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13/05/2020 | FRANCE | N°19PA00985

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 13 mai 2020, 19PA00985


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013

Par un jugement n° 1711613/1-3 du 15 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 mars et 16 juillet 2019 M. C..., représenté par Me A... B..., demande à la

Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1711613/1-3 du 15 janvier 2019 du Tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013

Par un jugement n° 1711613/1-3 du 15 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 mars et 16 juillet 2019 M. C..., représenté par Me A... B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1711613/1-3 du 15 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal, et subsidiairement de ne maintenir les impositions contestées qu'à hauteur d'un montant correspondant à un chiffre d'affaires total TTC reconstitué pour les exercices 2012 et 2013 n'excédant pas respectivement, 1 121 909 euros et 1 246 566 euros.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il supportait la charge de prouver le caractère exagéré des impositions litigieuses, eu égard à l'indépendance des procédures ;

- la reconstitution des recettes de la société l'Entrepot's, opérée par le vérificateur, aboutit à une exagération des résultats pour les exercices 2012 et 2013 ; la méthode de reconstitution appliquée est trop aléatoire, trop sommaire et viciée ; il propose deux méthodes alternatives permettant de déterminer le plafond de recettes au-delà duquel le chiffre d'affaires serait irréalisable ;

- à compter du décès du gérant de la société, il n'avait plus qualité pour représenter

celle-ci et, par suite, la désignation des bénéficiaires des distributions à laquelle il a procédé en réponse à la proposition de rectification adressée à la société est dépourvue de valeur probante et inexistante ;

- il n'a pas appréhendé les sommes considérées comme des distributions faites à son profit par la SARL L'Entrepot's.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

En application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative la clôture d'instruction a été fixée au 10 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) l'Entrepot's, dont M. C... est associé et a été directeur salarié, exerce une activité de débit de boissons et de restauration traditionnelle et a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2011 au

31 décembre 2013. Les rehaussements de résultats effectués par le vérificateur ont été considérés comme des revenus distribués. L'administration a invité la SARL l'Entrepot's, en application des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, à lui faire connaître l'identité et l'adresse des bénéficiaires. M. C... a signé le courrier de la société le désignant, au même titre que les autres associés, comme bénéficiaire des revenus distribués, chacun à hauteur des parts détenues. Ces revenus ont été imposés au titre des années 2012 et 2013, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en application de l'article 109 I-1° du code général des impôts. M. C..., après avoir demandé en vain au Tribunal administratif de Paris de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 2012 et 2013, relève appel du jugement n° 1711613/1-3 du 15 janvier 2019 de ce tribunal rejetant sa demande.

Sur la charge de la preuve :

2. M. C... s'est vu assigner des suppléments d'impôt sur le revenu à raison, au titre des années 2012 et 2013, de distributions occultes opérées par la SARL L'Entrepot's dont il était associé à hauteur de 30 %. Il résulte de l'instruction que M. C... n'a pas accepté les redressements découlant du rattachement à son revenu global, à concurrence de 30 % de leur montant, des rehaussements des bénéfices de la SARL, regardés comme distribués, et n'a admis ni l'existence, ni le montant des recettes dissimulées par la société, ni la réalité de la distribution. Dans ces conditions, et sans qu'il importe que, dans le cadre de la procédure d'imposition distincte menée à l'encontre de ladite société, celle-ci ait supporté la charge de démontrer le caractère exagéré des rehaussements de recettes qui lui ont été notifiés, c'est à l'administration, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, qu'il incombe, dans la procédure indépendante concernant M. C..., de prouver, d'une part, l'existence des bénéfices qui auraient été distribués à ce dernier par la société, et, d'autre part, le montant des sommes qui auraient été attribuées à cet associé personnellement.

Sur la reconstitution des recettes de la SARL L'Entrepot's :

