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09/06/2020 | FRANCE | N°19PA01512

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 09 juin 2020, 19PA01512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Française des Chapes a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, en droits et pénalités ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les véhicules de société mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012, en droits et pénalités ;

3°) de prononcer la décharge des cot

isations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 2005 à 2011,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Française des Chapes a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, en droits et pénalités ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les véhicules de société mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012, en droits et pénalités ;

3°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 2005 à 2011, ainsi que des cotisations supplémentaires de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2009, en droits et pénalités ;

4°) de prononcer la décharge des rappels de taxe d'apprentissage mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, en droits et pénalités ;

5°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires sur la valeur ajoutée des entreprises mises à sa charge au titre des exercices 2010 et 2011 et des rappels de taxe additionnelle à ces cotisations mis à sa charge au titre de l'exercice 2011, en droits et pénalités ;

6°) de prononcer la décharge des amendes mises à sa charge au titre des années 2005 à 2011 ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n°s 1713277/1-2, 1713364/1-2 du 5 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la société Française des Chapes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 mai et 12 septembre 2019, la société Française des Chapes, représentée par Me A... B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 mars 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas eu connaissance des détournements commis par ses dirigeants ;

- elle a été victime de ces détournements ;

- seuls les détournements perpétrés au cours des années 2005 au 4 juin 2007 l'ont été par le gérant ;

- aucune carence ne peut être reprochée au gérant postérieurement au 4 juin 2007 ;

- les sommes enregistrées en comptabilité comme des remboursements de frais correspondent en réalité à des rémunérations versées à des salariés non déclarés et sont par suite déductibles des résultats ;

- ces sommes ont été imposées entre les mains de leurs bénéficiaires.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Française des Chapes ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

13 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Française des Chapes, qui exerce son activité dans le secteur du bâtiment, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au

31 décembre 2011 ainsi que d'un contrôle sur pièces au titre des exercices 2005 à 2009 à l'issue desquels ont été mises à sa charge des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle à cette cotisation, de taxe sur les véhicules de sociétés ainsi que des amendes. La société Française des Chapes relève appel du jugement en date du 5 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

2. La société Française des Chapes conteste en premier lieu le rehaussement qui lui a été notifié relatif à des recettes dissimulées et appréhendées par ses dirigeants en faisant valoir que les détournements dont elle a fait l'objet sont déductibles de ses résultats.

3. Il résulte des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale, sans qu'il y ait lieu pour elle, dans ce cadre, de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion faits par l'entreprise et notamment sur l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats.

4. En cas de détournements de fonds commis au détriment d'une société, les pertes qui en résultent sont, en principe, déductibles des résultats de la société. Il en va ainsi, en particulier, lorsque ces détournements ont été commis par des tiers. En revanche, ne sont pas déductibles les détournements commis par les dirigeants, mandataires sociaux ou associés ainsi que ceux, commis par un salarié de la société, qui ont pour origine, directe ou indirecte, le comportement délibéré des dirigeants, mandataires sociaux ou associés ou leur carence manifeste dans l'organisation de la société et la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle, contraires à l'intérêt de la société.

5. Il est constant que les détournements dont s'agit ont été commis sur la période courant de 2005 à 2009 à l'initiative de M. S. gérant de la société jusqu'au 4 juin 2007 et associé de la société à 50 % au cours de l'ensemble de la période concernée par lesdits détournements. Ces détournements ne sauraient par suite être regardés comme déductibles des résultats taxables de la société, sans que la société puisse utilement soutenir qu'elle ignorait ces détournements, qu'elle en a été victime, et que, compte tenu de la complexité des opérations de fraude, aucune carence manifeste ne peut être reprochée au gérant en fonction à compter du 6 juin 2007.

6. En deuxième lieu, la société a comptabilisé comme remboursements de frais au titre des exercices clos en 2010 et 2011 respectivement les sommes de 186 186 euros et

121 176 euros. N'ayant fourni aucun justificatif de la réalité et du montant des indemnités comptabilisées, elle soutient devant la Cour que ces sommes correspondent à des rémunérations versées à des salariés non déclarés.

7. Aux termes du 1. de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

8. Le vérificateur a remis en cause à bon droit le caractère fiscalement déductible des remboursements de frais comptabilisés par la société requérante au motif que l'intéressée n'avait pu justifier du caractère effectif de ces dépenses, non appuyées de pièces justificatives. Il appartient, en conséquence, à cette dernière d'établir par tout moyen que les charges exposées avaient pour contrepartie des prestations réelles exécutées à son bénéfice. Elle n'apporte pas une telle preuve en se bornant à soutenir que les sommes en cause correspondent à des rémunérations versées à des salariés non déclarés, à fournir la liste de ces personnes ainsi qu'un tableau réalisé par ses soins récapitulant le travail mensuel qu'elles auraient réalisé, et à faire état de ce que lesdites personnes auraient fait l'objet d'une procédure de rectification. La Cour ne trouve au dossier aucune pièce probante de nature à établir que les personnes en cause ont effectivement travaillé sur les chantiers dont la société requérante était responsable. Le moyen susmentionné ne peut par suite qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Française des Chapes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Française des Chapes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Française des Chapes et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. C..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2020.

Le président de la formation de jugement,

S. APPECHE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 19PA01512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01512
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : WAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-09;19pa01512 ?
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