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11/03/2020 | FRANCE | N°19PA00358

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 11 mars 2020, 19PA00358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement d'intérêt économique (GIE) Point Travaux a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au

31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1711306/2-3 du 22 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu pour lui de statuer à hauteur du dégrèvement accordé en cours

d'instance par l'administration, a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement d'intérêt économique (GIE) Point Travaux a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au

31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1711306/2-3 du 22 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu pour lui de statuer à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance par l'administration, a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 janvier, 27 juin, 23 juillet et

16 décembre 2019, le GIE Point Travaux, représenté par Me A... C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1711306/2-3 du 22 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, les pièces et mémoires échangés entre les parties n'ayant pas été régulièrement communiqués ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le solde du compte 44567 " Crédit de TVA à reporter ", d'un montant de 61 485 euros, a été justifié et les premiers juges ne pouvaient valider le montant de 29 713 euros retenu par le service vérificateur au titre du crédit de taxe sur la valeur ajoutée existant au 1er janvier 2010 ; en application du principe d'intangibilité du bilan d'ouverture, les soldes à nouveau des comptes doivent obligatoirement être ceux qui avaient été enregistrés dans les écritures de clôture ; en conséquence et sur le fondement de ce principe applicable au titre de l'exercice 2010, la régularisation de TVA de 97 619 euros ne saurait en aucun cas être remise en cause ;

- le tribunal a refusé à tort de considérer que les documents produits devant lui étaient de nature à justifier l'application du taux réduit de taxe, sur le fondement du rescrit n° 2007/37 (TCA) du 9 octobre 2007 ;

- les rappels de taxe déductible prétendument non justifiée à hauteur de 32 827 euros ne sont pas fondés, dès lors que le service vérificateur a omis de prendre en compte certaines factures ainsi que le règlement d'acomptes ;

- l'application des pénalités pour manquement délibéré n'est pas fondé.

Par des mémoires en défense enregistrés les 2 juillet et 12 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture d'instruction a été fixée au 31 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocat du GIE Point Travaux.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement d'intérêt économique (GIE) Point Travaux, qui a pour objet la coordination de chantiers et le partage de moyens techniques en matière de travaux du bâtiment, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle lui ont été assignés des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Il relève appel du jugement n° 1711306/2-3 du 22 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu pour lui de statuer à hauteur d'un dégrèvement accordé en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités de ces rappels de taxe.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour contester la régularité du jugement attaqué, le GIE Point Travaux se borne à soutenir, sans autre précision, que tous les mémoires et pièces échangés entre les parties n'ont pas été régulièrement communiqués. Ce faisant, il ne met pas la Cour à même d'apprécier le

bien-fondé de ce moyen.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

3. Aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts, dans la rédaction applicable : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans (...) / 3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au 2. Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'application du taux réduit est soumise à la double condition que le preneur établisse, à la date du fait générateur de la taxe, ou au plus tard à celle de la facturation, une attestation selon laquelle les travaux effectués remplissent les conditions posées par cet article et que la personne qui réalise ces travaux, et qui établit la facturation, conserve cette attestation à l'appui de sa comptabilité.

4. L'administration a remis en cause le bénéfice du taux réduit de 5,5 % de taxe sur la valeur ajoutée appliqué par le GIE Point Travaux sur certaines factures de travaux, au motif que la condition de fond tenant à l'établissement et à la conservation de l'attestation prévue par le texte susénoncé n'était pas satisfaite. Le GIE ne produit à l'appui de ses écritures aucune des attestations requises correspondant auxdites factures et ne conteste d'ailleurs pas ne pas avoir établi et conservé de telles attestations.

5. Toutefois, il revendique le bénéfice d'un rescrit n° 2007/37 (TCA) du 9 octobre 2007 aux termes duquel : " (...) Les mentions figurant respectivement sur les deux modèles d'attestation (" simplifiée " et " normale "), disponibles avec leur notice explicative sur le site internet de l'administration fiscale www.impots.gouv.fr, sont impératives. Cela étant, afin de limiter la consommation de papier, les prestataires ont la possibilité de reprendre au verso ou à la suite de leurs devis ou bons de commandes le contenu du modèle d'attestation approprié à leur situation. (...) ", et produit devant la Cour à l'appui de ses écritures, des devis signés et datés de 2008. A supposer que ces documents, qui n'ont pas été présentés au vérificateur lors des opérations de contrôle et sont produits pour la première fois en appel, puissent être considérés comme ayant été établis à la date qu'ils mentionnent et conservés depuis par le GIE dans les conditions ouvrant droit au bénéfice de l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée, la mention laconique relative au bénéfice du taux de réduit figurant sur leur verso, parmi les clauses générales de vente, au demeurant pré-imprimée, ne répond pas aux exigences posées par le rescrit rappelé ci-dessus, dont le groupement d'intérêt économique requérant n'est, par suite, pas fondé à se prévaloir sur le fondement des articles L. 80 A ou L. 80 B du livre des procédure fiscales.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

6. D'une part, aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " et aux termes du 1 du I de l'article 271 de ce code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) /II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels (...) ". L'article 269 précise en son point 2 que la taxe est exigible : " (...) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 177 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne la TVA déductible dans les conditions fixées par l'article 271 du CGI, les redevables doivent justifier du montant de la taxe déductible et du crédit de taxe dont ils demandent à bénéficier, par la présentation de documents même établis antérieurement à l'ouverture de la période soumise au droit de reprise de l'administration ".

