrateur général en charge de la direction de co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Société Parisienne d'Exploitation de Lieux de Loisirs (SPELL) a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.

Par jugement n° 1711697/1-2 du 29 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête de la SARL SPELL à hauteur du dégrèvement accordé le 11 janvier 2018 par l'administrateur général en charge de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France Ouest pour un montant de 8 679 euros, déchargé la SARL SPELL, à hauteur du montant résultant de la différence entre les taux d'intérêt retenus par l'administration, pour les années 2012 et 2013, au titre des avances en compte courant consenties par la requérante aux sociétés de son groupe, et ceux indiqués dans la convention de trésorerie du 31 mai 2011 unissant l'intéressée aux autres filiales du groupe auquel elle appartient, et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés les 24 mai et 20 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour d'annuler l'article 2 du jugement du

24 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge susmentionnée au titre de l'exercice clos en 2012 et de remettre à la charge de la SARL SPELL l'imposition correspondante.

Il soutient que :

- la convention de trésorerie en date du 31 mars 2011 prévoit que les avances sont rémunérées au taux légal ;

- le taux à prendre à compte pour déterminer le montant auquel la société SPELL a renoncé est donc le taux légal de 0, 71% au titre de l'exercice clos en 2012 ;

- l'appel incident relatif à l'année 2013 est irrecevable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2019, la SARL SPELL, représentée par Me B..., conclut, dans la mesure où la Cour retiendrait l'application du taux de l'intérêt légal prévu par la convention de trésorerie au titre de l'exercice 2012, soit le taux de 0,71%, à ce que la Cour infirme le jugement en ce qu'il a retenu un taux d'intérêt de 0,50 % au titre de l'exercice 2013 non conforme à ce que prévoyait la convention de trésorerie.

Elle soutient que le taux retenu par la convention de trésorerie n'est pas constitutif d'un acte anormal de gestion.

Par une ordonnance du 26 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

13 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL SPELL a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle elle a été notamment assujettie, au titre des années 2012 et 2013, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Par jugement n° 1711697/1-2 du 29 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la SARL SPELL, à hauteur du montant résultant de la différence entre les taux d'intérêt retenus par l'administration, pour les années 2012 et 2013, au titre des avances en compte courant consenties par la requérante aux sociétés de son groupe, et ceux indiqués dans la convention de trésorerie du 31 mai 2011 unissant l'intéressée aux autres filiales du groupe auquel elle appartient. Par le présent recours, le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant que le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge susmentionnée au titre de l'exercice clos en 2012. Pour sa part, la SARL SPELL conclut à ce que la Cour infirme le jugement en ce qu'il a retenu un taux d'intérêt de 0,50 % au titre de l'exercice 2013 non conforme à ce que prévoyait la convention de trésorerie.

Sur les conclusions du ministre de l'action et des comptes publics relatives aux complément d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société SPELL au titre de l'années 2012 :

2. Aux termes du 1. de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans ".

3. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Les renonciations à recettes consenties par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage accordé à un tiers sous la forme de la renonciation à la perception d'intérêts constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors qu'elle établit l'existence d'avances sans intérêts consenties par l'entreprise à des tiers et que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier en retour de contreparties, notamment commerciales ou financières.

4. Il est constant que la SARL SPELL a consenti à ses sociétés soeurs des avances en compte courant sans percevoir d'intérêts alors même qu'une convention de trésorerie signée entre les sociétés du groupe informel SPELL le 31 mars 2011 prévoyait, dans son article 2, une rémunération des sommes prêtées sur la base du taux d'intérêt légal en vigueur. La société requérante n'allègue aucune contrepartie à cette renonciation à recettes. Dès lors, l'administration était fondée à regarder cette absence de perception d'intérêts comme étrangère à une gestion commerciale normale et à réintégrer les intérêts non perçus dans les recettes de la société.

5. Il résulte de l'instruction que l'administration, à ce titre, a rehaussé le résultat de la société SPELL imposable au titre de 2012, d'un montant de 269 537 euros résultant de l'application d'un taux de rémunération annuel de 3,39% égal à la moyenne des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variables aux entreprises d'une durée initiale supérieure à deux ans.

6. Le tribunal administratif a, compte tenu de la liquidité des avances faites par la société SPELL, estimé que le taux de 3,39% retenu par le vérificateur n'était pas pertinent et considéré qu'il y avait lieu d'appliquer le taux de rémunération des SICAV monétaires, soit 0,60% en 2012, taux qui, selon les premiers juges, était celui prévu dans la convention de trésorerie en date du 31 mars 2001 liant la société SPELL et les sociétés bénéficiaires des avances.

7. Le ministre conteste le taux de 0,60% retenu par le tribunal et fait valoir que la société SPELL aurait à tout le moins dû percevoir sur les avances en cause un taux de 0,71% au titre de l'exercice 2012.

8. En l'absence de toute convention entre les parties, le taux normal de la rémunération des avances de fonds consenties par une entreprise à une autre, doit être apprécié par rapport au taux de rémunération que le prêteur pourrait obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel il placerait, dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent. Toutefois, la convention de trésorerie précitée du 31 mars 2011 prévoyait effectivement, comme le soutient le ministre, une rémunération des avances au taux d'intérêt légal soit pour 2012 un taux de 0,71%, supérieur au taux de rémunération des SICAV monétaires de 0,60 %. La SARL SPELL, qui était en droit de se prévaloir de cette convention auprès de ses débiteurs, a ainsi renoncé anormalement à une rémunération correspondant à l'application de ce taux de 0,71% aux avances consenties en 2012 aux sociétés du groupe. Le ministre est par suite fondé à soutenir que la société était seulement fondée à obtenir que le rehaussement du résultat de son exercice 2012 résultant de la réintégration de la rémunération des avances opérées par elle soit déterminé en retenant ce taux d'intérêt de 0,71% et non celui de 0,60% retenu par les premiers juges.

Sur les conclusions de la société SPELL relatives aux compléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'années 2013 :

9. Les conclusions de la SARL SPELL relatives aux compléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'années 2013, qui ont été soumises à la Cour après l'expiration du délai d'appel, concernent des impositions différentes de celles sur lesquelles porte le recours du ministre de l'action et des comptes publics expressément limité au complément d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la SARL SPELL au titre de l'année 2012. Elles sont, par suite, irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1711697/1-2 du 29 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il accorde une décharge d'impôt sur les sociétés à la société SPELL au titre de l'année 2012.

Article 2 : Le rehaussement du résultat fiscal de la société SPELL au titre de l'exercice clos en 2012, opéré du chef de la rémunération des avances consenties par elle aux sociétés du groupe, est calculé par application d'un taux de rémunération de 0, 71% et non du taux de 3,39% retenu par l'administration.

Article 3 : La société SPELL est déchargée, à concurrence de la réduction des bases résultant de l'article 2, du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SARL SPELL devant la Cour et le surplus de ses conclusions à fin de décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés afférents à l'exercice clos en 2012 présentées devant le tribunal administratif sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la SARL SPELL.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2020.

Le président de la formation de jugement,

S. APPECHE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19PA01724


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01724
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET DELPEYROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-09;19pa01724 ?
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