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26/05/2020 | FRANCE | N°19PA01940

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 mai 2020, 19PA01940


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 23 octobre 2015 par laquelle le directeur de l'Office de protection des réfugiés et des apatrides a refusé d'enregistrer sa demande de transfert de son statut de réfugié et l'a invité à s'adresser au préfet du lieu de son domicile afin d'obtenir un formulaire de demande d'asile.

Par un jugement n° 1510510 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 427914 au secrétariat du content...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 23 octobre 2015 par laquelle le directeur de l'Office de protection des réfugiés et des apatrides a refusé d'enregistrer sa demande de transfert de son statut de réfugié et l'a invité à s'adresser au préfet du lieu de son domicile afin d'obtenir un formulaire de demande d'asile.

Par un jugement n° 1510510 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 427914 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 11 février 2019 et 25 février 2019, M. B... D... a relevé appel du jugement du tribunal administratif de Melun du 21 décembre 2018.

Par une ordonnance n°427914 du 23 mai 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a, en application des articles R. 351-1 et R. 811-1 du code de justice administrative, attribué à la cour administrative d'appel de Paris le jugement du dossier d'appel enregistré au Conseil d'Etat. La requête de M. D... a été enregistrée au greffe de la Cour le 14 juin 2019 sous le n° 19PA01940.

Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 février 2019, 25 février 2019 et

23 octobre 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 21 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du directeur de l'Office de protection des réfugiés et des apatrides du 23 octobre 2015 refusant l'enregistrement de sa demande de transfert de son statut de réfugié et l'invitant à s'adresser au préfet du lieu de son domicile afin d'obtenir un formulaire de demande d'asile ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'Office de protection des réfugiés et des apatrides d'enregistrer sa demande de transfert de protection et de lui délivrer un certificat de réfugié dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 6 000 euros en réparation de ses préjudices.

Il soutient que :

- le jugement qui ne répond pas à l'ensemble de ses moyens, méconnait le principe du contradictoire et donne une interprétation erronée de la loi, est irrégulier ;

- la décision du directeur général de l'OFPRA est insuffisamment motivée ;

- sa situation particulière n'a pas été prise en compte ;

- les articles L. 741-1, R.723-1, R.723-3 alinéa 2 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne font qu'encadrer la procédure relative aux premières demandes d'asile, ne sont pas applicables à sa situation ;

- il était fondé à saisir directement l'OFPRA en application des articles L. 313-11 et

R. 313-1-4 de ce code, du décret 2014-301 du 6 mars 2014, de la circulaire n°82-85 du

8 juin 1982 et des indications figurant sur la fiche d'information publiée sur le site de l'Office au moment de sa demande ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus d'enregistrer immédiatement sa demande, qui a retardé sa naturalisation, ébranlé son équilibre psychique et compromis la réalisation de ses projets professionnels est à l'origine d'un préjudice qu'il évalue à 6 000 euros.

La requête a été communiquée à l'OFPRA, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

29 mai 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux n° 415435 du 18 juin 2018.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bernier, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien, a obtenu le 24 septembre 1993 le statut de réfugié en Italie. Il réside en France depuis l'an 2000 et est titulaire d'un certificat de résidence depuis le

6 mai 2015. Le 10 août 2015, il a saisi l'OFPRA d'une demande de transfert de sa qualité de réfugié en France. L'OFPRA n'a pas donné suite à cette demande au motif qu'il ne satisfaisait pas à la condition de visa nécessaire au transfert de la protection dont il bénéficiait en Italie et en lui indiquant qu'il devait s'adresser à la préfecture du lieu de son domicile afin d'y présenter une demande d'asile. M. D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de la décision du directeur de l'Office de protection des réfugiés et des apatrides du 23 octobre 2015 refusant l'enregistrement de sa demande de transfert de son statut de réfugié et l'invitant à s'adresser au préfet du lieu de son domicile afin d'obtenir un formulaire de demande d'asile.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Melun a considéré au point 7 de son jugement qu'en application des articles L. 741-2 et R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il convenait de faire application pour les motifs exposés au point 4 de ce même jugement, le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides saisi directement de la demande de transfert du droit d'asile présentée par M. D... était tenu de réorienter ce dernier vers l'autorité compétente, ce dont il devait être déduit que les autres moyens soulevés par le demandeur étaient inopérants. Ce faisant, les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur décision, n'ont pas omis de statuer sur les moyens soulevés par

