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17/04/2020 | FRANCE | N°17PA02842-18PA03101-18PA03102-18PA03315

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 avril 2020, 17PA02842-18PA03101-18PA03102-18PA03315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête enregistrée le 31 janvier 2017, la société Kahn et Associés a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 8 850 000 F CFP HT, au titre de prestations supplémentaires réalisées dans le cadre de la convention relative à l'accompagnement à la mise en place de la taxe générale sur la consommation du 9 septembre 2015.

Par une seconde requête enregistrée le 8 mars 2018, la société Kahn et Associé

s a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Caléd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête enregistrée le 31 janvier 2017, la société Kahn et Associés a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 8 850 000 F CFP HT, au titre de prestations supplémentaires réalisées dans le cadre de la convention relative à l'accompagnement à la mise en place de la taxe générale sur la consommation du 9 septembre 2015.

Par une seconde requête enregistrée le 8 mars 2018, la société Kahn et Associés a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 8 850 000 F CFP HT, au titre de prestations supplémentaires réalisées dans le cadre de la convention précitée.

La Nouvelle-Calédonie a demandé, à titre reconventionnel, la condamnation de la société Kahn et Associés à lui verser la somme de 1 945 324 F CFP et la somme de 1 323 578 F CFP, correspondant au montant des prestations dont elle estime qu'elles n'ont pas été réalisées par la société au titre de la convention du 9 septembre 2015.

Par un jugement n° 1700029 du 15 juin 2017, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté la première requête de la société Kahn et Associés, ainsi que les conclusions reconventionnelles de la Nouvelle-Calédonie.

Par un jugement n° 1800074 du 13 juillet 2018, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné la Nouvelle-Calédonie à verser à la société Kahn et Associés la somme de 1 857 492 F CFP HT et a rejeté le surplus de sa deuxième requête ainsi que les conclusions reconventionnelles de la Nouvelle-Calédonie.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête sommaire et des mémoires, enregistrés le 15 août 2017, le 20 octobre 2017, le 15 mai 2018, le 8 décembre 2019 et le 30 décembre 2019 sous le n° 1702842, la société Kahn et Associés, représentée par la selarl Royanez puis par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700029 du 15 juin 2017 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 8 850 500 F CFP HT au titre de prestations supplémentaires à la convention relative à l'accompagnement à la mise en place de la taxe générale sur la consommation.

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 2 750 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande était recevable au regard des dispositions des articles R. 421-2 et R. 421-3 du code de justice administrative, dans leur rédaction issue du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, et telles qu'interprétées par l'avis du Conseil d'Etat n° 420797 du 30 janvier 2019 ;

- en ne définissant pas de manière suffisamment précise ses besoins, la Nouvelle-Calédonie lui a imposé des prestations non prévues par la convention signée le 9 septembre 2015 ;

- cette définition insuffisamment précise de ses besoins par la Nouvelle-Calédonie constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- elle doit être indemnisée des prestations supplémentaires qu'elle a réalisées, à compter du 1er juillet 2015, telles qu'elles ont été précisées dans sa demande de marché complémentaire contenue dans sa lettre du 11 décembre 2015 ;

- elle doit être également indemnisée sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la Nouvelle-Calédonie du fait du dépassement des missions qui lui étaient imparties ;

- ses missions consistaient seulement à apporter un soutien technique et logistique à la mise en place de la réforme par l'organisation des réunions et des comités, et non à effectuer les missions qui relevaient des administrations ni à conduire la réforme pour le compte du gouvernement de Nouvelle-Calédonie ;

- le gouvernement de Nouvelle-Calédonie lui a expressément demandé de traiter des nouveaux secteurs d'activité non prévus dans la convention ;

- le surplus constitué par les travaux supplémentaires effectués au titre des deux premières phases représente 108,5 jours-hommes ;

- le tarif moyen consultant s'élève à 136 154 F CFP HT par jour, à parfaire ;

- elle a effectué l'ensemble des tâches lui incombant au titre de la première phase de la convention, ce qui rend infondées les conclusions incidentes de la Nouvelle-Calédonie.

Par des mémoires en défense et d'appel incident, enregistrés le 19 janvier 2018 et le 16 décembre 2019, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la selarl Deswarte-Calmet, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de la société Kahn et Associés et, à titre subsidiaire, de limiter l'indemnité qui lui serait allouée à la somme de 1 857 711 F CFP HT ;

2°) d'annuler le jugement n° 1700029 du 15 juin 2017 en tant que le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande reconventionnelle ;

3°) de condamner la société Kahn et Associés à lui verser la somme de 1 945 324 F CFP, correspondant au montant des prestations dont elle estime qu'elles n'ont pas été réalisées par la société au titre de la convention litigieuse ;

4°) de mettre à la charge de la société Kahn et Associés la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la demande de la société Kahn et Associés est irrecevable, le deuxième alinéa de l'article R. 421-3 du code de justice administrative ayant été abrogé par le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 et l'article 35 de ce décret ayant rendu applicables les nouvelles dispositions aux requêtes enregistrées à compter du 1er janvier 2017 ;

- à titre subsidiaire, les prétentions indemnitaires de la requérante ne sont pas fondées ou, à défaut, doivent être limitées à la somme de 1 857 711 F CFP HT ;

- l'analyse des rapports, comptes-rendus et livrables établit que les cabinets de conseil n'ont pas réalisé certaines tâches prévues par la convention, ce qui justifie ses conclusions incidentes.

