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13/05/2020 | FRANCE | N°19PA00984

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 13 mai 2020, 19PA00984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1716896/2-3 du 31 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 et 22 mars 2019, Mme C..., représentée par Me A..

. F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1716896/2-3 du 31 janvier 2019 du Tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1716896/2-3 du 31 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 et 22 mars 2019, Mme C..., représentée par Me A... F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1716896/2-3 du 31 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute d'avoir répondu aux conclusions dont le tribunal était saisi ; les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que, dans la décision attaquée, l'administration fiscale avait commis une erreur d'appréciation en estimant que les conséquences financières des rectifications proposées en matière de prélèvements sociaux apparaissaient de manière suffisamment claire alors que le document ne permettait pas de les comprendre avec certitude ;

- la proposition de rectification du 16 mars 2012 n'était pas suffisamment motivée ;

- l'article L. 48 du livre des procédures fiscales a été méconnu ;

- c'est au prix d'une erreur de droit que le tribunal a estimé qu'elle ne pouvait se prévaloir des irrégularités entachant la procédure d'imposition conduite à l'égard de la société Radio Pleyel, alors que cette procédure est à l'origine des rectifications la concernant opérées en matière d'impôt sur le revenu ;

- la procédure de vérification de la société Radio Pleyel est irrégulière car le vérificateur a refusé de se déplacer au siège social de cette dernière pour procéder à des vérifications utiles, alors que l'article L. 13 du livre des procédures fiscales prévoit que les opérations de contrôle se déroulent sur place ; ce faisant, il a également méconnu le devoir de loyauté qui s'impose à l'administration ;

- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire suffisant en raison du refus réitéré de la vérificatrice de se déplacer au siège de la société ;

- c'est au prix d'une erreur d'appréciation que le tribunal a estimé que la somme provisionnée au passif du compte courant 455800, pour des cotisations de l'URSSAF, d'un montant de 95 000 euros, constituait une rémunération et un avantage occulte imposable au sens du c de l'article 111 du code général des impôts ; il s'agissait de cotisations à rembourser à

Mme C... lorsque ces cotisations sociales seraient devenues exigibles au titre des années 2008, 2009, 2010 ; elle n'a pas eu la disposition de cette somme ; aucune disposition ne prohibe la prise en charge, par une société, des cotisations sociales dues par le gérant.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

En application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative la clôture d'instruction a été fixée au 30 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... est gérante de la SELARL Cabinet d'oncologie médicale et de radiothérapie Pleyel dit " Cabinet Pleyel ", qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010. A l'issue de cette vérification, des rehaussements ont été notifiés à la société, et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ont été notifiées à Mme C..., par proposition de rectification du 16 mars 2012. La réclamation de Mme C... n'ayant fait l'objet que d'une décision d'acceptation partielle du 14 septembre 2017, l'intéressée a demandé au Tribunal administratif de Paris de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des impositions auxquelles elle restait assujettie. Par la présente requête, elle relève appel du jugement n° 1716896/2-3 du 31 janvier 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. En premier lieu, Mme C... se borne à faire valoir dans sa requête sommaire produite devant la Cour que, faute d'avoir statué sur les conclusions présentées devant lui, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité, sans préciser les conclusions sur lesquelles les premiers juges auraient omis de se prononcer. Ce faisant, elle ne met pas la Cour à même d'apprécier le bien-fondé de ce moyen.

4. En second lieu, Mme C... soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que l'administration avait entaché sa décision de rejet partielle de la réclamation d'erreur d'appréciation en considérant que les conséquences financières des rectifications proposées en matière de prélèvements sociaux apparaissaient de manière suffisamment claire dans la proposition de rectification. D'une part, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à ce moyen inopérant, dès lors que les vices entachant la décision de rejet de la réclamation sont, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé des impositions. D'autre part, les premiers juges ont de manière suffisamment complète répondu au moyen tiré d'une insuffisante motivation de la proposition de rectification au point 3 de leur jugement en indiquant que la proposition de rectification du 16 mars 2012 comportait en annexe un tableau récapitulant les conséquences financières des rehaussements proposés, y compris en matière de prélèvements sociaux, ainsi que le montant des pénalités y afférentes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications.(...) ". Mme C... n'a pas fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années en cause dans le présent litige. Si l'administration, tirant les conséquences de la vérification de comptabilité conduite à l'encontre du cabinet Pleyel, a notifié à Mme C... des rectifications en matière d'impôt sur le revenu notamment dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et de prélèvements sociaux, ces rectifications faisaient suite à un contrôle sur pièces. En conséquence, la requérante ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article L. 48 rappelées ci-dessus qui ne lui sont pas applicables.

