Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première demande, enregistrée sous le n° 1702533, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, de condamner la commune de Melun à lui verser la somme totale de 691 200 euros en réparation des préjudices financiers subis du fait des travaux de rénovation urbaine du quartier Montaigu, et, à titre subsidiaire, une visite des lieux sur le fondement de l'article R. 622-1 du code de justice administrative. Par une seconde demande enregistrée sous le n°1702541, M. A... C... a demandé au juge des référés de lui allouer une provision.
Par un jugement n° 1702533-1702541 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté ces deux demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 7 septembre 2018 et le
15 novembre 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1702533-1702541 du 13 juillet 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner la commune de Melun à lui payer la somme totale de 691 200 euros en réparation de ses préjudices financiers subis du fait des travaux de rénovation urbaine du quartier Montaigu ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Melun la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la fermeture définitive à la circulation de la rue des Frères Lumière a diminué la visibilité du local commercial dont il est le preneur au titre d'un bail emphytéotique et a entrainé l'insalubrité et l'insécurité des lieux ;
- la responsabilité sans faute de la commune de Melun est engagée en raison des préjudices économiques anormaux et spéciaux subis du fait de cette modification des voies de circulation ;
- il établit avoir réalisé les travaux nécessaires à la remise en état de son local et avoir entrepris, en vain, des démarches pour le proposer à la location après l'expulsion de son dernier locataire ;
- son préjudice est constitué de la perte des loyers estimée à 28 800 euros de 2016 à 2018 et à 590 400 euros pour la période allant de 2019 à 2060.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2019, la commune de Melun, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la rue des Frères Lumières n'a pas été fermée à la circulation mais elle est devenue une impasse ;
- M. C... n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre les travaux d'aménagement litigieux et le préjudice qu'il invoque ;
- les difficultés commerciales des précédents occupants et celles alléguées par M. C... pour récupérer les loyers et louer les locaux avant 2016 sont exclusivement imputables à leurs négligences ;
- le préjudice locatif pour la période 2016-2018 n'est pas justifié ;
- le préjudice futur est hypothétique.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la commune de Melun.
Considérant ce qui suit :
1. A la fin de 2008, la commune de Melun a entrepris de réaménager ses quartiers nord. Le quartier Montaigu a ainsi été réhabilité et, à compter du 1er mars 2012, la rue des Frères Lumière est devenue une impasse quand l'une de ses issues a été définitivement fermée à la circulation. M. C..., preneur à bail emphytéotique d'un immeuble situé au n°2 de cette rue, qui faisait l'objet d'un bail commercial pour l'exploitation d'un commerce d'alimentation générale, relève appel du jugement du 13 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Melun à lui verser la somme de 691 200 euros en réparation des préjudices subis du fait de ces travaux et du changement de configuration des lieux.
2. Les riverains des voies publiques ont la qualité de tiers par rapport aux travaux publics d'aménagement ou de réfection de ces voies. S'ils subissent un dommage à cette occasion, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, même en l'absence de toute faute de sa part, d'en assurer l'indemnisation à la double condition pour le demandeur d'établir, d'une part, le lien de causalité présenté avec les travaux publics litigieux et, d'autre part, le caractère anormal et spécial du préjudice qu'il invoque. En outre, ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics et, en particulier, à ceux des voies publiques. Par ailleurs, les modifications affectant la circulation générale et résultant des changements effectués dans l'assiette ou la direction des voies publiques ne sont, en principe, pas de nature à donner droit au versement d'une indemnité, sauf s'il est porté atteinte aux accès d'un immeuble.
3. Pour rechercher la responsabilité de la ville de Melun, M. C... fait valoir qu'il subit un préjudice financier anormal et spécial, faute d'avoir pu louer de 2016 à 2018 le local sur lequel il détient des droits et en raison de la perte de chance d'exploiter les lieux et de percevoir des loyers afférents jusqu'à la fin du bail emphytéotique dont il est titulaire, le 1er mars 2060. Il soutient que ce préjudice est consécutif aux travaux d'aménagement et de rénovation réalisés rue des Frères Lumière et à sa transformation en impasse.
4. Le local commercial dont dispose M. C..., qui a longtemps abrité une épicerie jusqu'à l'arrêt de son activité avant que ne débutent les travaux litigieux, est dépourvu de caractéristiques particulières. Il se situe dans un quartier d'immeubles d'habitation et la rue des Frères Lumière n'a jamais été ni très passante ni très commerçante. Il résulte notamment des photographies produites, qu'à la suite des travaux litigieux, l'accès à l'établissement commercial a été maintenu, qu'une voie de circulation le dessert, et que des espaces de stationnement ont été créés à proximité du local. Si M. C... fait état de l'insalubrité et de l'insécurité des lieux, celles-ci ne sont pas établies, pas plus qu'un lien entre la dégradation alléguée et la modification des conditions de circulation. Ses affirmations selon lesquelles le ramassage des ordures ménagères ne serait plus assuré depuis que la rue est devenue une impasse ne sont pas justifiées et sont démenties par la commune. Dans ces conditions, la gêne susceptible d'avoir été provoquée par la modification des voies de circulation qui n'excède pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains de la voie publique et qui ne compromet pas l'accès au local commercial, ne peut être regardée comme une gêne anormale.
5. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les difficultés commerciales rencontrées par les exploitants du local commercial sont antérieures à la modification des voies de circulation. Il n'est pas établi, notamment pas les deux témoignages produits dont la force probante est faible, que les difficultés rencontrées pour louer le local à de nouveaux exploitants à compter de 2016 seraient imputables à la transformation en impasse de la rue des Frères Lumière et non à d'autres causes, tenant notamment à l'attractivité commerciale modeste de ce quartier. Enfin, le requérant, dont le préjudice futur est incertain, ne justifie pas de l'impossibilité dans laquelle il se trouverait de louer le local jusqu'en 2060.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder à une visite des lieux, que la responsabilité de la ville de Melun n'est pas engagée. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ville de Melun, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à
M. C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C... la somme de 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à la ville de Melun une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Melun.
Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme B..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 mai 2020.
Le rapporteur,
M-F... B... Le président de la formation de jugement,
Ch. BERNIER
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre chargé de la ville et du logement en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 18PA03022