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25/05/2020 | FRANCE | N°19PA00102

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 25 mai 2020, 19PA00102


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 9 janvier 2019 et le

2 décembre 2019, la société Servidis, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 8 novembre 2018 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société Lidl l'autorisation de créer un magasin alimentaire d'une surface de vente de 991,04 m² au 34 rue de Reuilly à Paris-XII ème arrondissement ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'arti

cle

L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Servidis soutient que :

- l'avis d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 9 janvier 2019 et le

2 décembre 2019, la société Servidis, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 8 novembre 2018 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société Lidl l'autorisation de créer un magasin alimentaire d'une surface de vente de 991,04 m² au 34 rue de Reuilly à Paris-XII ème arrondissement ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Servidis soutient que :

- l'avis du ministre en charge du développement durable requis par l'article R. 752-36 du

code de commerce est irrégulier, en l'absence de délégation de signature précise, l'avis du ministre en charge de l'économie n'étant pas signé ;

- le projet était soumis à l'obtention d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale et non pas à une déclaration préalable ;

- le dossier est incomplet s'agissant de l'évolution démographique de la zone de chalandise

mentionnée à l'article R. 752-6 du code de commerce ;

- la commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation

au regard des critères mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce, compte tenu des effets du projet sur l'aménagement du territoire, sur le développement durable et la protection des consommateurs et sa contribution en matière sociale ;

- le pétitionnaire entend ouvrir un commerce de taille plus importante.

La commission nationale d'aménagement commercial a produit des pièces enregistrées le

26 mars 2019.

Par des mémoires en défense enregistrés le 18 juin 2019 et le 27 février 2020, la société Lidl, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Servidis de la somme de 10 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Lidl soutient que :

- le moyen tiré de l'absence de permis de construire est inopérant ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier. Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain ;

- le n°2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du

Gouvernement ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables

devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. I... ;

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public ;

- et les observations de Me G... pour la société Servidis et de Me H... pour la société Lidl.

Une note en délibéré présentée pour la société Servidis a été enregistrée le 6 mars 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société Lidl a déposé le 7 mai 2018 devant la commission départementale d'aménagement commercial de Paris une demande d'autorisation de création d'un magasin alimentaire d'une surface de vente de 991,04 m² au 34 rue de Reuilly, à Paris dans le XIIème arrondissement, conformément à l'article 59 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain. À la suite du rejet de cette demande par délibération de la commission départementale du 29 juin 2018 formalisée le 3 juillet 2018, elle a saisi le 3 août 2018 la commission nationale d'aménagement commercial, qui, par une décision du

8 novembre 2018, a accordé l'autorisation demandée. La société Servidis, qui exploite un magasin à

l'enseigne " Super U " situé dans la zone de chalandise du projet, demande à la Cour d'annuler cette décision.

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne la régularité des avis préalables :

2. Aux termes de l'article R. 752-36 du code de commerce " (...) Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce (...) ".

3. D'une part, l'avis du ministre chargé de l'urbanisme du 7 novembre 2018 est signé par Mme C... F..., adjointe à la sous-directrice de la qualité du cadre de vie, bénéficiaire d'une délégation de signature dans la limite des attributions de la sous-direction de la qualité du cadre de vie, à l'effet de signer, au nom du ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de la cohésion des territoires, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, accordée par une décision du directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages du 20 décembre 2017. La société Servidis n'apporte aucune précision à l'appui de son moyen tiré de ce que cette délégation serait trop étendue et imprécise.

4. D'autre part, l'avis du ministre chargé du commerce du 31 octobre 2018 est signé par M. D... B..., adjoint au chef du service tourisme, commerce, artisanat et services de la direction générale des entreprises, bénéficiaire d'une délégation de signature à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, marchés ou conventions, dans la limite des attributions de ce service, accordée par un arrêté du directeur général des entreprises du 27 août 2018.

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que le moyen tiré de ce que les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce ne seraient pas signés par une personne bénéficiant d'une délégation de signature régulière doit être écarté.

En ce qui concerne la composition du dossier :

6. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : (...)

2° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet : / a) Une carte ou un plan indiquant les limites de la zone de chalandise, accompagné :/ - des éléments

justifiant la délimitation de la zone de chalandise ; / - de la population de chaque commune ou partie de commune comprise dans cette zone, de la population totale de cette zone et de son

évolution entre le dernier recensement authentifié par décret et le recensement authentifié par décret dix ans auparavant (...) ".

