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17/04/2020 | FRANCE | N°18PA01811

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 avril 2020, 18PA01811


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'une part, d'annuler la décision n° 2015002191 du 27 août 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Fontainebleau l'a nommée en qualité d'infirmière en soins généraux et spécialisés à compter du 1er septembre 2014 et a, par suite, implicitement retiré sa décision du 22 août 2014 la nommant dans le grade de cadre de santé paramédical à compter du 1er septembre 2014, d'autre part, d'annuler la décision n° 20150

02192 du 28 août 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Fontainebl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... épouse B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'une part, d'annuler la décision n° 2015002191 du 27 août 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Fontainebleau l'a nommée en qualité d'infirmière en soins généraux et spécialisés à compter du 1er septembre 2014 et a, par suite, implicitement retiré sa décision du 22 août 2014 la nommant dans le grade de cadre de santé paramédical à compter du 1er septembre 2014, d'autre part, d'annuler la décision n° 2015002192 du 28 août 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Fontainebleau a prononcé son avancement au 5ème échelon du grade d'infirmière en soins généraux et spécialisés à compter du 1er octobre 2014, enfin, d'annuler la décision n° 2015002193 du 28 août 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Fontainebleau a retiré sa décision n° 2015001486 du 29 avril 2015 prononçant son avancement au 2ème échelon du grade de cadre de santé paramédical à compter du 1er septembre 2015.

Par un jugement n° 1508203 du 29 mars 2018, le Tribunal administratif de Melun a annulé les trois décisions des 27 août 2015 et 28 août 2015 et a enjoint au directeur du centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne de réintégrer Mme B... dans le grade de cadre de santé paramédical dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et de procéder à la reconstitution de sa carrière dans le délai de trois mois à compter de cette date.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 mai 2018 et 4 février 2020, le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne, représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1508203 du 29 mars 2018 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué ne comporte aucune signature en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la décision de nomination est entachée d'un vice d'une gravité justifiant qu'il soit considéré comme juridiquement inexistant dès lors qu'elle méconnaît les dispositions des articles 6 et 8 du décret du 26 décembre 2012 ainsi que celles de l'article 16 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 46 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- la décision de nomination procède d'une pure erreur matérielle et n'a créé aucun droit au profit de l'intéressée ;

- la décision de nomination a été obtenue par fraude par omission ;

- la décision de nomination pouvait être retirée après l'expiration du délai de quatre mois suivant son édiction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2018, Mme B..., représentée par la SCP Colomes-Mathieu-Zanchi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Sud Seine-et-Marne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2010-1139 du 29 septembre 2010 ;

- le décret n° 2012-1466 du 26 décembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., infirmière en soins généraux, a exercé en qualité de faisant fonction de cadre de santé paramédical du 1er septembre 2010 au 1er septembre 2013 au centre hospitalier de Montereau. Dans le cadre d'un contrat d'études promotionnelles, elle a effectué une formation de cadre de santé à l'institut de formation des cadres de santé de Ville-Evrard du 2 septembre 2013 au 27 juin 2014, à l'issue de laquelle elle a obtenu le diplôme de cadre de santé. A la suite d'une demande de mutation, Mme B... a été nommée par décision du 22 août 2014 du directeur du centre hospitalier de Fontainebleau en qualité de titulaire dans le grade de cadre de santé paramédical à compter du 1er septembre 2014, classée au 1er échelon de son grade et affectée au service d'oncologie médicale. Par décision du 29 avril 2015, le directeur du centre hospitalier de Fontainebleau a prononcé son avancement au 2ème échelon du grade de cadre de santé paramédical à compter du 1er septembre 2015. Par décision du 27 août 2015, annulant et remplaçant la décision du 22 août 2014, Mme B... a été nommée en qualité d'infirmière en soins généraux à compter du 1er septembre 2014 en maintenant son affectation au sein du service d'oncologie médicale. Par deux décisions du 28 août 2015, le directeur du centre hospitalier de Fontainebleau a retiré la décision du 29 avril 2015 prononçant son avancement dans le grade de cadre de santé et a prononcé son avancement au 5ème échelon du grade d'infirmière en soins généraux à compter du 1er octobre 2014. Par jugement du 29 mars 2018, dont le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne relève appel, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions des 27 août et 28 août 2015 et a enjoint au directeur du centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne de procéder à la réintégration de Mme B... dans le grade de cadre de santé paramédical et à la reconstitution de sa carrière.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. "

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée au centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

4. Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Un acte administratif inexistant ou obtenu par fraude ne créant pas de droits, l'administration peut en conséquence le retirer ou l'abroger alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré.