S'agissant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée à l'ouverture de l'exercice 2010 :

8. le GIE Point Travaux, qui a porté sur la ligne 21 " Autre TVA à déduire " de la déclaration rectificative qu'il a souscrite le 13 février 2013 au titre de l'année 2010, un montant de 97 619 euros en indiquant qu'il s'agissait d'une " régularisation suite au contrôle des comptes clients et fournisseurs au 31/12/2009 " soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le solde du compte 44567 " Crédit de TVA à reporter ", d'un montant de 61 485 euros au 1er janvier 2010, reporté de l'exercice précédent, a été justifié, et que c'est à tort que le vérificateur a ramené ce montant à 29 713 euros.

9. En application des dispositions susénoncées, il appartient au contribuable qui invoque un crédit de taxe trouvant son origine dans une année prescrite d'en justifier en produisant les documents établissant ses droits à déduction, et les règles afférentes à la correction symétrique des bilans et à l'intangibilité du bilan d'ouverture, prévues par l'article 38-2 et 38-4 bis du code général des impôts et applicables en matière d'impôt direct pour la détermination du bénéfice imposable, ne sauraient avoir pour effet de permettre au GIE de déduire un montant de taxe injustifié.

10. Or, il résulte de l'instruction que le mode de comptabilisation de la taxe sur la valeur ajoutée appliqué par le GIE et décrit dans la proposition de rectification, ne permettait pas à la comptabilité de retracer la réalité de la position de la société vis-à-vis du Trésor, les montants reportés en comptabilité n'étant pas en adéquation avec ceux reportés sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, tant celles originellement déposées que celle souscrite à titre rectificatif en février 2013. En effet, il est constant que le montant de la taxe collectée non encore exigible et le montant de la taxe déductible dont le droit à déduction n'est pas encore intervenu ne faisaient pas l'objet d'une comptabilisation détaillée, la société procédant aux soldes des comptes " TVA collectée " et " TVA déductible " en une seule écriture comptable en fin d'année. Dans ces conditions, le tableau présenté par le GIE, non plus que la balance globale définitive établie en 2013 après le contrôle, qui font apparaître un montant de taxe à régulariser de 100 198 euros et déclaré par le GIE à hauteur de 97 619 euros sur la déclaration rectificative du mois de janvier 2010, ne peuvent suffire à justifier la réalité du droit à déduction de 61 845,18 euros et pas davantage, en tout état de cause, la déduction opérée par le GIE pour un montant de 97 619 euros sur la déclaration rectificative souscrite au titre du mois en cause. A cet égard, le GIE Point Travaux ne peut utilement se prévaloir d'une acceptation implicite par l'administration du crédit de taxe reporté, une telle acceptation ne ressortant en aucun cas de la proposition de rectification établie à la suite d'un précédent contrôle.

S'agissant des autres rappels de taxe déductible sur biens et services opérés au titre de l'année 2010 :

11. Alors que le GIE Point Travaux a successivement déclaré un montant de " taxe déductible sur autres biens et services " de 100 011 euros sur ses déclarations initiales, porté à

117 213 euros sur ses déclarations rectificatives souscrites le 13 février 2013, le vérificateur, après analyse des comptes bancaires du GIE et des factures présentées pour justifier cette taxe déduite, n'a admis la taxe déductible qu'à hauteur de 84 386 euros, excluant les factures qui, soit n'avaient pas été produites, soit ne comportaient pas le montant de la taxe correspondante, soit encore dont le paiement n'avait pas été justifié alors qu'elles concernaient des prestations de services. Si le GIE conteste, comme il le faisait devant le tribunal, le rappel de taxe d'un montant de 32 827 euros opéré en conséquence, au motif que des factures auraient été omises par le vérificateur, les documents qu'il verse au dossier ne justifient pas de droits à déduction supérieurs à ceux admis. Ainsi, la facture MAS produite en appel ne comporte pas de mention de la taxe sur la valeur ajoutée concernant l'acompte versé, et, plus généralement, les factures concernant des prestations de services ne sont pas assorties du justificatif de leur paiement, faute d'un rapprochement opéré entre les montants facturés et les débits mentionnés sur le compte bancaire du groupement. De même, si le GIE se prévaut notamment de la déductibilité de la taxe figurant sur une facture AZT décoration en produisant des relevés bancaires pour justifier de son paiement, les montants figurant sur ceux-ci ne correspondent pas à ceux mentionnés sur la facture produite. Dans ces conditions, le GIE ne conteste pas valablement les rectifications en cause.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

13. Le GIE Point Travaux conteste devant la Cour, comme il le faisait en première instance, le bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré appliquée par l'administration au rappel afférent aux reports de crédit de taxe injustifiés et à la taxe mentionnée en " autre TVA à déduire ", en faisant valoir que c'est pour prendre en compte les conséquences financières de la précédente vérification de comptabilité dont il a fait l'objet qu'il a procédé à des déclarations rectificatives et qu'il a ainsi agi en toute bonne foi. Toutefois, pour les motifs retenus à bon droit par le tribunal et qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter, ce moyen doit être écarté, l'administration ayant, dans la proposition de rectification, suffisamment motivé l'application de ladite majoration et apporté la preuve du caractère intentionnel des graves anomalies constatées en comptabilité et réitérées, conduisant à des crédits de taxe fictifs et des majorations indues de taxe sur la valeur ajoutée déductible.

14. De tout ce qui précède, il résulte que le GIE Point Travaux n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des impositions litigieuses doivent, par suite, être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête du GIE Point Travaux est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GIE Point Travaux et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 26 février 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 mars 2020.

Le rapporteur,

S. APPECHELe président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA000358 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00358
Date de la décision : 11/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : MAROUBY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-11;19pa00358 ?
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