Les parties ont été informées, le 14 janvier 2020 et le 31 janvier 2020, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur deux moyens relevés d'office.

II - Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2018 sous le n° 18PA03101, la société Kahn et Associés, représentée par la selarl Royanez, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800074 du 13 juillet 2018 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a limité à 1 857 492 F CFP HT la condamnation de la Nouvelle-Calédonie ;

2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser un surplus de 6 992 508 FCP HT au titre des prestations supplémentaires réalisées ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le montant des prestations supplémentaires est dû à hauteur de la somme demandée.

III - Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 septembre 2018, le

15 novembre 2019 et le 29 décembre 2019, sous le n° 18PA03102, la société Kahn et Associés, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800074 du 13 juillet 2018 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a limité à 1 857 492 F CFP HT la condamnation de la Nouvelle-Calédonie ;

2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser un surplus de 6 992 508 FCP HT au titre des prestations supplémentaires réalisées ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 477 328 FCP, à parfaire, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son deuxième recours, fondé sur une cause juridique différente de celle qui fondait son premier recours, est recevable ;

- en ne définissant pas de manière suffisamment précise ses besoins, la Nouvelle-Calédonie lui a imposé des prestations non prévues par la convention signée le 9 septembre 2015 ;

- cette définition insuffisamment précise de ses besoins par la Nouvelle-Calédonie constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- elle doit être indemnisée des prestations supplémentaires qu'elle a réalisées ;

- elle doit être également indemnisée sur le fondement de l'enrichissement sans cause de la Nouvelle-Calédonie du fait du dépassement des missions qui lui étaient imparties ;

- ses missions consistaient seulement à apporter un soutien technique et logistique à la mise en place de la réforme par l'organisation des réunions et des comités, et non à effectuer les missions qui relevaient des administrations ni à conduire la réforme pour le compte du gouvernement de Nouvelle-Calédonie ;

- le gouvernement de Nouvelle-Calédonie lui a expressément demandé de traiter des nouveaux secteurs d'activité non prévus dans la convention ;

- le surplus constitué par les travaux supplémentaires effectués au titre des deux premières phases représente 108,5 jours-hommes ;

- le tarif moyen consultant s'élève à 136 154 F CFP HT par jour, à parfaire ;

- elle a effectué l'ensemble des tâches lui incombant au titre de la première phase de la convention, ce qui rend infondées les conclusions incidentes de la Nouvelle-Calédonie.

Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 4 décembre 2019, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la selarl Deswarte-Calmet, demande à la Cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 1800074 du 13 juillet 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Kahn et Associés devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

3°) de condamner la société Kahn et Associés à lui verser la somme de 1 945 324 F CFP, correspondant au montant des prestations dont elle estime qu'elles n'ont pas été réalisées par la société au titre de la convention litigieuse ;

4°) de mettre à la charge de la société Kahn et Associés la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, le nouveau recours formé par la société Kahn et Associés après l'expiration du délai de recours applicable à la première décision de rejet de sa demande indemnitaire n'est pas recevable, dès lors que les deux demandes préalables reçues le 3 juin 2016 et le 8 novembre 2017 revêtent une identité de parties, de cause, à savoir la prétendue faute commise par la Nouvelle-Calédonie, ainsi que d'objet, le montant demandé étant identique ;

- la deuxième demande de la société contrevient ainsi à l'autorité de la chose jugée par le jugement n° 1700029 du 15 juin 2017 ;

- à titre subsidiaire, les prétentions indemnitaires de la requérante ne sont pas fondées au-delà de la somme retenue par le jugement du 13 juillet 2018 ;

- l'analyse des rapports, comptes-rendus et livrables établit que les cabinets de conseil n'ont pas réalisé certaines tâches prévues par la convention, ce qui justifie ses conclusions incidentes.

Les parties ont été informées, le 14 janvier 2020, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office.

IV - Par une requête et un mémoire, enregistrée le 13 octobre 2018 et le 4 décembre 2019 sous le n° 18PA03315, la Nouvelle-Calédonie, représentée par la selarl Deswarte, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800074 du 13 juillet 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie par la société Kahn et Associés ;

3°) de condamner la société Kahn et Associés à lui verser la somme de 1 945 324 F CFP, au titre des prestations dont elle estime qu'elles n'ont pas été réalisées par la société au titre de la convention relative à l'accompagnement à la mise en place de la taxe générale sur la consommation ;

4°) de mettre à la charge de la société Kahn et Associés la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, le nouveau recours formé par la société Kahn et Associés après l'expiration du délai de recours applicable à la première décision de rejet de sa demande indemnitaire n'est pas recevable, dès lors que les deux demandes préalables reçues le 3 juin 2016 et le 8 novembre 2017 revêtent une identité de parties, de cause, à savoir la prétendue faute commise par la Nouvelle-Calédonie, ainsi que d'objet, le montant demandé étant identique ;