7. La société Servidis soutient que le dossier est incomplet s'agissant de l'évolution démographique de la zone de chalandise. Il ressort du dossier de demande d'autorisation que la société Lidl a mentionné la population légale authentifiée par décret selon les recensements généraux de la zone de chalandise, soit 156 570 habitants au 1er janvier 1999, 159 594 habitants en

2006 et 163 404 habitants en 2014. Si elle a ensuite fait état de la croissance de la population de la

zone de chalandise entre 1999 et 2014, inférieure de cinq points à celle de la France métropolitaine, elle a également présenté un tableau de l'évolution de la population des 78 quartiers de cette zone, en mentionnant les résultats des années 1999, 2006 et 2014, et les évolutions de la population au sein de chacune des sous-périodes. Pour contester ces éléments, la société Servidis se borne à soutenir que le recensement pour l'année 2016 aurait été accessible depuis le 1er janvier 2018 et révélait que la population du XIIème arrondissement entre 2006 et 2016 avait en réalité diminué de

141 519 à 141 494 habitants. Outre qu'elle ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations relatives à l'accessibilité des résultats de ce recensement lors de l'établissement du dossier de demande, les éléments relatifs à la population de l'arrondissement dans son ensemble sont insusceptibles d'établir que la population retenue par la société Lidl au titre de la zone de chalandise et les chiffres de l'évolution de cette population serait entachée d'erreurs de nature à avoir eu une influence sur la décision de la commission nationale d'aménagement commercial. Par ailleurs, la circonstance que le dossier ne mentionnerait pas la population de la commune de Paris et notamment des arrondissements inclus dans la zone de chalandise, cette circonstance, compte tenu des caractéristiques et de l'importance du projet, s'agissant en particulier de son attractivité potentielle, n'a eu aucune influence sur la décision attaquée.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur de droit :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la commission nationale d'aménagement commercial (...) ". Aux termes de l'article R. 421-17 du même code, " Doivent être précédés d'une déclaration préalable (...) les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : / a) Les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant, à l'exception des travaux de ravalement (...) / f) Les travaux qui ont pour effet la création soit d'une emprise au sol, soit d'une surface de plancher supérieure à cinq mètres carrés et qui répondent aux critères cumulatifs suivants : / - une emprise au sol créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; / - une surface de

plancher créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés. Ces seuils sont portés à quarante mètres carrés pour les projets situés en zone urbaine d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, à l'exclusion de ceux impliquant la création d'au moins vingt mètres carrés et d'au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d'emprise au sol lorsque cette création conduit au dépassement de l'un des seuils fixés à l'article R. 431-2 du présent code ".

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " (...) II. Lorsque la réalisation du projet ne nécessite pas de permis de construire, les personnes mentionnées au premier alinéa du I peuvent, dans un délai d'un mois, introduire un recours contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial. La Commission nationale d'aménagement commercial rend une décision qui se substitue à celle de la commission départementale (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la société Lidl a déclaré des travaux pour la modification de la devanture d'un commerce en vue de l'implantation d'un supermarché alimentaire avec modification des liaisons verticales, comportant la création de 18 m² de surface de plancher, travaux auxquels la maire de Paris ne s'est pas opposée par un arrêté du 6 décembre 2017. La société Servidis soutient que le projet était soumis à l'obtention d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale et non pas à une déclaration préalable.

11. En premier lieu, la société Servidis soutient que le projet prévoit la fermeture de l'espace correspondant à l'entrée du magasin située rue de Reuilly, qui, dans le cadre du bâtiment existant, n'était pas un espace clos et couvert, créant ainsi 54 m² de surface de plancher. Il ressort toutefois des plans joints au dossier de demande et du descriptif architectural du projet que le projet prévoit seulement, en ce qui concerne les façades principales sur la rue de Reuilly, la création d'une façade vitrée au niveau de l'entrée du commerce, le sas existant, situé à l'arrivée de l'emmarchement, conservant sa configuration d'espace couvert non clos et le palier couvert restant le point d'arrivée de l'emmarchement existant, alors que la façade vitrée créée se situe en retrait de l'alignement sur rue et que le palier restera ouvert sur la rue, en étant vitré sur trois de ces côtés. Les extraits de plans produits par la requérante ne contredisent pas ces éléments, qui sont confirmés par les croquis du projet produits dans le dossier. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société Servidis, qui ne conteste par ailleurs pas l'exactitude des mentions portées sur le plan du futur rez-de-chaussée relative aux surfaces de planchers en ce qui concerne l'entrée du bâtiment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet emporterait la création de 54 m² de surface de plancher et modifierait la volumétrie existante du bâtiment en augmentant son enveloppe.

