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09/06/2020 | FRANCE | N°18PA03948

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 09 juin 2020, 18PA03948


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'autorisation de travaux immobiliers du 18 mai 2015 accordée par le ministre de l'équipement, de l'aménagement et de l'urbanisme de la Polynésie française à

M. E... en vue de la construction d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée n°1003, section M, sur la commune de Punaauia.

Par un jugement n° 1700302 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté l

eur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'autorisation de travaux immobiliers du 18 mai 2015 accordée par le ministre de l'équipement, de l'aménagement et de l'urbanisme de la Polynésie française à

M. E... en vue de la construction d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée n°1003, section M, sur la commune de Punaauia.

Par un jugement n° 1700302 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2018, M. et Mme G..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le permis de construire délivré le 18 mai 2015 à M. E... ;

2°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'affichage du permis de construire sur le terrain ayant été lacunaire, la demande n'est pas tardive ;

- l'avis favorable du maire à la dérogation à la règle de distance minimale entre deux constructions n'est pas suffisamment motivé ;

- la demande de dérogation n'était pas justifiée par la configuration du terrain ;

- l'accord donné par M. H... est un faux, obtenu par fraude.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2019, la Polynésie française, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants n'ayant pas justifié avoir notifié leur recours contentieux à la Polynésie française et à M. E..., leur requête est irrecevable ;

- les déclarations de M. H... ont varié et le tribunal administratif a estimé dans son jugement n°1700457 du 2 octobre 2018 que son accord n'avait pas été obtenu par fraude.

La clôture de l'instruction est intervenue le 3 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de l'aménagement de la Polynésie française ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 26 mai 2020 :

- le rapport de M. C..., ;

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 mai 2015, le ministre de l'équipement, de l'aménagement et de l'urbanisme de la Polynésie française a accordé à M. F... E... une autorisation de travaux immobiliers portant sur une construction nouvelle attenante à sa maison d'habitation dans la commune de Punaauia. Cette autorisation, dérogatoire à la règle d'implantation des constructions à

4 mètres de la limite de propriété prévue par l'article UBb 7 du règlement du plan général d'aménagement, a été accordée au vu de l'avis favorable du maire de la commune de Punaauia du 10 mai 2015 fondé sur la configuration du terrain et sur l'accord de M. H..., l'un des voisins de M. E.... M. et Mme G..., autres voisins immédiats de M. E..., ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie Française d'annuler ce permis de construire. Ils relèvent appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la recevabilité de la requête :

2. L'obligation d'affichage sur le terrain de mentions relatives à la consistance du projet et de l'indication des voies et délais de recours contentieux a pour objet de permettre aux tiers de préserver leurs droits et constitue une condition au déclenchement du délai de recours contentieux. Elle revêt dès lors le caractère d'une règle de procédure administrative contentieuse. Par ailleurs, si le rappel à titre d'information des tiers, sur le panneau d'affichage, de l'obligation de notification à peine d'irrecevabilité du recours contentieux résultant de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'est pas au nombre des éléments dont la présence est une condition au déclenchement du délai de recours, son omission fait obstacle à ce que soit opposée à l'auteur du recours l'irrecevabilité qu'il prévoit. Dès lors, eu égard à son objet et à ses effets, l'obligation de mentionner sur le panneau d'affichage l'obligation de notification résultant de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme revêt également le caractère d'une règle de procédure administrative contentieuse.

3. En application du 2° de l'article 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française la procédure administrative contentieuse relève de la compétence de l'Etat en Polynésie française. L'article 7 de cette même loi organique précise que les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives à la procédure administrative contentieuse sont applicables de plein droit en Polynésie française. Il s'ensuit que l'obligation d'affichage sur le terrain des mentions relatives à la consistance du projet, aux voies et délais de recours et à l'obligation de notification prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme relève de la compétence de l'Etat et, d'autre part, les dispositions correspondantes des articles R. 424-15, A 424-16 et A.424-17 de ce même code sont applicables de plein droit en Polynésie française.

4. Si M. E..., bénéficiaire de l'autorisation de travaux attaquée, a soutenu en première instance, que le panneau d'affichage comportait les mentions prévues par l'article A.116-9 du code de l'aménagement de la Polynésie française à la seule exception de celle du maître de l'ouvrage et du nombre de niveau prévus, qui ne présentaient pas en l'espèce un caractère substantiel, il n'établit ni au demeurant ne soutient que ce panneau comportait les mentions relatives aux voies et délais de recours et à l'obligation de notification prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, mentions qui ne sont pas requises par le code polynésien de l'aménagement.