3. Il résulte de l'instruction que de nombreuses irrégularités et anomalies ont été constatées lors du contrôle de la SARL L'Entrepot's, qui utilisait une caisse enregistreuse fonctionnant sous un logiciel dit " permissif ", autorisant notamment la modification ou l'annulation des ventes, la modification du mode de règlement, du nombre des couverts ou des offerts ainsi que la correction des encaissements en fin de journée, ne disposait pas de tickets de caisse numérotés, et n'a pu présenter les tickets de caisse des mois de janvier à avril 2012, de septembre à décembre 2012, et pour toute l'année 2013. Par ailleurs, les tickets de caisse présentés ne comportaient pas le détail des produits vendus, les ventes à emporter et les ventes de boissons consommées en dehors des repas au bar, en terrasse et en salle, n'étaient ni comptabilisées, ni déclarées, et les ventes de cette nature n'apparaissaient ni sur les tickets de caisse, ni sur les tickets récapitulatifs journaliers des bandes enregistreuses de caisse, la mémoire interne de la caisse enregistreuse ayant été effacée et aucune sauvegarde externe des données n'ayant été effectuée, les inventaires matériels des stocks n'ayant, quant à eux, pas été présentés. De plus, un procès-verbal dressé par l'inspection du travail le 25 novembre 2013 relève que la société, qui ne tenait aucun registre du personnel, employait deux salariés, qu'elle rémunérait en espèces et pour lesquels elle n'avait souscrit aucune déclaration préalable à l'embauche et ne délivrait aucun bulletin de salaire. Par ailleurs, le vérificateur a constaté que le solde du compte de caisse (n° 531000) était anormalement élevé puisqu'il correspondait à environ trois mois de recettes. Il a considéré, eu égard à l'ensemble de ces éléments, que la comptabilité présentée était irrégulière et dépourvue de valeur probante, ce qui n'est au demeurant pas contesté, et a dû procéder à la reconstitution des recettes de la société sur les exercices 2012 et 2013.

4. Pour reconstituer le chiffre d'affaires réalisé par la SARL l'Entrepot's, le service vérificateur s'est appuyé sur la comptabilité-matière. Pour ce faire, il a examiné l'intégralité des factures d'achat des exercices contrôlés. Il a ensuite déterminé, à partir des achats non corrigés de la variation des stocks, en l'absence de présentation des inventaires, le nombre de consommations revendues par type de boisson servie, en fonction du contenant unitaire de chacun d'elle. Il a écarté les jus de fruit en bouteilles d'un litre, les crèmes de cassis, mûre et sirops, également utilisés pour la préparation de cocktails et a appliqué un abattement de 15 % sur la totalité des achats, au stade de la réponse aux observations du contribuable, afin de tenir compte des pertes, vols, offerts, prix réduits, coulage et consommation du personnel.

5. Il a appliqué à ces volumes, pour la salle, les tarifs pratiqués lors de l'exercice 2011 et pour la terrasse, les tarifs relevés en 2014, en relevant que les tarifs avaient peu varié entre 2011 et 2014 et en retenant des prix favorables à l'entreprise pour les champagnes, whiskys et vins servis au pichet. Il a, pour tenir compte de la différence entre les prix au comptoir et en terrasse, déterminé un ratio de 6,88 % de consommation au bar et de 93,12 % en terrasse. Le prix moyen de chaque boisson ainsi déterminé a été multiplié par le nombre net de consommation. Le vérificateur y a ensuite appliqué le taux de taxe sur la valeur ajoutée en vigueur pour chaque année et pour chaque catégorie de boisson.

6. Pour déterminer la recette totale, il s'est ensuite appuyé sur le dépouillement des tickets Z de la période comprise entre le 1er janvier 2015 et le 16 février 2015, obtenus auprès de la société requérante, et après que celle-ci eut paramétré sa caisse de manière à ce que le service puisse connaître la répartition des recettes entre bar et terrasse. Il a ainsi déterminé, pour les exercices en litige, le rapport existant entre les recettes des boissons et les recettes totales à partir des données de l'entreprise. Ce coefficient, établi à 2,157 a permis de déterminer le chiffre d'affaires total au titre des années en litige.

7. La méthode susdécrite, fondée sur des données propres de l'entreprise, n'apparaît ni trop sommaire, ni radicalement viciée et a permis, nonobstant le fait qu'elle a pour partie reposé sur l'extrapolation des données obtenues par le dépouillement des tickets Z du mois de janvier 2015, de reconstituer valablement le chiffre d'affaires réalisé en 2012 et 2013 par la société, en l'absence d'éléments attestant que ses conditions d'exploitation auraient entre-temps sensiblement changé.

8. En effet, si devant la Cour M. C... soutient que deux méthodes alternatives de reconstitution des recettes, respectivement fondées sur la détermination d'une recette moyenne quotidienne et sur la capacité maximale du bar-restaurant, permettent de définir le chiffre d'affaires maximal susceptible, selon lui, d'avoir été réalisé au cours des années 2012 et 2013, ces méthodes ne sont pas plus pertinentes et fiables que celle appliquée par l'administration.