- la deuxième demande de la société contrevient ainsi à l'autorité de la chose jugée par le jugement n° 1700029 du 15 juin 2017 ;

- à titre subsidiaire, les demandes indemnitaires de la société Kahn et Associés ne sont pas fondées ou doivent être à tout le moins réduites dans la proportion retenue par le jugement du 13 juillet 2018 ;

- aucune incertitude n'existait sur la nature de la relation juridique entre la Nouvelle-Calédonie et le cabinet de conseil ;

- la Nouvelle-Calédonie n'a pas commis de faute dans la définition de ses besoins ;

- l'enrichissement sans cause de la Nouvelle-Calédonie n'est pas établi ;

- les prestations réalisées avant la signature de la convention étaient incluses dans la phase de cadrage et de lancement prévue par celle-ci ;

- l'intégralité des missions réalisées par la société après la signature de la convention était prévue contractuellement au titre de la phase de cadrage et de lancement ;

- l'analyse des rapports, comptes-rendus et livrables établit que les cabinets de conseil n'ont pas réalisé certaines tâches prévues par la convention.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 novembre 2019 et le 30 décembre 2019, la société Kahn et Associés, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler le jugement n° 1800074 du 13 juillet 2018 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a limité à 1 857 492 F CFP HT la condamnation de la Nouvelle-Calédonie ;

3°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser un surplus de 6 992 508 F CFP HT au titre des prestations supplémentaires réalisées ;

4°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 1 789 976,10 F CFP, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, le 14 janvier 2020, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 modifiée ;

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- le code de justice administrative dans sa rédaction applicable en Nouvelle-Calédonie ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour la société Kahn et Associés.

Connaissance prise des notes en délibéré, enregistrées le 26 février 2020, présentées pour la société Kahn et Associés.

Considérant ce qui suit :

1. Les quatre requêtes susvisées sont relatives à un même litige et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

2. La Nouvelle-Calédonie a conclu, le 9 septembre 2015, un marché de services avec les sociétés Kahn et Associés et Auclair Dupont, intitulé " convention relative à l'accompagnement à la mise en place de la taxe générale sur la consommation ". Ce marché avait pour objet de confier à ces deux sociétés une mission d'appui du gouvernement de Nouvelle-Calédonie lors de la phase de cadrage des travaux préalables à l'instauration de la taxe générale sur la consommation (TGC) et d'animation des réunions avec l'ensemble des acteurs concernés. Le montant de la convention s'élevait à 18 679 500 F CFP TTC, dont 9 717 750 F CFP TTC pour la société Kahn et Associés. Cette convention prévoyait trois phases successives, à savoir une phase de cadrage et de lancement, une phase de mise en oeuvre et une phase de synthèse, chacune de ces phases correspondant à des missions prédéfinies. Par une lettre du 31 mai 2016 adressée au président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, reçue par ce dernier le 3 juin 2016, les sociétés Kahn et Associés et Auclair Dupont ont, par la voie de leur conseil commun, demandé à la Nouvelle-Calédonie de leur verser une somme globale de 14 872 200 F CFP HT, dont 8 850 000 F CFP HT pour la société Kahn et Associés, en règlement des prestations complémentaires réalisées dont les sociétés estimaient qu'elles n'étaient pas prévues dans la convention. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'autorité précitée sur cette demande. Par lettre du 6 octobre 2016, reçue le 11 octobre 2016, les deux sociétés ont réitéré cette demande à la Nouvelle-Calédonie. Par une lettre du 24 novembre 2016, reçue le 28 novembre 2016 par le conseil des deux sociétés, le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie a estimé le montant global des sommes dues par elle au titre des prestations complémentaires effectuées par les deux sociétés à 3 836 000 F CFP HT, mais a considéré que des travaux prévus dans la convention n'avaient pas été réalisés par celles-ci, à hauteur d'un montant global de 3 151 000 F CFP HT. D'une part, par une requête n° 17PA02842, la société Kahn et Associés fait appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande à fin de condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 8 850 000 F CFP HT susévoquée. D'autre part, par deux requêtes enregistrées sous les n°18PA03101 et 18PA03102, la société Kahn et Associés relève appel du jugement du 13 juillet 2018 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a limité à 1 857 492 F CFP HT la condamnation de la Nouvelle-Calédonie et demande que cette dernière soit condamnée à lui verser un surplus de 6 992 508 F CFP HT au titre des prestations supplémentaires réalisées. Dans ces trois affaires, ainsi que dans la requête enregistrée sous le n° 18PA03315, la Nouvelle-Calédonie présente des conclusions tendant à la condamnation de la société Kahn et Associés à lui verser la somme de 1 945 324 F CFP au titre des prestations qu'elle estime non réalisées.

