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14/05/2020 | FRANCE | N°19PA01889

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 14 mai 2020, 19PA01889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 avril 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1907084/8 du 27 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 9 avril 2019, lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de M. B... dans un délai d'un

mois à compter de la date de notification du jugement et a rejeté le surplus des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 avril 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1907084/8 du 27 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 9 avril 2019, lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 11 et 27 juin 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1907084/8 du 27 avril 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a fait droit au moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. B... ;

- les autres moyens de première instance ne sont pas fondés.

La requête du préfet de police a été communiquée à M. B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant application des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né en juin 1990, est entré en France en octobre 2017 selon ses déclarations. A la suite de son interpellation lors d'un contrôle d'identité, le préfet de police l'a, par un arrêté du 9 avril 2019, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de renvoi et l'a placé en rétention administrative. Le préfet de police fait appel du jugement n° 1907084/8 du 27 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. Pour annuler l'arrêté du 9 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a retenu qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le préfet aurait procédé à un examen attentif et personnalisé de la situation de M. B..., en particulier au regard du fait qu'il est marié à une compatriote avec laquelle il a eu un enfant né en France et qui est enceinte d'un deuxième enfant.

3. Toutefois, l'arrêté attaqué indique que M. B... " se déclare être marié avec un enfant à charge ". En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait indiqué lors de son audition que son épouse était enceinte d'un deuxième enfant. Dès lors, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a jugé que sa décision portant obligation de quitter le territoire était entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. B... et a également annulé, par voie de conséquence, les décisions refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... en première instance :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'arrêté :

5. L'arrêté attaqué a été signé par Mme D... A..., attachée d'administration, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de police, consentie par l'article 16 de l'arrêté n° 2019-00250 du 21 mars 2019 régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 29 mars 2019. Cet article précise que la délégation est consentie en cas d'absence ou d'empêchement de Mme F... C..., chef du 8ème bureau, sous l'autorité de laquelle Mme A... est placée et dans la limite des attributions de celles-ci, lesquelles sont définies par l'arrêté préfectoral n° 2018-00694 du 23 octobre 2018 relatif aux missions et à l'organisation de la direction de la police nationale, visé dans l'arrêté de délégation de signature et régulièrement publié, et concernent, aux termes de l'article 10 de cet arrêté, les " mesures d'éloignement des étrangers et de toutes décisions prises pour leur exécution ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué pour lui refuser un délai de départ volontaire et fixer le pays de renvoi manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, notamment l'article L. 511-1 I 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et énonce que M. B... ne peut justifier être entré régulièrement en France et est dépourvu de titre de séjour en cours de validité. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui fondent l'obligation de quitter le territoire français et est suffisamment motivé.

7. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

8. M. B... soutient séjourner en France depuis le 4 octobre 2017 et y avoir établi le centre de ses intérêts privés et familiaux dès lors qu'il vit avec son épouse avec laquelle il a eu un premier enfant né à Montreuil en février 2018 et qui serait enceinte de leur second enfant. Toutefois, M. B..., qui a vécu hors de France au moins jusqu'à l'âge de 27 ans, dont l'épouse et l'enfant sont également de nationalité algérienne, n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine alors qu'il ne démontre pas son insertion sociale et professionnelle en France, son épouse étant également dépourvue de titre de séjour et la famille prise en charge par le Samu social. Par suite, le préfet n'a pas, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du droit à un titre de séjour que confèrerait à l'intéressé les stipulations de l'article 6 paragraphe 5 de l'accord franco-algérien ne peut qu'être écarté.

9. En troisième lieu, le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. L'épouse de M. B... étant en situation irrégulière en France et leur fils, âgé d'un an à la date de la décision litigieuse, étant de nationalité algérienne comme ses parents, rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale se poursuive en Algérie. Le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

11. En quatrième lieu, dans les circonstances précédemment décrites, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

En ce qui concerne la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

12. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ".

13. En premier lieu, l'arrêté litigieux, qui vise les textes applicables et notamment le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, énonce qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dès lors qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, que, ne pouvant justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale, il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, enfin qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. Par suite, l'arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui fondent la décision de refuser à M. B... un délai de départ volontaire et est suffisamment motivé. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. B... avant de prendre cette décision.

14. En second lieu, si M. B... a donné lors de son audition une adresse précise à Rosny-sous-Bois, qui est celle de l'hôtel dans lequel il est hébergé par le Samu social, il est constant qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et était dépourvu lors de son interpellation de tout document d'identité. Dans ces conditions, le préfet de police a, en tout état de cause, pu légalement considérer qu'il existait un risque que M. B..., qui avait au demeurant déclaré lors de son audition devant les services de police le 9 avril 2019 ne pas envisager retourner en Algérie, ne se conforme pas à l'obligation de quitter le territoire français en litige. Par suite, le préfet de police a fait une exacte application des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

15. En premier lieu, l'arrêté vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, dans son article 3, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il énonce, dans ses motifs, que M. B..., de nationalité algérienne, n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. La décision fixant le pays de renvoi, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fondent, est ainsi suffisamment motivée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. B... avant de prendre cette décision.

16. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

17. En troisième lieu, si M. B... soutient que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, il n'assortit pas ce moyen des précisions nécessaires pour qu'en soit apprécié le bien-fondé.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 avril 2019 et lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1907084/8 du 27 avril 2019 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Paris sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. G... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme H..., présidente de chambre,

- M. E..., premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mai 2020.

La présidente de la 1ère chambre,

S. H...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA01889 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01889
Date de la décision : 14/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-14;19pa01889 ?
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