12. En second lieu, à supposer même que la surface de plancher créée du fait de la suppression de la trémie de l'escalier reliant le rez-de-chaussée au sous-sol soit de 21 m² et non de

18 m² ainsi que déclaré par la société Lidl, cette seule circonstance n'a pas pour effet de soumettre le projet à l'obtention d'un permis de construire, dès lors qu'en application des dispositions précitées

de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, le seuil de soumission au permis de construire est en l'espèce de 40 m², le projet étant situé en zone urbaine du plan local d'urbanisme de la Ville de Paris

et la création de 21 m² de surface de plancher ne conduisant pas au dépassement du seuil de 150 m² fixé à l'article R. 431-2 du même code, le bâtiment existant dépassant déjà ce seuil.

13. Il résulte de ce qui précède que le projet de la société Lidl relevait de la déclaration préalable. Contrairement à ce que soutient la société Servidis, la commission nationale d'aménagement commercial n'a dès lors pas commis d'erreur de droit en prenant une décision et non pas en émettant un simple avis.

En ce qui concerne l'appréciation de la commission nationale d'aménagement commercial :

14. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, " I. (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine (...) / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : (...)/ b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : (...) / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production (...) ". Aux termes de l'article L. 752-17 du même code, la commission nationale d'aménagement commercial " émet un avis ou rend une décision sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6. Cet avis ou cette décision se substitue à celui de la commission départementale (...) ".

15. Pour accorder à la société Lidl l'autorisation demandée, la commission nationale d'aménagement commercial a estimé que le projet réinvestit un bâtiment commercial vacant sans création de parc de stationnement, que son implantation est cohérence avec le développement démographique de la zone de chalandise et de la Ville de Paris et qu'il participera à la redynamisation d'un quartier très urbanisé sans pour autant consommer du foncier supplémentaire. Elle a également estimé que le projet bénéficie d'une très bonne accessibilité routière, piétonne et cycliste et est desservi par les transports en commun, qu'il n'est pas de nature à engendrer des flux de véhicules supplémentaires au regard de l'activité précédemment exercée, qu'il devrait essentiellement bénéficier d'une clientèle piétonnière et dispose d'une aire de livraison en sous-sol. Elle a enfin estimé que le bâtiment bénéficiera d'une amélioration de sa performance énergétique et prévoit des dispositions d'économie d'énergie et que l'insertion architecturale sera améliorée par rapport à l'existant.

- Quant aux critères d'aménagement du territoire et de protection des consommateurs :

16. En premier lieu, la société Servidis se prévaut de la densité commerciale à l'échelle de la Ville de Paris, du quartier et de la zone de chalandise, notamment en ce qui concerne les supermarchés à prédominance alimentaire de taille équivalente. Toutefois, la densité en équipements commerciaux ne constitue pas un critère que la commission nationale d'aménagement commercial doit prendre en considération.

17. En deuxième lieu, la société Servidis soutient que la commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur de fait et d'appréciation en estimant que l'implantation du projet est cohérente avec le développement démographique de la zone de chalandise et de la Ville de Paris, dès lors que la population de Paris et du XIIème arrondissement a

diminué entre 2010 et 2015. Toutefois, compte tenu par ailleurs de ce qui a été dit précédemment s'agissant de la composition du dossier, en se bornant à faire état des éléments dont elle se prévaut, et alors qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que des opérations de réhabilitation urbaine à proximité du projet, notamment sur le site de la caserne de Reuilly, prévoient la construction de nombreux nouveaux logements, la société Servidis n'apporte aucun élément pertinent à l'appui de ses allégations selon lesquelles la commission nationale d'aménagement commercial aurait commis une erreur de fait en estimant l'implantation du projet cohérente avec la population, le légalité d'une décision d'autorisation n'étant au demeurant pas subordonnée à une corrélation avec l'augmentation de la population. Le moyen tiré de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation qui auraient été commises au regard du critère de la localisation du projet doit ainsi être écarté.