En ce qui concerne la requête n° 17PA02842 :

Sur la régularité du jugement du 15 juin 2017 :

3. D'une part, aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-3 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 10 du décret n° 2016-480 du

2 novembre 2016 : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ; 2° Dans le cas où la réclamation tend à obtenir l'exécution d'une décision de la juridiction administrative. ". Aux termes de l'article 35 du décret du 2 novembre 2016, qui fixe les conditions de son entrée en vigueur :

" I. - Le présent décret entre en vigueur le 1er janvier 2017. / II. - Les dispositions des articles 9 et 10 (...) sont applicables aux requêtes enregistrées à compter de cette date ". Et aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de

rejet : / 3° Si la demande présente un caractère financier (...) ".

4. D'autre part, les dispositions du II de l'article 35 du décret n° 2016-480 du 2 novembre 2016, citées au point 3, qui prévoient l'application de la nouvelle règle issue de l'article 10 de ce décret selon laquelle, sauf dispositions législatives ou règlementaire qui leur seraient propres, le délai de recours de deux mois court à compter de la date où les décisions implicites relevant du plein contentieux sont nées, à "toute requête enregistrée à compter" du 1er janvier 2017, ont entendu permettre la suppression immédiate, pour toutes les situations qui n'étaient pas constituées à cette date, de l'exception à la règle de l'article R. 421-2 du code de justice administrative dont bénéficiaient les matières de plein contentieux. Un délai de recours de deux mois court, par suite, à compter du 1er janvier 2017, contre toute décision implicite relevant du plein contentieux qui serait née antérieurement à cette même date. Cette règle doit toutefois être combinée avec les dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes desquelles, sauf en ce qui concerne les relations entre l'administration et ses agents, les délais de recours contre une décision tacite de rejet ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 du même code ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ne porte pas les mentions prévues à l'article R. 112-5 de ce code et, en particulier, dans le cas où la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet, la mention des voies et délais de recours.

5. Il ressort des dispositions mentionnées au point 3 que, suite à la demande de la société Kahn et Associés du 31 mai 2016, qui présentait un caractère financier, une décision implicite de rejet de la Nouvelle-Calédonie est née le 3 août 2016. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, dès lors que cette décision, relevant du plein contentieux, est née avant le 1er janvier 2017, la société requérante, qui ne s'était vu par ailleurs notifier aucune décision explicite de rejet dans le délai de deux mois à compter du 3 août 2016, disposait d'un délai de deux mois à compter du 1er janvier 2017 pour former un recours contentieux à son encontre. Dans ces conditions, et alors qu'en tout état de cause, la Nouvelle-Calédonie n'avait pas accusé réception de la demande de la société Kahn et Associés du 31 mai 2016 dans les conditions prévues par les articles précités L. 112-3 et R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration, rendant inopposables à la société les délais de recours à l'encontre de la décision implicite prise sur sa demande, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la requête de la société Kahn et Associés, enregistrée le 31 janvier 2017 au greffe du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, comme tardive. En outre, les premiers juges ne pouvaient, après avoir estimé que les conclusions indemnitaires de la société Kahn et Associés étaient irrecevables et les avoir rejetées, statuer sur les conclusions reconventionnelles de la Nouvelle-Calédonie. Par suite, le jugement est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Kahn et Associés devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ainsi que sur les conclusions reconventionnelles de la Nouvelle-Calédonie.

Sur le règlement du solde du marché :

7. Il ne résulte pas de l'instruction que la Nouvelle-Calédonie ait établi le décompte général du marché. Il appartient au juge du contrat régulièrement saisi, en l'absence de décompte général devenu définitif, de statuer sur les réclamations pécuniaires des parties.

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle pour faute :

8. La société Kahn et Associés soutient que la Nouvelle-Calédonie a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne définissant pas de manière suffisamment précise ses besoins, ce qui aurait entraîné des prestations supplémentaires à la charge de la société, non prévues dans la convention mentionnée au point 2. Toutefois, il résulte de l'instruction que les besoins de la Nouvelle-Calédonie au regard de la réforme envisagée relative à la mise en place d'une taxe générale sur la consommation (TGC) étaient, à la date du marché litigieux, entièrement connus des cabinets consultants, qui les ont d'ailleurs eux-mêmes analysés avec précision dans leur proposition d'intervention annexée à la convention, dans la partie préliminaire intitulée " Contexte général de votre demande ". En outre, en admettant même établi que la société Kahn et Associés ait commencé à travailler sur la mission relative à la réforme précitée dès le 1er juillet 2015, à la demande du cabinet de la présidence du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, alors que la convention n'a été signée par l'ensemble des parties que le 9 septembre 2015, cette circonstance ne saurait par elle-même révéler une faute de la Nouvelle-Calédonie, dès lors que cette convention, qui ne comporte aucune date de prise d'effet ou de terme mais s'inscrit seulement dans un cadre temporel de seize semaines, doit être regardée, au regard de ses termes et de son contenu, comme exprimant la volonté commune des parties de faire porter ses effets à compter de la date de commencement des travaux par les cabinets consultants. Il résulte de ce qui précède que la société Kahn et Associés n'est pas fondée à soutenir que la Nouvelle-Calédonie aurait commis une faute dans la définition de ses besoins.