M. D... ni méconnu le principe du contradictoire. Le grief tiré de ce que le tribunal administratif de Melun aurait donné une interprétation erronée de la loi ressortit du bien-fondé de la décision des premiers juges. Le jugement n'est donc pas irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes du 2 du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne " qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ". Aux termes du 1 de l'article 31 de cette même convention : " Les Etats contractants n'appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l'article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières ". Aux termes du 1 de l'article 33 de cette même convention : " Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ".

4. Si, en vertu de ces stipulations, une personne qui s'est vu reconnaître le statut de réfugié dans un Etat partie à la convention de Genève à raison de persécutions subies dans l'Etat dont elle a la nationalité ne peut plus, aussi longtemps que le statut de réfugié lui est maintenu et effectivement garanti dans l'Etat qui lui a reconnu ce statut, revendiquer auprès d'un autre Etat, sans y avoir été préalablement admise au séjour, le bénéfice des droits qu'elle tient de la convention de Genève, il est toutefois loisible à cette personne, dans le cas où elle a été préalablement admise au séjour en France dans le cadre des procédures de droit commun applicables aux étrangers, de demander à ce que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides exerce à son égard la protection qui s'attache au statut de réfugié. En l'absence de dispositions spéciales organisant un tel transfert, et ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat statuant au contentieux par une décision n° 415335 du 18 juin 2018 rendue dans une précédente affaire dont l'avait saisi M. D..., une telle demande doit être présentée dans les formes et selon les règles procédurales applicables aux demandes d'asile.

5. A cet égard, toute demande d'asile doit, en vertu des dispositions des articles

L. 741-1 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile être présentée en personne à la préfecture afin d'y être enregistrée. Selon l'article L. 741-2 du même code, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides " ne peut être saisi d'une demande d'asile que si celle-ci a été préalablement enregistrée par l'autorité administrative compétente et si l'attestation de demande d'asile a été remise à l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente. Il en est de même lorsque l'étranger a introduit directement sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sans que sa demande ait été préalablement enregistrée par le préfet compétent. Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile. (...) ".

6. En l'espèce, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été directement saisi par M. D... d'une demande de " transfert de protection " sans qu'aucune demande n'ait été préalablement présentée et enregistrée en préfecture. C'est donc à bon droit, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, que le directeur général de l'OFPRA, par lettre en date du 23 octobre 2015, conformément à ce que prévoient les dispositions précitées de l'article R. 741-2, a invité M. D... à s'adresser au préfet du lieu de son domicile afin d'obtenir un formulaire de demande d'asile.

7. Dès lors que le directeur général de l'OFPRA était légalement tenu en vertu des textes applicables de ne pas donner suite à la demande dont l'avait directement saisi M. D... et de l'orienter vers le préfet compétent, ce qu'il a fait en l'espèce, les moyens dont est assortie la requête d'appel de M. D... sont inopérants. Il en va ainsi des moyens tirés notamment de ce que la décision du 23 octobre 2015 ne serait pas suffisamment motivée, de ce que la situation personnelle du demandeur n'aurait pas été prise en compte, et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. En tout état de cause, M. D... ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire n°82-85 du 8 juin 1982 et des indications figurant sur la fiche d'information publiée sur le site de l'Office au moment de sa demande qui sont dépourvues de caractère réglementaire.

8. La décision du 23 octobre 2015 n'étant pas entachée d'illégalité, l'Etat n'a commis aucune faute. Les conclusions indemnitaires de M. D..., au demeurant nouvelles en appel et dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles auraient fait l'objet d'une réclamation préalable, ne peuvent dès lors qu'être rejetées. Les conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées par voie de conséquence.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 mai 2020.

L'assesseur le plus ancien,

M-E... Le président de la formation de jugement,

président-rapporteur,

Ch. BERNIER

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 19PA01940


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01940
Date de la décision : 26/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-03-04


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : EPOMA

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-26;19pa01940 ?
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