Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution des prélèvements sociaux qu'il a acquittés sur une plus-value immobilière réalisée en France, auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2014, assortie des intérêts moratoires, et de dire que ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.
Par une ordonnance n° 1622571 en date du 5 novembre 2018, la présidente de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 janvier 2019, M. C..., représenté par
Me E... et Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1622571 en date du 5 novembre 2018 de la présidente de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, des prélèvements sociaux qu'il a acquittés pour un montant de 10 706 euros à raison de la plus-value de cession immobilière qu'il a réalisée le 21 juillet 2014 lors de la vente d'un immeuble situé à Paris ;
3°) de dire que les intérêts moratoires porteront eux-mêmes intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- étant affilié à un régime de sécurité sociale à Hong-Kong pour l'année en litige, il ne peut être assujetti aux prélèvements sociaux à raison de la plus-value immobilière qu'il a réalisée lors de la cession en 2014 d'un bien qu'il détenait à Paris ;
- le principe d'unicité de législation fait obstacle à ce que la plus-value de cession immobilière qu'il a réalisée soit soumise aux prélèvements sociaux ;
- la perception de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine des contribuables
non-résidents est contraire à la liberté de circulation des capitaux prévue par l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en ce qu'elle crée une différence de traitement entre les résidents français et les non-résidents ;
- en vertu du principe d'égalité fondé sur les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la différence de traitement, en matière de contributions sociales, entre les résidents d'un autre Etat membre de l'Union européenne et les résidents d'un pays tiers à l'Union européenne n'est pas justifiée, dès lors qu'en tant que résident fiscal chinois et affilié à un régime de sécurité sociale dans ce pays, il est placé dans une situation identique à celle d'un résident d'un pays membre de l'Union européenne.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015 C-623/13 ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 janvier 2018, C-45/17 ;
- la décision n° 395065 du Conseil d'État du 18 octobre 2017 ;
- la décision n° 397881 du Conseil d'État du 5 mars 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant français domicilié .... Il fait appel de l'ordonnance en date du
5 novembre 2018, par laquelle la présidente de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre de l'année 2014 à raison de la plus-value de cession réalisée lors de cette vente.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté dont la substance a été reprise à l'article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 : " 1. Le présent règlement s'applique aux travailleurs salariés ou non salariés et aux étudiants qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres et qui sont des ressortissants de l'un des Etats membres (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt du 18 janvier 2018, Frédéric Jahin contre Ministre de l'économie et des finances, Ministre des affaires sociales et de la santé, C-45/17, que le règlement ne s'applique qu'à des personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale d'un ou de plusieurs États membres de l'Union européenne. Il résulte également de ces dispositions, qui s'inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne, que le règlement ne s'applique pas à des personnes qui sont affiliées à un régime de sécurité sociale dans un État tiers à l'Union européenne, autre que les États membres de l'Espace économique européen ou la Suisse, États auxquels l'application du règlement a été étendue par voie d'accords internationaux.
4. Il résulte également de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter, C 623/13, qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un État membre de l'Union européenne autre que la France, d'un État membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse ne peut être soumise aux prélèvements sur les revenus du capital prévus par la législation française qui entrent dans le champ du règlement du 29 avril 2004. En revanche, ce règlement ne fait pas obstacle à ce qu'une personne affiliée à la sécurité sociale dans un État tiers à l'Union européenne autre que la Suisse ou les États membres de l'Espace économique européen soit soumise à ces mêmes prélèvements.
5. Il est constant que M. C... relève d'un régime d'assurance sociale à Hong Kong, et n'est affilié à aucun régime de sécurité sociale en France ou dans un État membre de l'Union européenne, de l'Espace économique européen ou en Suisse. Il ne peut, dès lors, utilement se prévaloir du principe d'unicité d'affiliation et de cotisation au régime de sécurité sociale.
6. En deuxième lieu, le requérant soutient que la perception de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine des contribuables non-résidents est contraire aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, entre, d'une part, les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d'un État membre de l'Union européenne, et, d'autre part, les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d'un État tiers. Toutefois, le Conseil constitutionnel a, par une décision n° 2016-615 QPC du 9 mars 2017, jugé que les dispositions du premier alinéa du e du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, instituant la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, étaient conformes à la Constitution. S'agissant des autres contributions sociales, le moyen soulevé par le requérant n'a pas été présenté par un mémoire distinct, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative. Il doit, dès lors, être écarté comme irrecevable.
7. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ". Aux termes du 1 de l'article 64 du même traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l'Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission
de titres sur les marchés des capitaux (...) ". Aux termes du 1 de l'article 65 du même traité :
" L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis (...) ".
8. Par l'arrêt du 18 janvier 2018, Jahin contre Ministre de l'économie et des finances, Ministre des affaires sociales et de la santé, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé qu'une législation telle que la législation française relative à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et à la contribution additionnelle à ce prélèvement, qui réserve un traitement plus favorable aux ressortissants de l'Union qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un autre État membre, d'un État membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse, qu'à ceux qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un État tiers, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux entre un État membre et un État tiers, qui est, en principe, interdite par l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
9. Elle a cependant jugé qu'une telle restriction à la libre circulation des capitaux entre un État membre et un État tiers était susceptible d'être justifiée, au regard des stipulations précitées du a) du paragraphe 1 de l'article 65 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, par la différence de situation objective qui existe entre une personne physique, ressortissant d'un État membre, mais résidant dans un État tiers à l'Union européenne autre qu'un État membre de l'Espace économique européen ou la Suisse et qui y est affiliée à un régime de sécurité sociale, et un ressortissant de l'Union résidant et affilié à un régime de sécurité sociale dans un autre État membre.
10. Il s'ensuit que la circonstance qu'une personne affiliée à un régime de sécurité sociale d'un État tiers à l'Union européenne, autre que les États membres de l'Espace économique européen ou la Suisse, soit soumise, comme les personnes affiliées à la sécurité sociale en France, aux prélèvements sur les revenus du capital prévus par la législation française, ne constitue pas une restriction aux mouvements de capitaux en provenance ou à destination des pays tiers interdite par l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. M. C... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les contributions en litige ont été mises à sa charge en méconnaissance du principe de libre circulation des capitaux énoncé à cet article.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'action, et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. A..., président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 mars 2020.
Le président rapporteur,
S.-L. A...L'assesseur le plus ancien,
V. POUPINEAU
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00013