En ce qui concerne la demande de paiement de travaux supplémentaires :

9. La société Kahn et Associés soutient que le nombre de prestations qu'elle a réalisées au titre de la convention litigieuse s'est accru de façon très substantielle, à la demande du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Elle demande, par suite, à être indemnisée en conséquence de ces prestations supplémentaires non prévues dans la convention et la proposition d'intervention annexée.

10. Lorsque le cocontractant de l'administration demande le paiement de travaux supplémentaires réalisés dans le cadre d'un marché public de services ou de travaux à prix global et forfaitaire, il lui appartient tout d'abord d'établir que ces travaux n'étaient pas compris dans le prix de son marché. Le cas échéant, il lui appartient d'établir soit que la réalisation de ces travaux lui a été demandée par ordre de service du maître d'oeuvre, soit, en l'absence d'ordre de service écrit ou même d'ordre verbal, que ceux-ci étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

Sur la phase préparatoire de cadrage et de lancement :

11. La société Kahn et Associés soutient, en se référant notamment à sa demande de marché complémentaire, adressée au gouvernement de Nouvelle-Calédonie par lettre du 11 décembre 2015, que le rôle d'assistance à la maîtrise d'ouvrage qu'elle a dû assumer lors de la phase préparatoire, non prévu dans la convention initiale, a généré un dépassement des prestations contractuellement prévues à hauteur de 18,5 jours-hommes, alors qu'aux termes des échanges préalables à la signature de cette convention, sa mission devait seulement revêtir un caractère technique et logistique. Dans ses écritures d'appel, la société fait en outre valoir que, alors que son rôle devait se limiter à apporter un appui logistique au pilotage de la mission, notamment en planifiant et organisant, sur instruction du comité de pilotage, les réunions et comités avec les acteurs socio-économiques concernés, ainsi qu'à apporter une expertise technique, notamment lors de la phase de cadrage, elle a été contrainte, en sus de ces missions, d'une part, de réaliser le travail d'étude d'impact de la réforme qui incombait aux différentes administrations concernées, d'autre part, d'effectuer, en lieu et place du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, les simulations budgétaires nécessaires à un état des lieux exhaustif de la fiscalité du territoire et enfin, à la demande expresse du gouvernement, de traiter de nouveaux secteurs d'activité non prévus dans la convention, à présenter la réforme de la TGC aux intersyndicales et à participer à quatorze réunions supplémentaires. Elle soutient ainsi que, dans un contexte d'incapacité du gouvernement de Nouvelle-Calédonie à définir précisément ses besoins, elle s'est trouvée dans l'obligation de conduire la réforme pour le compte du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

12. Aux termes de l'article 1er de la convention conclue le 9 septembre 2015 entre la Nouvelle-Calédonie et les sociétés Kahn et Associés et Auclair Dupont relative à l'accompagnement à la mise en place de la taxe générale sur la consommation : " La présente convention a pour objet de confier aux cabinets Auclair et Dupont et Kahn et Associés une mission d'appui lors de la phase de cadrage des travaux et d'animation des réunions avec l'ensemble des partenaires économiques et les membres du comité de suivi de l'agenda partagé ainsi qu'avec le comité de pilotage. / Les missions sont détaillées dans la proposition d'intervention ci-jointe et couvrent une période de 16 semaines. ". Aux termes de l'article 3 de la convention : " La société effectue sa mission conformément à la démarche proposée dans son offre de service (...) ". Aux termes du chapitre intitulé " l'objectif final et livrable " de la proposition d'intervention mentionnée à l'article 1er de la convention et annexée à celle-ci : " La mission devra contribuer à déterminer le type d'impôt, son assiette, ses taux, ses types et modalités d'exonération, le cas échéant ses affectations. Des scénarii seront élaborés et la mission devra contribuer à évaluer les impacts possibles notamment sur l'économie et ses agents. / La mission devra aussi éclairer le gouvernement de la Nouvelle Calédonie sur les différents degrés d'acceptabilité des différents schémas ". Aux termes du chapitre intitulé " Notre approche méthodologique " de la proposition d'intervention : " La conduite opérationnelle de la mission relève du cabinet qui sera l'interlocuteur privilégié de l'équipe de consultants et facilitera ainsi le déroulement de la mission (mise à disposition des documents et données, organisation des rendez-vous et/ou groupes de travail, logistique). / L'équipe de consultants s'efforcera d'être un appui d'animation et de formulation pour les professionnels mais aussi le cas échéant et en fonction des besoins, " d'ouvreur du champ des possibles " en apportant expérience ou idées de ce qui pourrait être pertinent. / Les cabinets rechercheront l'adhésion la plus large et ne négligeront pas les rencontres bilatérales pour parvenir au résultat recherché ". Enfin, au chapitre intitulé " Phase 1 : cadrage et ingénierie avec la présidence du gouvernement et les services ", la colonne " objectifs " recense les missions suivantes : " Intégrer les travaux précédents réalisés par les services administratifs / Simuler les besoins de financement à moyen terme des politiques publiques et de la protection sociale / Scénariser les réformes possibles par secteur et leurs conséquences tant en matière de compétitivité, de prix, que de rendement / Permettre au COPIL (Comité de pilotage) de décider en connaissance de cause ".