6. Aux termes de l'article L. 57 du même livre: " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

7. En l'espèce, la proposition de rectification du 16 mars 2012, notifiée le 23 mars 2012 à Mme C..., indique qu'elle porte sur l'impôt sur le revenu et notamment les traitements et salaires et les revenus de capitaux mobiliers et sur les contributions sociales afférents à l'année 2010 et expose les motifs de droits et de faits justifiant les rectifications envisagées. Cette proposition comporte au surplus, en annexe, un tableau récapitulant les conséquences financières des rehaussements proposés, y compris en matière de prélèvements sociaux, ainsi que le montant des pénalités y afférentes. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

8. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

9. Au terme de l'article 109 du même code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués :/ 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'Etat. ".

10. La Selarl Cabinet d'oncologie médicale et radiothérapie Pleyel a comptabilisé, au

31 décembre 2010, une provision pour charges d'un montant de 95 000 euros, portant cette somme au débit du compte 6448002 " provision rémunération associé " et inscrivant la dette correspondante au crédit du compte 4558003 " Assoc Rem à Verser ". L'administration fiscale, estimant que cette charge n'était pas justifiée, a réintégré cette somme dans les bénéfices imposables de la société et a considéré que la somme de 95 000 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé n° 455800 constituait une distribution occulte au sens de l'article 111-c rappelé ci-dessus, opérée au profit de Mme C..., cette dernière, gérante et seule associée rémunérée de la société, devant être regardée comme la titulaire de ce compte, utilisé uniquement pour comptabiliser les cotisations d'URSSAF non appelées sur son salaire.

11. Dans ses écritures d'appel, Mme C... fait valoir que la société Cabinet Pleyel avait pour usage de rembourser aux praticiens les cotisations sociales qu'ils acquittaient, et que la somme de 95 000 euros constituait une dette personnelle contractée par elle envers l'URSAFF, qui devait lui être remboursée par le cabinet, et qu'ayant été comptabilisée dans un compte de charges à payer, elle ne pouvait être regardée comme mise à sa disposition au titre de l'année 2010.

12. Toutefois, la requérante, dont les rémunérations au titre de l'activité exercée au sein du cabinet Pleyel ont été déclarées en traitements et salaires, ne justifie pas de la réalité de la dette qu'elle prétend avoir contractée à l'égard de l'URSAFF, ni d'ailleurs de la déclaration de rémunérations auprès de cet organisme, ni de sa situation à l'égard des organismes de protection sociale et notamment à l'égard de l'URSSAF. Si elle se prévaut d'une activité libérale immatriculée sous le n° SIREN 398 541 5888 et le N° SIRET 398 541 888 00028, en tant qu'oncologue, au 2 square du Croisic à Paris 15ème dans le cadre d'un bail mixte, l'administration soutient sans être contredite que ce numéro SIREN, obtenu en 1991, n'est connu des services des finances publiques que pour une activité de location d'autres biens immobiliers, dont les résultats sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et déclarés comme tels depuis le 1er janvier 2006. Les autres documents produits ne comportent aucune indication précise concernant la nature, l'assiette ou la date d'exigibilité des cotisations URSSAFF supposées correspondre à la somme de 95 000 euros et de nature à corroborer les allégations de la requérante.

13. Dans ces conditions, et alors que l'administration est en droit de demander et d'obtenir que les dispositions de l'article 109 rappelées ci-dessus soient substituées à celles de l'article 111 comme fondement du redressement en cause, c'est à bon droit que la somme de 95 000 euros, inscrite au crédit d'un compte courant qui peut être regardé comme ouvert au profit de Mme C..., gérante du cabinet, détentrice de 50 % des parts, et seule associée rémunérée, a été considérée comme un revenu réputé distribué dont l'intéressée est présumée avoir eu la disposition. Mme C..., en se bornant à alléguer qu'elle n'a pas disposé en 2010 de la somme en cause et que la provision correspondante aurait été reprise en 2012 dans les bénéfices de la SELARL, ne renverse pas cette présomption. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration l'a imposée à tort entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

14. De tout ce qui précède, il résulte que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des impositions litigieuses doivent, par suite, être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme D..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2020.

Le président de la 2ème chambre,

I. BROTONS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA00984 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00984
Date de la décision : 13/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : DELAMARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-13;19pa00984 ?
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