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10/04/2020 | FRANCE | N°19PA01860

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 avril 2020, 19PA01860


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 janvier 2019, par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire, lui a refusé le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901572/8 du 4 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces trois décisions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, le préfet de police demande à

la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901572/8 du 4 février 2019 du Tribunal administratif de Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 janvier 2019, par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire, lui a refusé le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1901572/8 du 4 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces trois décisions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901572/8 du 4 février 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré d'un défaut de motivation et d'examen de la situation personnelle de M. A..., alors que l'arrêté contesté mentionne tous les éléments de droit et de fait qui lui servent de fondement, étant observé que tous les éléments concernant la situation personnelle de l'intéressé n'avaient pas à être mentionnés ;

- la situation de M. A... a fait l'objet d'un examen circonstancié et complet ;

- les autres moyens invoqués par le requérant en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 25 janvier 2019, le préfet de police a obligé M. A..., de nationalité pakistanaise, à quitter le territoire français, lui a refusé le délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a placé en rétention administrative. Par un jugement du 4 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces trois décisions. Le préfet de police interjette appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :

2. Contrairement à ce que soutenait M. A... devant le Tribunal, l'arrêté du 25 janvier 2019 mentionne les éléments de sa situation personnelle portés à la connaissance du préfet de police. Il vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les accords de Schengen du 19 juin 1990 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les dispositions de l'article L. 211-1 de ce code, le I de son article L. 511-1 et du II du L 511-1 dont il est fait application, et indique, d'une part, qu'il existe un risque que M. A... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet, qu'il ne présente pas des garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne justifie d'une résidence effective et permanente, d'autre part, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, du fait qu'il est célibataire et sans enfant. L'arrêté contesté mentionne que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à " la convention européenne des droits de l'homme " en cas de retour dans son pays d'origine ou dans son pays de résidence habituel où il est effectivement ré admissible. L'arrêté comporte l'exposé de l'ensemble des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, il est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de M. A... avant de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

3. Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 25 janvier 2019 au motif qu'il était insuffisamment motivé.

4. Toutefois il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A....

Sur les autres moyens soulevés en première instance par M. A... :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 531-1 de ce code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009 (...) ".

6. Selon les dispositions qui précèdent, le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou du deuxième alinéa de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.

7. Il ressort des pièces du dossier, que M. A... a été interpellé lors d'un contrôle d'identité. Le procès-verbal d'audition et le procès-verbal récapitulatif de retenue d'étranger établis le 25 janvier 2019 attestent que M. A... a été entendu par les services de police préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté. Il ressort de ces procès-verbaux que l'intéressé, qui a déclaré être entré en France en provenance de l'Italie et être en situation régulière dans ce pays, ne disposait pas d'un titre de séjour italien en cours de validité, ni d'aucun autre document administratif susceptible de corroborer ses déclarations. Le titre de séjour italien qu'il a présenté était périmé depuis le 19 décembre 2018 et il n'a pas justifié avoir entrepris des démarches en vue de son renouvellement. Par ailleurs, la seule circonstance que M. A..., de nationalité pakistanaise, soit titulaire d'une carte d'identité italienne en cours de validité ne peut suffire à faire obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre dès lors que ce document ne vaut pas titre de séjour. Ainsi, M. A... n'était légalement admissible au séjour ni en France, ni en Italie et le préfet de police était fondé à saisir les autorités italiennes en vue d'une réadmission sur le fondement de l'article L. 531-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation sur la situation de M. A... ainsi qu'une erreur de droit en prononçant l'obligation de quitter le territoire français contestée ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire invoqué à l'encontre de la décision refusant un délai de départ volontaire doit être écarté.

9. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...)./ Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) "

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui selon ses dires réside habituellement en Italie mais dont le titre de séjour italien est expiré et qui n'a pas fourni à l'administration l'adresse de l'ami chez qui il a déclaré habiter pendant son séjour en région parisienne, ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale et ne présente dès lors pas de garanties de représentation suffisantes en France. Dans ces conditions, et alors même que M. A... avait manifesté l'intention de repartir en Italie, le préfet de police n'a commis ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'il existait un risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire.

En ce qui concerne la décision portant fixant le pays de destination :

11. Compte tenu de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper, au soutien de sa demande tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions attaquées en première instance et à demander l'annulation de ce jugement, ainsi que le rejet de la demande de M. A... devant ce tribunal.

DÉCIDE :

Article 1er Le jugement n° 1901572/8 du 4 février 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....

Copies en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 avril 2020.

Le président de la 7ème chambre,

C. JARDIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA01860 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01860
Date de la décision : 10/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-04-10;19pa01860 ?
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