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26/05/2020 | FRANCE | N°19PA01903

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 mai 2020, 19PA01903


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme C... G... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le département du Val-de-Marne à leur verser la somme de 155 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du rehaussement du mur séparant leur propriété du collège Karl Marx, à Villejuif.

Par un jugement n° 1702495 du 12 avril 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enr

egistrés les 11 juin 2019 et 10 janvier 2020, M. et Mme D..., représentés par Me H..., demandent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme C... G... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le département du Val-de-Marne à leur verser la somme de 155 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du rehaussement du mur séparant leur propriété du collège Karl Marx, à Villejuif.

Par un jugement n° 1702495 du 12 avril 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 juin 2019 et 10 janvier 2020, M. et Mme D..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le département du Val-de-Marne à leur verser la somme de 155 000 euros en réparation du préjudice résultant pour eux du rehaussement du mur séparant leur propriété du collège Karl Marx ;

3°) de mettre les dépens, incluant la somme de 7 786,67 euros exposée au titre des frais d'expertise, à la charge du département du Val-de-Marne ;

4°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne la somme de 27 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'expertise menée par M. B... est irrégulière en raison de la durée des opérations d'expertise, de l'incompétence de l'expert pour procéder à l'évaluation des préjudices et de l'analyse insuffisante qu'il a faite des courriers et dires qu'ils lui ont adressés ;

- leur préjudice, lié notamment à une forte perte d'ensoleillement et à un sentiment d'enfermement, est anormal et spécial ;

- leur propriété a perdu de sa valeur.

La requête a été communiquée au département du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

La clôture de l'instruction est intervenue le 29 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- les observations de Me H..., représentant M. et Mme D...,

- et les observations de Me F..., représentant le département du Val-de-Marne.

Une note en délibéré, enregistrée le 10 mars 2020, a été produite pour M et Mme D... par Me H....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... sont propriétaires d'une maison sise 12 impasse Robert Duchêne, à Villejuif, implantée sur un terrain contigu à celui sur lequel se situe le collège Karl Marx. En février 2011, des travaux effectués au niveau de la cour du collège ont conduit au rehaussement du mur mitoyen ainsi qu'à la mise en place d'un auvent adossé à ce mur. M. et Mme D..., qui estiment que cette modification de l'ouvrage public leur a causé des préjudices de jouissance et réduit la valeur vénale de leur propriété, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun de prescrire une expertise. Par une ordonnance du 30 août 2012, M. B... a été désigné en qualité d'expert et, par une ordonnance du 19 janvier 2015, M. I... a été désigné comme sapiteur afin d'assister M. B... notamment dans l'estimation de la perte valeur vénale de la propriété. Le rapport de M. I... a été remis le 11 mars 2016 et celui de M. B... le 6 juillet 2016. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 12 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à ce que le département du Val-de-Marne soit condamné à les indemniser de leurs préjudices.

Sur la régularité de l'expertise :

2. M. et Mme D... font d'abord valoir que les opérations de l'expertise ordonnée par le juge des référés se sont étalées sur une durée trop importante. Toutefois, à supposer que cette longueur, environ quatre ans, soit de nature à avoir eu une incidence sur les conclusions de l'expert, ce que les requérants ne démontrent pas en l'espèce, il résulte de l'instruction qu'elle trouve son origine à la fois dans la nécessité d'attendre la fin des travaux de construction du mur litigieux et dans les problèmes de santé du sapiteur. Par ailleurs, la circonstance que M. B... a estimé utile de s'adjoindre le concours de ce sapiteur, expert en valeurs immobilières, ne saurait établir l'incompétence de l'expert, architecte urbaniste, dans sa propre spécialité. Il ne ressort pas enfin des termes du rapport que ce dernier n'aurait pas procédé à une analyse suffisante des différents dires qui lui ont été adressés au cours des opérations. Par suite, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que l'expertise sur laquelle se sont appuyés les premiers juges serait irrégulière.

Sur la responsabilité du département :

3. Il appartient au riverain d'un ouvrage public qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime subir du fait de sa présence ou de son fonctionnement d'établir, d'une part, le lien de causalité entre l'ouvrage et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice.

4. Selon les mesures effectuées par M. B..., en présence des parties, le 30 novembre 2012, le mur en cause a été rehaussé d'un mètre et dix-huit centimètres, alors qu'il était d'une hauteur de trois mètres et soixante-quatre centimètres avant les travaux. Il résulte de son rapport, et notamment du schéma réalisé par l'expert, confirmé par les photographies de la terrasse réalisées dans le cadre de l'expertise, que, compte tenu de la configuration de la maison des époux D... ainsi que de l'exposition au nord de l'arrière de celle-ci, aucune perte d'ensoleillement ne peut être imputée au rehaussement du mur litigieux, lequel n'a par ailleurs conduit qu'à une faible perte de luminosité et de clarté et n'a pas remis en cause le parti architectural dont font état les requérants. Si, en outre, M. et Mme D... se plaignent d'une perte de vue résultant de ce rehaussement, les photographies jointes au rapport, qui permettent une comparaison, révèlent que leur horizon visuel depuis le premier étage et la verrière des combles de la propriété était constitué avant la réalisation des travaux par l'édifice massif et sombre du collège Karl Marx, et que le rehaussement du mur, même assorti de la construction d'un auvent surélevé dans la cour de l'établissement scolaire, n'a pas sensiblement altéré la qualité de la vue dont ils bénéficient depuis leur maison. Il ne saurait être regardé comme certain que le sentiment d'enfermement et d'oppression que les requérants disent ressentir depuis les travaux serait la conséquence directe du rehaussement du mur en fond de parcelle. Enfin, eu égard à l'emplacement de la maison des requérants, dans une zone très urbanisée de Villejuif dont ils soulignent eux-mêmes les nombreux attraits, et aux multiples facteurs susceptibles d'influencer le prix d'un bien immobilier, la perte de valeur vénale alléguée ne peut davantage être regardée comme certaine. Ainsi, les désagréments dont ils font état ne sauraient être regardés comme excédant, par leur gravité ou leur anormalité, les sujétions inhérentes au voisinage d'un équipement public en zone urbaine.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département du Val-de-Marne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les époux D... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme C... G... épouse D... et au département du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme E..., premier conseiller,

Lu en audience publique le 26 mai 2020.

Le rapporteur,

G. E...Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre chargé de la ville et du logement, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°19PA01903

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01903
Date de la décision : 26/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SELARL PHELIP et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-26;19pa01903 ?
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