18. En troisième lieu, la société Servidis soutient que le projet engendrera des destructions de commerce, porteuses d'un risque de développement d'une mono-activité de commerces alimentaires de taille importante et de friches commerciales, et portera ainsi atteinte à l'animation de la vie urbaine et à la préservation du centre-ville. Elle n'apporte toutefois aucun élément à l'appui de ses allégations, en se bornant à se prévaloir du constat de la densité des commerces alimentaires existants, de l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial infirmé par la décision attaquée et du rapport d'instruction de la direction régionale et interdépartementale d'équipement et d'aménagement devant cette commission, qui fait état d'un risque d'atteinte à certains commerces de proximité et de stands du marché hebdomadaire, sans qu'aucun élément probant du dossier ne vienne étayer l'existence d'un tel risque, alors que le projet s'inscrit dans des locaux commerciaux inoccupés et que le rapport dont se prévaut la requérante relève également que la vacance commerciale existante dans le secteur est défavorable à l'animation urbaine du quartier. En outre, contrairement à ce que soutient la société Servidis, en se fondant sur le rapport précité, l'avis de membres de la commission départementale d'aménagement commercial et l'avis du ministre en charge de l'urbanisme, les atteintes précitées ne sauraient résulter de la seule circonstance que le projet prévoit un commerce alimentaire, en concurrence avec d'autres commerces du même type déjà existants ou futurs et non pas complémentaires avec ces commerces. Enfin, la seule circonstance que le quartier Daumesnil/Montgallet fait l'objet d'un contrat de revitalisation artisanale et commerciale, qui ne fait d'ailleurs pas par principe obstacle à l'implantation d'un supermarché alimentaire et ne constitue pas à lui seul un élément sur lequel la commission nationale d'aménagement commercial aurait pu se fonder pour refuser d'autoriser le projet en litige, ne saurait établir que ce projet porterait atteinte à l'animation de la vie urbaine et à la préservation du centre urbain. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission nationale d'aménagement commercial aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet ne portait pas atteinte à l'animation et à la préservation de la vie urbaine.

19. En quatrième lieu, la société Servidis soutient que les modalités envisagées pour les livraisons par le sous-sol du parc public de stationnement souterrain Reuilly-Diderot dans le dossier de demande d'autorisation sont erronées, dès lors que la dalle de soutènement de ce parc ne permet pas de supporter le poids des véhicules de livraison. Elle n'apporte toutefois aucun élément à l'appui de ses allégations permettant d'établir la faiblesse structurelle de la dalle de soutènement. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les livraisons devront s'effectuer par la rue de Reuilly et impacteraient significativement la circulation dans le secteur. À cet égard, la requérante ne peut utilement se prévaloir de l'utilisation du domaine public que ferait la société Lidl au profit d'autres magasins situés à Paris, circonstance qui est sans incidence sur les modalités de livraison prévues en l'espèce.

20. Par ailleurs, la société Servidis, en se fondant sur l'avis du ministre en charge de l'urbanisme, soutient que la société Lidl a prévu d'élargir la voie d'accès à l'aire de stationnement en sous-sol afin de permettre le passage des camions de livraisons, sans que le dossier ne prévoit la réalisation de ces aménagements avant l'ouverture du magasin. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet, qui prévoit l'utilisation d'une aire de livraison existante située en sous-sol d'un parc public de stationnement souterrain, nécessiterait la réalisation d'aménagements préalables de ce parc, contrairement à ce qu'a relevé dans son avis le ministre en charge de l'urbanisme. Si la société Servidis se prévaut également " d'un risque accidentogène ", en se bornant à se référer à cet avis qui n'est pas étayé sur ce point, elle n'apporte devant la Cour aucun élément de nature à établir l'existence d'un risque de nature à faire obstacle à la délivrance de l'autorisation sollicitée par la société Lidl.

21. En cinquième lieu, la société Servidis soutient le projet n'est pas accessible par des pistes cyclables sécurisée. Compte tenu de la multiplicité des moyens d'accès à l'établissement projeté par les transports collectifs et de l'existence de pistes cyclables à proximité, ce moyen n'est toutefois pas sérieux, les objectifs fixés par le législateur n'exigeant aucunement qu'un projet en zone urbaine ne puisse être autorisé qu'en présence de pistes cyclables sécurisées. Par ailleurs, si la société Servidis soutient que le projet n'est pas accessible aux personnes à mobilité réduite, ce projet prévoit l'installation d'un monte-personne accessible aux personnes à mobilité réduite à proximité de l'escalier d'accès au magasin. Le moyen manque ainsi en fait.

22. Compte tenu de ce qui précède, alors qu'en outre le projet, qui s'inscrit dans un bâtiment existant, ne prévoit pas de consommation d'espace, notamment en termes de stationnement, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission nationale d'aménagement commercial aurait commis une erreur d'appréciation en autorisant ce projet, au regard des critères d'aménagement du territoire et de protection des consommateurs.