5. Aux termes de l'article 1er du décret du 26 décembre 2012 portant statut particulier du corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière : " Le corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière est classé dans la catégorie A mentionnée à l'article 4 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. (...) / Le corps de cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière comprend, selon leur formation : / 1° Dans la filière infirmière : / - des infirmiers cadres de santé paramédicaux ; ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " I. - Les cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière sont recrutés par voie de concours interne sur titres ouvert, dans chaque établissement, aux fonctionnaires hospitaliers titulaires du diplôme de cadre de santé, relevant des corps régis par les décrets du 30 novembre 1988, du 29 septembre 2010 et du 27 juin 2011 susvisés, comptant au

1er janvier de l'année du concours au moins cinq ans de services effectifs accomplis dans un ou plusieurs des corps précités, ainsi qu'aux agents non titulaires de la fonction publique hospitalière titulaires de l'un des diplômes, titres ou autorisation requis pour être recrutés dans l'un des corps précités et du diplôme de cadre de santé, ayant accompli au moins cinq ans de services publics effectifs en qualité de personnel de la filière infirmière, de rééducation ou médico-technique. (...) ". Aux termes de l'article 8 du même décret : " I. - Les candidats reçus à l'un des concours mentionnés au 1° et au 2° de l'article 6 sont nommés cadres de santé paramédicaux stagiaires par l'autorité investie du pouvoir de nomination et accomplissent un stage d'une durée d'une année. /

II. - A l'issue du stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés. "

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et n'est pas sérieusement contesté, que Mme B..., titulaire du diplôme de cadre de santé et relevant du corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés de la fonction publique hospitalière régi par le décret du 29 septembre 2010 portant statut particulier du corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés de la fonction publique hospitalière, n'était pas lauréate du concours interne sur titres ouvert pour le recrutement des cadres de santé paramédicaux et n'avait pas accompli un stage d'une année, en méconnaissance des dispositions des articles 6 et 8 du décret du 26 décembre 2012 citées au point 5 ainsi que des dispositions de l'article 16 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, à la date à laquelle le centre hospitalier de Fontainebleau l'a nommée en qualité de titulaire dans le grade de cadre de santé paramédical par décision du 22 août 2014. Si la décision du 22 août 2014 est ainsi intervenue en méconnaissance des dispositions statutaires relatives au recrutement des cadres de santé paramédicaux, cette illégalité commise par l'autorité investie du pouvoir de nomination ne constitue pas, ainsi que le soutient l'établissement hospitalier, une illégalité dont la gravité rend la nomination nulle et non avenue. Par suite, le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne n'est pas fondé à soutenir que la décision du 22 août 2014 constitue, pour ce motif, un acte juridiquement inexistant dont le retrait peut être effectué à tout moment.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a exercé en qualité de faisant fonction de cadre de santé paramédical du 1er septembre 2010 au 1er septembre 2013 au centre hospitalier de Montereau et a obtenu, après une formation de cadre de santé à l'institut de formation des cadres de santé de Ville-Evrard du 2 septembre 2013 au 27 juin 2014, le diplôme de cadre de santé. Dans le cadre d'une demande de mutation, le centre hospitalier de Fontainebleau l'a nommée en qualité de titulaire dans le grade de cadre de santé paramédical et l'a reclassée au 1er échelon de ce grade avec une ancienneté conservée à compter du 1er septembre 2014. Si l'établissement hospitalier fait valoir qu'il n'avait pas l'intention de la nommer dans un grade et un corps auxquels Mme B... n'appartient pas en méconnaissance de la procédure de recrutement, que la décision du 22 août 2014 ne respecte pas le formalisme des décisions portant nomination et qu'elle a été induite en erreur par la précédente affectation de l'intéressée sur un emploi du corps des cadres de santé paramédicaux, ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder la nomination de Mme B... dans le grade des cadres de santé paramédicaux prononcée par la décision du 22 août 2014 comme résultant à l'évidence d'une pure erreur matérielle privant cette décision de toute existence légale et ôtant à celle-ci tout caractère créateur de droits au profit de l'intéressée. Par suite, le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision du 22 août 2014 constitue, pour ce motif, un acte juridiquement inexistant dont le retrait peut être effectué à tout moment.

8. Par ailleurs, il n'est pas contesté que Mme B... a été recrutée par le centre hospitalier de Fontainebleau à la suite d'une demande de mutation de cette dernière et après avoir été reçue lors de deux entretiens. L'intéressée avait dans sa précédente affection fait fonction de cadre de santé et avait suivi une formation en vue de l'obtention du diplôme de cadre de santé. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait cherché à dissimuler sa situation administrative par des manoeuvres frauduleuses destinées à induire en erreur l'établissement hospitalier. Si le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne fait valoir que Mme B... ne pouvait ignorer qu'elle devait être recrutée par voie de concours interne et accomplir un stage afin d'être titularisée dans le corps des cadres de santé paramédicaux, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une manoeuvre frauduleuse. Par suite, le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne n'est pas fondé à soutenir que la décision du 22 août 2014 a été obtenue par fraude.

9. Enfin, un acte administratif par lequel un agent est nommé dans un corps et un grade de la fonction publique est un acte créateur de droits. La décision du 22 août 2014 nommant Mme B... dans le corps et le grade des cadres de santé paramédicaux est une décision individuelle créatrice de droits au profit de l'intéressée. S'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que cette décision est illégale, elle ne pouvait être retirée que dans un délai de quatre mois suivant son édiction. Par suite, l'établissement hospitalier ne pouvait procéder au retrait par décision du 27 août 2015 de cette décision créatrice de droits au motif que Mme B... ne remplissait pas les conditions requises pour son recrutement dans ce corps.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé ses décisions des 27 et 28 août 2015.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge du centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier du Sud Seine-et-Marne versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier du

Sud Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 14 février 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- Mme Portes, premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 avril 2020.

La présidente de la formation de jugement,

M. D...La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA01811 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01811
Date de la décision : 17/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes administratifs - classification - Actes individuels ou collectifs.

Actes législatifs et administratifs - Différentes catégories d'actes - Actes inexistants.

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Retrait.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : BOUKHELOUA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-04-17;18pa01811 ?
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