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11/03/2020 | FRANCE | N°18PA01132

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 11 mars 2020, 18PA01132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Salés Sucrés a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée pour défaut de déclaration de commissions versées en 2010.

Par un jugement n° 1602411/3 du 8 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 avril et 6 juillet 2018, la SAS Salés Sucrés, représentée par Mes Jean-Jacques Calderini et Antoine de Ginestet, de

mande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1602411/3 du 8 février 2018 du Tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Salés Sucrés a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge de l'amende qui lui a été infligée pour défaut de déclaration de commissions versées en 2010.

Par un jugement n° 1602411/3 du 8 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 avril et 6 juillet 2018, la SAS Salés Sucrés, représentée par Mes Jean-Jacques Calderini et Antoine de Ginestet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1602411/3 du 8 février 2018 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en fait, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, à défaut pour l'administration d'avoir précisé les éléments de fait sur lesquels elle s'est fondée pour considérer que des sommes inscrites aux comptes fournisseurs étaient constitutives de commissions ; cette insuffisance de motivation ne pouvait être corrigée par la décision de rejet de la réclamation, postérieure à la mise en recouvrement ;

- dès lors, en se bornant à relever l'inscription de charges dans un compte de commission n° 6222 sans faire aucune référence à des factures et à leurs libellés, l'administration ne peut être regardée comme ayant établi que les sommes inscrites à ce compte avaient bien la nature de commission ; l'inscription dans un compte particulier d'une charge ne présume pas de sa nature ; les versements en litige sont susceptibles de constituer des prestations de service ;

- l'administration n'apporte pas, en conséquence, la preuve qu'elle aurait méconnu l'obligation prévue à l'article 240 du code général des impôts de déclarer les commissions, honoraires et autres rémunérations versés ;

- dans sa décision de rejet de la réclamation, l'administration a précisé les éléments justifiant l'application de l'amende fiscale prévue au 1° du I de l'article 1736 du code en faisant référence à des extraits de comptabilité qui lui avaient été remis lors des opérations de vérification de comptabilité dont elle ne pouvait conserver un double en méconnaissance de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, il n'est pas reproché au service d'avoir irrégulièrement emporté des documents comptables, mais d'avoir méconnu l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; ce faisant, l'administration a exploité, après la mise en recouvrement de l'amende, ses écritures comptables en méconnaissance de la garantie instituée par le législateur.

Par des mémoires en défense enregistrés les 18 juin et 19 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société Salés Sucrés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 4 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Salés Sucrés, qui exerce une activité de commerce alimentaire de gros non spécialisé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er septembre 2008 au 31 août 2011, à l'issue de laquelle l'administration lui a infligé une amende sur le fondement du 1° du I de l'article 1736 du code général des impôts au titre de l'année 2010. Par un jugement n° 1602411/3 du 8 février 2018, dont la société Salés Sucrés relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'établissement de l'amende fiscale :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales :

" I.- Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en conserve aucun double. / (...) ".

3. Ces dispositions interdisent à l'administration fiscale de conserver les copies des fichiers d'écritures comptables après la mise en recouvrement des impositions. Ces dispositions, ainsi que cela ressort des travaux préparatoires dont elles sont issues, sont destinées à garantir au contribuable que des impositions ultérieures ne seront pas établies sur la base des données contenues dans ces fichiers. L'omission de restitution des copies des fichiers en cause, en méconnaissance des dispositions précitées, est susceptible d'entacher la régularité des impositions qui viendraient à être ultérieurement établies sur la base des données qu'ils contiennent. Elle est, en revanche, sans influence sur les impositions mises en recouvrement après la consultation et l'exploitation des fichiers.

4. Il résulte de l'instruction que les copies numériques des fichiers des écritures comptables de la société Salés Sucrés, qui ont été mises à la disposition de l'administration, lui ont été restituées avant la mise en recouvrement, le 28 mai 2013, de l'amende prévue au 1° du I e l'article 1736 du code général des impôts ainsi que cela ressort du courrier qui lui a été adressé en recommandé avec accusé de réception du 23 avril 2013, reçu le lendemain, qui précise par ailleurs que l'administration n'a conservé aucun double de ces copies. En tout état de cause, et ainsi que l'a relevé le tribunal, l'emport de copies dématérialisées, même sans l'accord du contribuable, est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que le contribuable a conservé les originaux.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ". Il résulte de ces dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de pénalités visées par le second alinéa de l'article L. 80 D précité, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations. L'administration n'est tenue de renouveler cette formalité que si, pour quelque motif que ce soit, elle modifie, avant leur mise en recouvrement, la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qu'elle se propose d'appliquer au contribuable.

