Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sud Aluminium a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Thiais à lui verser la somme de 209 240,47 euros toutes taxes comprises, somme assortie des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 19 mai 2011 sur la somme de 4 568,65 euros et à compter du 3 juillet 2012 pour la somme de 204 671,82 euros, ainsi que la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de la résistance abusive de la commune, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1502420 du 29 mars 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mai 2018, la société Sud Aluminium, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 mars 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner la commune de Thiais à lui verser la somme de 209 240,47 euros toutes taxes comprises, somme assortie des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 4 août 2011 pour la somme de 4 568,65 euros et à compter du 6 décembre 2013 pour la somme de 204 671,82 euros, ainsi que la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de la résistance abusive de la commune ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Thiais une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a droit au paiement direct du maître d'ouvrage sur le fondement de la loi du 31 décembre 1975 s'agissant d'un reliquat de la situation n° 1 s'élevant à 4 568,65 euros TTC et de la situation n° 11 ; en effet, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle a respecté la procédure de paiement direct alors qu'au surplus il est possible de déroger aux dispositions de l'article 116 du code des marchés publics ;
- la commune ayant résisté abusivement au paiement de ces sommes dues, elle a droit à une indemnité de 100 000 euros pour résistance abusive.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2019, la commune de Thiais, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Sud Aluminium au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Sud Aluminium ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 avril 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement signé le 28 avril 2010, la commune de Thiais a confié à la société Mario un marché public relatif au lot n° 4 intitulé " Menuiseries extérieures aluminium - vitrerie " d'une opération de travaux publics portant sur la construction d'un ensemble à vocation scolaire et éducative dénommé " Romain Gary " à Thiais pour un montant de 2 084 829 euros hors taxe (" HT ") soit 2 493 455,48 euros toutes taxes comprises (" TTC "). Puis par un acte spécial de sous-traitance signé le 19 novembre 2010, la commune de Thiais a accepté la société Sud Aluminium en qualité de sous-traitant direct de la société Mario pour des prestations de " fourniture de châssis et pose de vitrage " et agréé ses conditions de paiement pour un montant de 1 570 604 euros HT soit 1 878 442,38 euros TTC réduit, par un acte modificatif du 23 décembre 2011, à la somme de 1 358 000 euros HT, soit 1 624 168 euros TTC. La société Sud Aluminium a elle-même eu recours le 1er mars 2011 à un sous-traitant de second rang, la société Forclum Île-de-France, devenue la société Eiffage Energie Île-de-France, pour la " mise en place (...) des éléments fabriqués par Sud Aluminium et à incorporer dans les murs rideaux " tandis que la société Sud Aluminium prenait à sa charge " la fourniture et la fabrication : des portes, des châssis coulissants et des châssis à frappe incorporés dans les murs rideaux ". La société Sud Aluminium a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Thiais à lui verser, à titre principal, une somme de 306 300,96 euros TTC, assortie des intérêts moratoires, correspondant, d'une part, à sa demande de paiement de sa situation n° 11 valant solde de sa rémunération, d'autre part, à un restant à percevoir de 4 568,65 euros TTC sur sa situation n° 1. En cours de première instance, elle a ramené sa prétention à la somme de 209 240,47 euros TTC, assortie des intérêts moratoires, par déduction d'une somme de 97 060,49 euros TTC que la commune de Thiais avait déjà été condamnée à payer par le même tribunal à verser directement à la société Forclum, devenue Eiffage Energie Ile-de-France. La société Sud Aluminium demandait aussi la condamnation de la commune à lui verser une somme de 100 000 euros pour résistance abusive. Par un jugement du 29 mars 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. La société Sud Aluminium relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 6 de la loi visée ci-dessus du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la même loi : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. / Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 116 du code des marchés publics en vigueur à la date de signature de l'acte spécial de sous-traitance, repris à l'exception de son avant-dernier alinéa au I de l'article 136 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché. / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. / Le pouvoir adjudicateur ou la personne désignée par lui dans le marché adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant. / Le pouvoir adjudicateur procède au paiement du sous-traitant dans le délai prévu par l'article 98. Ce délai court à compter de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'accord, total ou partiel, du titulaire sur le paiement demandé, ou de l'expiration du délai mentionné au deuxième alinéa si, pendant ce délai, le titulaire n'a notifié aucun accord ni aucun refus, ou encore de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'avis postal mentionné au troisième alinéa. / Le pouvoir adjudicateur informe le titulaire des paiements qu'il effectue au sous-traitant. ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande, le titulaire du marché étant réputé avoir accepté cette demande s'il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l'issue de cette procédure, le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct. Dès lors sa méconnaissance par le sous-traitant fait obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement.
4. En l'espèce, d'une part, s'agissant du reliquat de la situation de travaux n° 1 datée du 14 avril 2011, la société Sud Aluminium produit certes cette situation comportant la mention " bon pour accord " apposée par la société Mario. Toutefois, cette situation de travaux n° 1 ne saurait être regardée comme une demande de paiement direct adressée au titulaire du marché au sens des dispositions citées au point 2 de l'article 116 du code des marchés publics dès lors que ce document n'est pas libellé au nom du maître d'ouvrage et que le sous-traitant sollicite un paiement non de la commune mais de la société Mario et n'évoque à aucun moment une demande de paiement direct. D'autre part, s'agissant de la situation de travaux n° 11 datée du 27 avril 2012, il ne résulte pas de l'instruction que ce document aurait effectivement été adressé au titulaire du marché, la société Sud Aluminium n'apportant pas plus en appel qu'en première instance la preuve de son envoi. Par suite, la méconnaissance de la procédure de demande de paiement direct par le sous-traitant fait obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement. Dès lors, les conclusions indemnitaires présentées par la société Sud Aluminium doivent être rejetées. Par voie de conséquence, la commune de Thiais n'ayant pas abusivement refusé de payer des sommes dues à la société Sud Aluminium, les conclusions de cette dernière tendant à la condamnation de la commune à lui verser une indemnité pour résistance abusive doivent également être rejetées.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sud Aluminium n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Sud Aluminium une somme de 1 500 euros au titre de cet article.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Sud Aluminium est rejetée.
Article 2 : La société Sud Aluminium versera une somme de 1 500 euros à la commune de Thiais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la société Sud Aluminium et à la commune de Thiais.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juin 2020.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01701