13. Il résulte de l'instruction que la définition des missions et le recensement des travaux que la société Kahn et Associés a accomplis, à compter du 1er juillet 2015, dans le cadre du projet de réforme de la TGC, doivent être analysés au regard des seules dispositions de la convention signée le 9 septembre 2015, incluant la proposition d'intervention qui y est annexée, et non en considération des différents échanges et notes de cadrage préalables à cette signature, lesquels n'ont de portée juridique que dans la seule mesure où les éléments qu'ils contiennent ont été, totalement ou partiellement, intégrés à ladite convention. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que, si la société Kahn et Associés soutient que la phase 1, dite préparatoire, incluait sa participation à treize réunions et qu'elle en a tenues en réalité vingt-sept, soit quatorze supplémentaires, cette analyse ne saurait se déduire d'aucune stipulation contractuelle, la proposition d'intervention annexée ne comportant aucune évaluation du nombre de réunions à tenir mais se borne à distinguer, s'agissant de cette première phase, deux types de réunions selon que celles-ci concernaient les membres du gouvernement chargés des différents secteurs ou les services administratifs en charge de l'analyse de l'existant par secteurs. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait tenu des réunions supplémentaires en sus de celles prévues dans les documents contractuels.

14. En deuxième lieu, si la société soutient, ainsi qu'il a été dit au point 11, qu'elle n'avait essentiellement qu'un rôle d'appui technique et logistique, et non un rôle d'assistance au pilotage de la réforme, cette limitation alléguée de ses missions n'est pas non plus corroborée par les stipulations précitées de la convention et de la proposition d'intervention annexée. En effet, si, aux termes de celles-ci, les missions de la société consistaient, prioritairement, à contribuer à déterminer les caractéristiques techniques de l'impôt, à simuler les besoins de financement, à scénariser les réformes possibles par secteur en évaluant les impacts possibles sur l'économie et ses agents et, par là même, à éclairer le gouvernement de la Nouvelle Calédonie sur les enjeux de la réforme, il résulte de ces mêmes stipulations que ces missions incluaient également une dimension d'impulsion de la réforme à mettre en oeuvre, d'animation et d'information des réunions et comités, ainsi que de coordination et de recherche d'adhésion des différents acteurs concernés. Ces dernières missions impliquaient que la société Kahn et Associés fût investie d'une capacité de conduire et d'orienter les négociations avec lesdits acteurs, afin d'être en mesure de proposer au gouvernement de Nouvelle-Calédonie des solutions pertinentes en rapport avec les degrés d'acceptabilité par celui-ci des différents schémas proposés. Dans ces conditions, la société Kahn et Associés ne saurait soutenir que les travaux d'étude d'impact de la réforme, alors même qu'ils devaient être réalisés avec le concours des différentes administrations concernées, et la réalisation de simulations budgétaires, laquelle faisait partie des objectifs contractuellement définis, constituaient des prestations supplémentaires non prévues dans la convention. La société n'est pas davantage fondée à soutenir que le traitement de prétendus nouveaux secteurs d'activité, alors qu'aucun secteur précis n'était identifié dans les documents contractuels, ainsi que la restitution des simulations budgétaires aux différents intervenants et la présentation de la réforme aux intersyndicales, alors que la mission d'élaboration des communications d'annonce aux acteurs, à l'inverse, y figurait, ne faisaient pas partie de ses missions contractuellement définies. Par suite, la société Kahn et Associés n'est pas fondée à invoquer des prestations supplémentaires au titre de la phase préparatoire de cadrage et de lancement.

Sur la phase de mise en oeuvre :

15. La société Kahn et Associés fait valoir qu'elle a participé à toutes les réunions du comité de suivi de l'agenda partagé relatives à la réforme de la taxe générale sur la consommation, soit huit réunions au total entre le 17 juillet 2015 et le 18 décembre 2015, représentant, pour les deux cabinets consultants, un total de 31,25 jours-hommes dont 18,25 jours-hommes pour elle-même. Elle soutient que cette participation, qui n'était pas prévue au marché, doit être prise en compte au titre de travaux supplémentaires. Elle soutient en outre qu'elle a participé à 37 réunions au titre de la phase de mise en oeuvre, alors que 21 réunions seulement étaient contractuellement prévues, ce qui représente un surplus de seize réunions, équivalant, pour les deux cabinets, à un temps de travail de 32 jours-hommes au titre de la tenue de ces réunions et 32 jours-hommes au titre de la préparation de ces réunions. Le total des prestations supplémentaires invoquées par la société au titre de la phase de mise en oeuvre s'élève ainsi à 95,25 jours-hommes pour les deux cabinets consultants.