5. Il en résulte d'une part que le délai de recours de deux mois n'est pas opposable à la demande de M. et Mme G.... D'autre part, il résulte des pièces du dossier que les travaux ont été achevés le 12 janvier 2017 et que le certificat de conformité a été sollicité le 30 mars 2017. Le délai d'un an à compter de l'achèvement des travaux alors prévu par l'article R. 600-3 du code de l'urbanisme pour introduire un recours contre un permis de construire n'était pas dès lors expiré quand la demande de M. et Mme G... a été enregistrée 11 août 2017 au greffe du tribunal administratif. Par ailleurs si le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce qu'un permis de construire puisse être contesté indéfiniment par les tiers, l'affichage du permis qui ne comportait aucune des mentions exigées en matière de voies et délais de recours et d'obligation de notification des recours et dont M. E... n'a pas justifié des modalités et de la durée n'était pas conforme aux prescriptions de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme. Il en résulte que la règle selon laquelle un recours contentieux doit, pour être recevable, être présenté dans un délai raisonnable à compter du premier jour de la période continue de deux mois d'affichage sur le terrain ne peut être, dans les circonstances de l'espèce, opposée aux requérants dont la demande n'était pas tardive.

6. Si la Polynésie française oppose en cause d'appel que M. et Mme G... ne justifient pas avoir satisfait à l'accomplissement des formalités de notification prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, cette irrecevabilité ne peut être opposée, en première instance, en appel ou en cassation, qu'à la condition, prévue à l'article R. 424-15 du même code, que l'obligation de procéder à cette notification ait été mentionnée dans l'affichage du permis de construire. Il n'est pas justifié que tel ait été le cas en l'espèce. Cette fin de non-recevoir doit être dès lors rejetée.

Sur le bienfondé du jugement :

7. L'article UBb 7 du règlement du plan général d'aménagement de la commune de Punaauia, alors applicable prévoit qu'en l'absence d'accord de mitoyenneté, les constructions doivent respecter un recul minimal de 4 mètres de la limite séparative de la propriété voisine. Le dernier paragraphe de cet article dispose que, dans tous les cas : " Hors contiguïté et lorsque l'environnement le justifie ou que la configuration du parcellaire rend impossible l'implantation demandée, une distance inférieure (sans toutefois être inférieure à 2 mètres) peut être admise sous réserve d'un accord du propriétaire voisin. Cette disposition fera l'objet d'un avis motivé du maire. ".

8. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la dérogation à la limite séparative minimale fixée par plan général d'aménagement de la commune de Punaauia accordée par l'autorisation de travaux contestée serait justifiée par des particularités de l'environnement ou que la configuration du parcellaire rendrait impossible une implantation autre que celle qui a été accordée. La demande de M. E... à l'administration ne comporte aucun élément explicatif en ce sens. Ni le pétitionnaire, ni la Polynésie française n'ont fourni dans leurs écritures la moindre justification susceptible de fonder la dérogation. Il en résulte que celle-ci n'est pas justifiée et que ce vice ne peut pas être régularisé.

9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que pour accorder l'autorisation de travaux comportant la dérogation contestée, le ministre en charge de l'équipement de la Polynésie française s'est essentiellement fondé sur l'avis favorable formulé le 18 mai 2015 par le maire de la commune de Punaaiua qui s'est borné à indiquer que " la configuration du terrain et l'accord (du) voisin avaient été prépondérants dans (sa) décision ". Si la référence à l'accord du voisin, qui se comprenait d'elle-même, était en l'espèce suffisante, le maire a insuffisamment motivé son avis en ne fournissant pas, même sous une forme succincte, les éléments qui auraient permis de comprendre en quoi la configuration du terrain justifiait que soit accordée une dérogation. Si l'insuffisance de motivation qui entache cet avis n'a pas privé les intéressés d'une garantie, elle a été susceptible d'influer sur le sens de de la décision du ministre qui, en l'espèce, semble s'en être purement et simplement remis à l'avis du maire.

10. En troisième lieu, si M. et Mme G... soutiennent que l'accord de

M. H... aurait été obtenu par fraude, ils ne l'établissent pas. Au demeurant, ainsi que le fait valoir la Polynésie française, le tribunal administratif de Papeete, qui a été amené à statuer sur cette question particulière dans une affaire connexe, avait estimé, par jugement n° 1700457 du 16 octobre 2018, rendu le même jour que le jugement attaqué et devenu définitif, que la fraude n'était pas démontrée.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme G... sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande. L'autorisation de travaux immobiliers du 18 mai 2015 accordée par le ministre de l'équipement, de l'aménagement et de l'urbanisme de la Polynésie française à M. E... doit dès lors être annulée.

Sur les frais liés au litige :

12. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de

M. E... la somme que réclament les requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de

M. et Mme G..., qui ne sont pas en l'espèce la partie perdante la somme que réclame à ce titre la Polynésie française.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1700302 du tribunal administratif de la Polynésie française du

16 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : L'autorisation de travaux immobiliers du 18 mai 2015 accordée par le ministre de l'équipement, de l'aménagement et de l'urbanisme de la Polynésie française à M. E... est annulée.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme G..., à la Polynésie française et à M. E....

Délibéré après l'audience du 26 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- M. C..., président assesseur,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 juin 2020.

Le rapporteur,

Ch. C...Le président,

M. D...

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N°18PA03948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03948
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : DUBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-09;18pa03948 ?
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