6. Il résulte de l'examen de la proposition de rectification que le vérificateur, qui a visé les articles 240-1, 240-2, 87, 39 C de l'annexe III et les dispositions du 1° du I de l'article 1736 du code général des impôt, a précisé que la SAS Salés Sucrés a versé des commissions aux sociétés Partenaire et Paradis du Fruit sans porter les montants de ces commissions sur la déclaration visée à l'article 240 du code général des impôt puis renseigné, dans deux tableaux, les dates, le nombre de virements à ces deux sociétés, les numéros des comptes et le montant des commissions. Le vérificateur a, par ailleurs, indiqué les conséquences de l'application de l'article 1736 du code général des impôts soit une amende d'un montant de 32 574 euros après application d'un taux fixé à 50 % des commissions versées non déclarées au titre de 2010. Il suit de là que la société Salés Sucrés disposait de tous les éléments, issus de ses propres écritures comptables, pour comprendre l'application de l'article 1736 du code général des impôts. La circonstance que l'administration a, dans sa décision du 20 janvier 2016, partiellement rejeté la réclamation préalable de la société Salés Sucrés en précisant les éléments justifiant l'amende fiscale, à savoir que l'examen des comptes avait permis de relever que les versements en litige se rapportaient à des charges enregistrées dans le compte 622200 " Commissions et courtages sur vente " sous le lettrage " C " est sans incidence, dès lors que les informations mentionnées dans la proposition de rectification étaient suffisantes pour permettre à la société requérante de contester l'amende mise à sa charge, le caractère suffisant de la motivation étant indépendant du bien-fondé de l'amende.

Sur le bien-fondé de l'amende fiscale :

7. Aux termes de l'article 1736 du code général des impôts : " I. - 1. Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B. L'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. / (...) ". Aux termes de l'article 240 du même code : " 1. Les personnes physiques qui, à l'occasion de l'exercice de leur profession versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes dans les conditions prévues aux articles 87,87 A et 89. / Ces sommes sont cotisées, au nom du bénéficiaire, d'après la nature d'activité au titre de laquelle ce dernier les a perçues. / 1. bis La déclaration prévue au

1 doit faire ressortir distinctement pour chacun des bénéficiaires le montant des indemnités ou des remboursements pour frais qui lui ont été alloués ainsi que, le cas échéant, la valeur réelle des avantages en nature qui lui ont été consentis. / 2. Les dispositions des 1 et 1 bis sont applicables à toutes les personnes morales ou organismes, quel que soit leur objet ou leur activité, y compris les administrations de l'Etat, des départements et des communes et tous les organismes placés sous le contrôle de l'autorité administrative ".

8. Il résulte de l'instruction que, pour justifier l'application des dispositions susrappelées du 1° du I de l'article 1736 du code général des impôts à l'encontre de la société Salés Sucrés, l'administration a, au vu des écritures comptables de la société et notamment des comptes fournisseurs 401 " Part " et 401 " Par ", relevé qu'elle n'avait pas reporté sur sa déclaration annuelle de données sociales de 2010 l'intégralité des commissions qu'elle avait versées à deux sociétés, Partenaire et le Paradais du Fruit. Si la société Salés Sucrés soutient que l'administration n'apporte pas la preuve que les sommes inscrites à ces deux comptes étaient constitutives de commissions qu'elle était tenue de déclarer en application des dispositions précitées de l'article 240 du code général des impôts, il résulte toutefois de l'instruction que ces sommes étaient comptabilisées comme charges, enregistrées dans le compte 622200 " Commissions et courtage sur ventes ", et correspondent, au vu du lettrage des écritures comptables mis en oeuvre par la société elle-même, à des commissions. La société Salés Sucrés, en se bornant à soutenir sans plus de précision que les sommes en cause pourraient avoir pour contrepartie des prestations de services, ne conteste pas efficacement le bien-fondé de l'amende mise à sa charge en conséquence.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Salés Sucrés n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur fondement du 1° du I de l'article 1736 du code général des impôts au titre de l'année 2010 doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Salés Sucrés est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Salés Sucrés et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressé au directeur des contrôles fiscaux.

Délibéré après l'audience du 26 février 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 mars 2020.

Le rapporteur,

S. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01132
Date de la décision : 11/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS TAX TEAM et CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-11;18pa01132 ?
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