16. En premier lieu, il résulte de l'examen de la proposition d'intervention annexée à la convention que la phase de mise en oeuvre externe avait notamment pour objectifs la tenue de deux réunions préliminaires avec chacun des collèges membres du comité de suivi de l'agenda partagé, soit un total de 16 réunions compte tenu de l'existence de huit collèges représentatifs au sein de ce comité, une réunion avec les trois chambres consulaires et deux réunions avec chacun des huit grands secteurs économiques. Par suite, la convention prévoyait un total de 33 réunions au titre de la phase de mise oeuvre externe, et non 21 ainsi que le soutient la société requérante. Ayant établi avoir effectué un total de trente-sept réunions de secteurs au titre de la phase de mise en oeuvre externe et travaillant, ainsi qu'il résulte de la proposition d'intervention précitée, " sous la conduite du représentant du cabinet du président du gouvernement ", la société Kahn et Associés doit être regardée comme ayant reçu l'ordre verbal d'accomplir ces quatre réunions supplémentaires. Elle est, par suite, fondée à en demander le paiement. Il sera fait une juste appréciation du temps de travail relatif à ces quatre réunions, compte tenu de l'évaluation globale faite dans la proposition d'intervention de soixante-et-un jours-hommes de travail pour un total de 33 réunions, soit 1,85 jours-hommes de travail par réunion, en les évaluant à 7,5 jours-hommes de travail. En outre, il résulte de l'instruction que la participation de la société Kahn et Associés aux réunions du comité de suivi de l'agenda partagé, qui doit également être regardée comme ayant fait l'objet d'un ordre verbal du maître d'ouvrage, est établie à hauteur de six réunions intervenues sur une durée de huit jours et demi. Il sera fait une juste appréciation du temps de travail correspondant à ces six réunions en l'évaluant à un total de 17 jours-hommes pour les deux cabinets consultants, lequel sera augmenté d'un temps de préparation dont il sera fait une juste évaluation en le fixant à 50 % du temps de travail par réunion. Il résulte de ce qui précède que l'évaluation totale du temps de travail relatif aux réunions du comité de suivi de l'agenda partagé représente un total de 25,5 jours-hommes dont la société Kahn et Associés est fondée à demander le paiement. En conséquence, la société est fondée à demander le paiement global, au titre de la phase de mise en oeuvre, d'un montant de 33 jours-hommes supplémentaires. La société Kahn et Associés soutenant sans être contredite que le tarif moyen des cabinets consultants s'élève à 136 154 F CFP HT, il sera fait une juste appréciation du montant dû aux deux cabinets consultants en l'évaluant à la somme de 4 493 082 F CFP HT. Compte tenu du prorata de répartition entre la société Kahn et Associés et la société Auclair Dupont, tel qu'il a été proposé par le conseil des deux sociétés dans sa lettre du 31 mai 2016 mentionnée au point 2, et confirmé par la société requérante dans ses écritures tant de première instance que d'appel, la somme due à cette dernière au titre des prestations supplémentaires de la phase de mise en oeuvre est de 2 673 698,29 F CFP HT.

En ce qui concerne l'enrichissement sans cause :

17. Lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit, le cas échéant d'office, à écarter l'application du contrat en raison des irrégularités qui l'entachent, les parties peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause de l'une d'elle ou de la faute, pour l'une d'elle, à avoir conclu un tel contrat, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles. Il résulte toutefois de l'instruction qu'aucune cause d'irrégularité ou d'invalidité de la convention signée le 9 septembre 2015 entre les parties n'a été invoquée par l'une d'elles ou n'est à relever d'office. Par suite, les conclusions de la société Kahn et Associés fondées sur l'enrichissement sans cause de la Nouvelle-Calédonie du fait du dépassement allégué des missions qui lui étaient imparties, formulées pour la première fois devant la Cour, sont, pour ce motif, entachées d'irrecevabilité et doivent, en conséquence, être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions reconventionnelles de la Nouvelle-Calédonie :

18. Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie soutient qu'il ressort de l'analyse des rapports, comptes-rendus et livrables qui lui ont été remis que la société Kahn et Associés n'a pas réalisé différentes tâches qui lui incombaient au titre de la phase de cadrage et de lancement, à savoir l'analyse prospective des rendements à moyen terme, l'appui à la reconstitution des chaînes de valeur, l'appui à la détermination des CA/VA/ Masses salariales/taux de prélèvement/taux de financement de protection sociale par secteur et par maillons avec analyse de toutes les consommations intermédiaires, l'appui à la scénarisation des besoins de financement des institutions et de la protection sociale, ainsi que la note de synthèse comprenant les scenarii relatifs aux finances publiques et aux réformes sectorielles. Il résulte toutefois de l'instruction que le gouvernement de Nouvelle-Calédonie ne produit aucun

procès-verbal de réception des travaux, le cas échéant assorti de réserves, de nature à établir le défaut d'exécution des prestations prévues à la convention. En outre, le maître d'ouvrage s'est acquitté du paiement intégral du prix convenu au marché, sur la base de trois factures de la société Kahn et Associés au bas desquelles il a été apposé la mention " service fait ", laquelle est de nature à établir que le gouvernement de Nouvelle-Calédonie avait estimé, à la date du paiement du prix de la convention, que l'ensemble des prestations prévues par la convention et la proposition annexée avaient été réalisées par la société. En tout état de cause, il ressort des pièces, produites pour la première fois en appel par la société Kahn et Associés, que cette dernière a livré ou fourni l'ensemble des documents, analyses, appuis et études précités, prévus dans la proposition d'intervention annexée à la convention au titre de la phase 1. Par suite, les conclusions de la Nouvelle-Calédonie tendant à l'indemnisation de certaines tâches prévues à la convention et prétendument non réalisées par la société Kahn et Associés doivent être rejetées.

