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17/04/2020 | FRANCE | N°18PA02661

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 avril 2020, 18PA02661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à leur verser la somme de 175 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de leur demande préalable, en réparation des préjudices subis tant par eux-mêmes que par leurs quatre enfants en raison de la carence de l'Etat dans la prise en charge de leur fils C... pour la période de mai 2012 à septembre 2015.

Par un jugement n° 1605723 du 15 juin 2018, le Tribunal administratif de

Melun a condamné l'Etat à verser à M. et Mme A... la somme de 15 000 euros en leu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à leur verser la somme de 175 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de leur demande préalable, en réparation des préjudices subis tant par eux-mêmes que par leurs quatre enfants en raison de la carence de l'Etat dans la prise en charge de leur fils C... pour la période de mai 2012 à septembre 2015.

Par un jugement n° 1605723 du 15 juin 2018, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Etat à verser à M. et Mme A... la somme de 15 000 euros en leur qualité de représentants légaux de leur enfant C..., ainsi que la somme de 10 000 euros en leur nom propre, assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de leur demande préalable datée du 27 juin 2016.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1605723 du 15 juin 2018 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a limité à 25 000 euros l'indemnité que l'Etat a été condamné à leur verser en réparation des préjudices subis ;

2°) de porter à la somme de 175 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable, le montant de l'indemnité due en réparation des préjudices subis tant par eux-mêmes que par leurs quatre enfants en raison de la carence de l'Etat dans la prise en charge de leur fils C... pour la période de mai 2012 à septembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le défaut de prise en charge de l'enfant C... dans l'un des établissements désignés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées pendant la période de mai 2012 à septembre 2015 constitue une carence fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- leur fils C... a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qui doivent être évalués à 80 000 euros ;

- M. et Mme A... ont subi un préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence qui doivent être évalués à 80 000 euros ;

- les deux frères et la soeur de C... ont subi un préjudice moral qui doit être évalué à

5 000 euros chacun.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2019, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

20 janvier 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... sont les parents d'un enfant, C..., né le 9 août 2000, atteint d'épilepsie. L'enfant a été scolarisé en classe d'inclusion scolaire (CLIS) jusqu'en mai 2012. La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Val-de-Marne a préconisé une orientation vers un institut médico-éducatif (IME). C... A... a été pris en charge dans un Service d'éducation spécialisé et de soins à domicile " SESSAD Les tous petits " à compter du 10 mars 2014 puis à l'institut médico-éducatif " Louis Le Guilland " à Villejuif à compter du 1er septembre 2015. Par une demande en date du 27 juin 2016, M. et Mme A... ont sollicité de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes le versement d'une somme totale de 175 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis, ainsi que leurs quatre enfants, du fait de la carence des services de l'Etat dans la prise en charge adaptée de C... pour la période de mai 2012 à août 2015. Par un jugement du 15 juin 2018, le Tribunal administratif de Melun a jugé que la carence de l'Etat dans la prise en charge du jeune C... du mois de mai 2012 à août 2015 était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et l'a condamné à verser à M. et Mme A... la somme de 15 000 euros en leur qualité de représentants légaux de leur enfant C..., ainsi que la somme de 10 000 euros en leur nom propre, assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de leur demande préalable datée du 27 juin 2016. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnité allouée. Le ministre qui ne conteste ni l'engagement de la responsabilité de l'Etat, ni le montant des indemnités accordées par le tribunal, conclut au rejet de la requête.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices de C... :

2. D'une part, Mme A... fait valoir que les médecins qui le suivaient estimaient que C... aurait pu être scolarisé en milieu ordinaire ou en classe d'inclusion et que son absence de prise en charge éducative lui a été préjudiciable. Toutefois, il résulte de l'instruction que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Val-de-Marne a préconisé une orientation de l'enfant dans un institut médico-éducatif et a estimé que les difficultés et compétences de l'enfant relevaient d'une orientation en établissement spécialisé, excluant nécessairement une scolarisation en milieu ordinaire ou en unités locales d'inclusions scolaires. Le préjudice moral ainsi allégué est sans lien avec la faute de l'Etat résultant de l'absence de prise en charge adaptée en institut médico-éducatif, conformément aux orientations de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Val-de-Marne. D'autre part, et alors même que l'accompagnement en SESSAD à compter de mars 2014 ne saurait être équivalent à une prise en charge en IME, C... a pu bénéficier pendant la période de mars 2014 à août 2015 d'un accompagnement éducatif partiel. Dans ces circonstances, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une insuffisante évaluation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par C... à raison de l'absence de prise en charge conforme aux orientations de la CDAPH de mai 2012 à août 2015 en lui accordant la somme de 15 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices de M. et Mme A... :

3. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A..., qui n'apporte pas davantage d'éléments en appel qu'en première instance sur la réalité de la perte de salaire subie et qui a perçu le complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé 4ème catégorie versé en application de l'article R. 541-2 du code de la sécurité sociale, aurait dû renoncer à toute perspective d'embauche ou à toute activité professionnelle à compter de mai 2012 afin de s'occuper de son fils à domicile. S'il résulte de l'instruction que M. et Mme A... ont subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant de l'absence de prise en charge de leur fils dans un institut médico-éducatif de mai 2012 à août 2015, le jugement attaqué n'a cependant pas fait, dans les circonstances de l'espèce, une inexacte appréciation des préjudices ainsi subis par les intéressés en leur allouant la somme de 10 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices des frères et soeur de C... :

4. Mme A... soutient que ses trois autres enfants n'auraient pas assisté aux crises d'épilepsie de leur frère si ce dernier avait été pris en charge dans un institut médico-éducatif et demande la réparation de leur préjudice moral qu'elle évalue pour chacun d'eux à 5 000 euros. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction et notamment des pièces médicales produites, que les crises d'épilepsie de C... présenteraient un lien avec les modalités de sa prise en charge. Si Mme A... soutient que ses frères et sa soeur ont souffert de l'absence de prise en charge adaptée de C..., le lien de causalité entre le préjudice moral ainsi allégué et la faute de l'Etat n'est pas suffisamment établi. Par suite, Mme A... n'établit pas que ses trois autres enfants auraient subi un préjudice moral présentant un lien direct avec la carence fautive de l'Etat et ouvrant droit à réparation.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le recteur de l'académie de Créteil devant le tribunal, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a limité à la somme de 25 000 euros l'indemnité allouée en réparation des préjudices subis résultant de la carence de l'Etat dans la prise en charge adaptée de l'enfant C....

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 14 février 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente,

- Mme Portes, premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 avril 2020.

La présidente de la formation de jugement,

M. E...La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02661 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02661
Date de la décision : 17/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Aide sociale aux personnes handicapées.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : TARON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-04-17;18pa02661 ?
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