- Quant au critère de développement durable :

23. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet, qui s'inscrit dans le cadre d'un bâtiment existant, prévoit, en sus de la création de surfaces vitrées notamment à l'entrée du local, la modification de l'aspect extérieur par l'habillage des façades du rez-de-chaussée avec un bardage et des menuiseries en aluminium de teinte gris anthracite, une résille en tôle métallique étant positionnée sur les façades commerciales autour de l'entrée. Il ne ressort pas des documents graphiques joints au dossier, alors que par ailleurs la maire de Paris ne s'est pas opposée à la déclaration de travaux déposée par la société Lidl au vu des dispositions du plan local d'urbanisme relative à l'aspect extérieur des bâtiments, que l'insertion architecturale du projet ferait défaut. Ainsi que l'a relevé la commission nationale d'aménagement commercial, compte tenu de son aspect existant, le projet améliorera au contraire l'insertion architecturale du bâtiment dans son environnement. A cet égard, la société Servidis n'apporte aucun élément de nature à démontrer un défaut d'insertion, en se bornant à se prévaloir du rapport d'instruction devant la commission départementale d'aménagement commercial et des propos d'un membre de cette commission, qui ne démontrent aucunement un défaut d'insertion.

24. En second lieu, la société Servidis soutient que le projet est susceptible d'augmenter les nuisances sonores du fait des livraisons. Toutefois, outre qu'elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses affirmations selon lesquelles les dispositions prévues en la matière dans le dossier de

demande déposée par la société Lidl seraient erronées, elle n'apporte pas plus d'éléments de nature à établir que le projet, situé en zone urbaine, serait susceptible de générer des nuisances sonores telles qu'elles auraient justifié un refus de la commission nationale d'aménagement commercial.

25. Il résulte de ce qui précède, compte tenu par ailleurs de l'amélioration de la performance énergétique du bâtiment induite par le projet, qui prévoit également des dispositions en matière d'économie d'énergie, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission nationale d'aménagement commercial aurait commis une erreur d'appréciation, en estimant que le projet ne portait pas atteinte à l'objectif de développement durable.

- Quant au critère de contribution en matière sociale :

26. Il résulte des termes mêmes des dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de commerce que la prise en considération des effets du projet en matière sociale est une simple possibilité pour la commission nationale d'aménagement commercial à titre accessoire. Dès lors que la commission n'a en l'espèce pas pris en considération ce critère pour justifier sa décision favorable, la critique de la société Servidis selon laquelle la déclaration de la société Lidl relatives à la création de cinquante emplois serait erronée, à la supposer même établie, est ainsi sans portée.

- Quant à l'appréciation globale portée sur le projet par la commission nationale d'aménagement commercial :

27. À supposer même que la société Lidl ait l'intention de procéder à terme à l'extension de la surface de vente au sein du bâtiment, une telle extension, qui sera alors soumise à une décision ou un avis de la commission nationale d'aménagement commercial, est sans incidence sur l'appréciation que la commission, qui ne pouvait légalement se fonder sur des considérations hypothétiques futures pour prendre une décision de refus, devait porter sur le seul projet qui lui était soumis. Par suite, la commission ayant statué au vu de l'ampleur réelle du projet tel qu'il lui était soumis, la société Servidis ne peut utilement soutenir qu'un projet de plus de 2 500 m² porterait atteinte aux objectifs fixés par le législateur en matière d'aménagement du territoire. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation que la commission nationale d'aménagement commercial aurait commise, en n'instruisant pas le projet au regard de ses conséquences globales sur les critères mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce, doit ainsi être écarté.

28. Il résulte de tout ce qui précède que la société Servidis n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 8 novembre 2018 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société Lidl l'autorisation de créer un magasin alimentaire d'une surface de vente de 991,04 m² au 34 rue de Reuilly à Paris, dans le XIIème arrondissement. Ses conclusions à fin d'annulation doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

29. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

30. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Servidis demande au titre des frais qu'elle a exposés. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Servidis, qui est la partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais que la société Lidl a exposés.

DÉCIDE : Article 1er : La requête de la société Servidis est rejetée.

Article 2 : La société Servidis versera à la société Lidl la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me A..., représentant la société Servidis, à Me E..., représentant la société Lidl et à la commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (premier alinéa) et R. 222-6 (premier alinéa) du code de justice administrative,

- M. Legeai, premier conseiller,

- M. I..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 25 mai 2020.

Le président de la formation de jugement,

S. DIÉMERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00102
Date de la décision : 25/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Règles de fond.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : CGCB ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-25;19pa00102 ?
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