En ce qui concerne la requête n° 18PA03101 :

19. Le document enregistré sous le n° 18PA03101 constitue en réalité le double de la requête présentée par la société Kahn et Associés et enregistrée sous le n° 18PA03102. Ce document doit être rayé du registre du greffe de la Cour et joint à la requête n° 18PA03102, sur laquelle il est statué par le présent arrêt.

En ce qui concerne les requêtes n° 18PA03102 et 18PA03315 :

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

20. La Nouvelle-Calédonie soutient que la demande préalable de la société, reçue par elle le 8 novembre 2017, n'a pu avoir pour effet de lier un nouveau contentieux, une demande identique ayant déjà été reçue le 3 juin 2016 par la collectivité territoriale, fondée sur la même cause juridique, et ayant donné lieu à une décision implicite de rejet. Elle fait valoir ainsi que la demande de la société Kahn et Associés enregistrée le 8 mars 2018 devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie présente une identité de parties, de cause et d'objet avec sa première demande enregistrée le 31 janvier 2017 et que, par suite, elle est irrecevable du fait de l'autorité de la chose jugée par le jugement n° 1700029 du 15 juin 2017. Toutefois, si les deux litiges successivement portés devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie opposaient les mêmes parties et si les deux demandes tendaient à l'indemnisation du même préjudice résultant de prestations réalisées dans le cadre de la convention mentionnée au point 2 et restées impayées, en revanche, ces demandes reposaient sur des causes juridiques distinctes, la première étant fondée sur l'indemnisation des travaux supplémentaires réalisés à la demande de la Nouvelle-Calédonie et la deuxième sur la faute de cette dernière. Dès lors, le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 15 juin 2017 n'était revêtu d'aucune autorité de chose jugée dans le cadre du second litige porté devant le même tribunal, lequel restait donc libre de porter sur la deuxième demande de la société Kahn et Associés une appréciation différente de celle qui résultait de ce jugement, notamment en retenant qu'elle était recevable. S'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la requête de la société enregistrée le 31 janvier 2017 était, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, recevable, cette circonstance est sans incidence sur la recevabilité de la seconde requête enregistrée le 8 mars 2018. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la Nouvelle-Calédonie doit être écartée.

Sur le règlement du solde du marché :

21. Il résulte de l'instruction, notamment des écritures de la société Kahn et Associés dans les affaires susvisées, que ses conclusions indemnitaires sont relatives aux mêmes prestations que celles évoquées aux points 13 à 17 du présent arrêt et qu'il y a lieu d'indemniser, ainsi qu'il a été dit, à hauteur de 2 673 698,29 F CFP HT.

22. Il résulte également de l'instruction, notamment des écritures de la Nouvelle-Calédonie dans les affaires susvisés, que ses conclusions tendant à l'indemnisation des prestations dont elle estime qu'elles n'ont pas été réalisées par la société au titre de la convention du 9 septembre 2015 sont relatives aux mêmes faits que ceux exposés dans le cadre de la requête n° 17PA02842. Par suite, pour les motifs exposés au point 18, ces conclusions incidentes doivent être rejetées.

23. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 2 673 698,29 F CFP HT le montant auquel la Nouvelle-Calédonie a été condamnée à verser à la société Kahn et Associés au titre des prestations supplémentaires à la convention du 9 septembre 2015 et de réformer en ce sens le jugement attaqué n° 1800074 du 13 juillet 2018.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Kahn et Associés, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Nouvelle-Calédonie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Kahn et Associés et non compris dans les dépens de la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Les productions n° 18PA03101 seront rayées du registre du greffe de la Cour pour être jointes à la requête n° 18PA03102.

Article 2 : Le jugement n° 1700029 du 15 juin 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 3 : La somme de 1 857 492 F CFP HT à laquelle la Nouvelle-Calédonie a été condamnée à verser à société Kahn et Associés par le jugement n° 1800074 du 13 juillet 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est portée à 2 673 698,29 F CFP HT.

Article 4 : Le jugement n° 1800074 du 13 juillet 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La Nouvelle-Calédonie versera à la société Kahn et Associés une somme 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société Kahn et Associés présentées devant le Tribunal administratif et devant la Cour et le surplus de ses conclusions incidentes sont rejetés.

Article 7 : Les conclusions reconventionnelles de la Nouvelle-Calédonie présentées devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ainsi que sa requête et ses conclusions incidentes présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 8 : Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kahn et Associés et au gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 14 février 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme Portes, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le, 17 avril 2020.

La présidente de la formation de jugement,

M. C...

La République mande et ordonne à la ministre des Outre-Mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

16

Nos 17PA02842...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02842-18PA03101-18PA03102-18PA03315
Date de la décision : 17/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Point de départ des délais.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Astreinte - Demande irrecevable.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SELARL JEAN-JACQUES DESWARTE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-04-17;17pa02842.18pa03101.18pa03102.18pa03315 ?
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