9. La première méthode repose sur le chiffre d'affaires moyen établi, non plus comme proposé en première instance, sur le mois de janvier 2015, mais sur les ventes issues des bandes enregistreuses de caisse d'avril 2015, et la multiplication de ce chiffre d'affaires journalier moyen de 4 050 euros par le nombre de jours d'activité du restaurant qui, selon le requérant, serait de 301 jours. Toutefois, le nombre de jours d'ouverture du restaurant, retenu pour le mois d'avril 2015, non plus que celui de 301 jours par an, ne peuvent être tenus pour exacts, alors que l'établissement n'a pas toujours fermé le dimanche sur les années postérieures à 2013 et a même fonctionné sept jours sur sept au cours de l'année 2017. Par ailleurs, le caractère exhaustif du récapitulatif des recettes produit par le requérant ne peut être tenu pour avéré.

10. L'autre méthode proposée repose sur la capacité maximale du restaurant, évaluée par le requérant à 88 places, sur une consommation moyenne par client de 26 euros, sur un taux de remplissage de 100 %, à raison de deux services de repas par jour. Cette méthode aboutit, selon le requérant à la détermination d'un chiffre d'affaires qui serait le chiffre d'affaires maximum susceptible d'avoir été réalisé par la société. Toutefois, ce calcul est fondé, d'une part, sur un nombre de jours de fermeture dont la réalité n'est pas démontrée, en l'absence notamment des plannings hebdomadaires et journaliers des salariés, d'autre part, sur un prix moyen du repas dont la fiabilité est discutable, et enfin, sur un nombre maximum de 88 places assises non justifié, alors que le représentant de la société, lors du contrôle, a indiqué que l'établissement comptait 55 places assises à l'intérieur et 36 places en terrasse protégée, soit 91 places, sans même tenir compte de la salle aménagée en sous-sol permettant de recevoir de la clientèle pour des concerts ou des fêtes.

11. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de la minoration, à hauteur de 634 210 euros et 579 487 euros, des résultats de la société L'Entrepot's au titre des années 2012 et 2013.

Sur l'appréhension des revenus réputés distribués :

12. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts: " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale... celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution ".

13. M. C... conteste les redressements effectués au titre de ses revenus des années 2002 et 2013 à raison de bénéfices réputés distribués. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la rectification des bénéfices de la société L'Entrepôts's, l'administration a, par application du texte précité, demandé à la société de désigner les bénéficiaires des revenus distribués. Par lettre du

18 mai 2015, la société a répondu à cette demande en désignant comme bénéficiaires ses trois associés, dont M. C... détenteur de 30 % des parts. Ce courrier est signé par M. C..., pour le gérant de la société et en qualité d'associé mandaté par ce dernier pour représenter celle-ci. Contrairement à ce que soutient le requérant, le mandat qui lui avait été donné par M. F..., en sa qualité de gérant de la société pour représenter celle-ci à l'égard de l'administration fiscale, restait valable nonobstant le décès du mandant survenu le 2 février 2015, dès lors que les associés n'avaient pas encore procédé à la désignation d'un nouveau gérant comme il leur incombait de le faire conformément aux dispositions de l'article L. 223-27, alinéa 6, du code de commerce. Dans ses conditions, M. C... est présumé avoir appréhendé les sommes réputées distribuées, à concurrence du nombre de parts qu'il détenait. En se bornant à produire une attestation du nouveau gérant de la société en date du 26 juin 2018 certifiant qu'il n'était employé que depuis le 1er juin 2013, à se prévaloir de l'absence de mouvements de fonds apparaissant en 2012 et 2013 sur les relevés d'un compte bancaire, selon lui unique, ouvert à son nom, et à invoquer le caractère modeste de son train de vie, M. C... ne renverse pas la présomption d'appréhension et ne démontre pas l'absence de disposition des sommes en cause qui ont pu, au demeurant, lui être versées en espèces.

14. De tout ce qui précède, il résulte que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des impositions litigieuses doivent, par suite, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction des finances publiques d'Ile-de-France et au département de Paris.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme D..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2020.

Le président de la 2ème chambre,

I. BROTONS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA00985 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00985
Date de la décision : 13/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : DUBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-13;19pa00985 ?
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