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10/03/2020 | FRANCE | N°18PA04054

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 mars 2020, 18PA04054


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Poisson a demandé au Tribunal administratif de Melun la décharge des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1605502 du 25 octobre 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 décembre 2018 et le 24 avril 2019, la société Poisson, représent

e par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1605502 du 25 octobre 2018 du Trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Poisson a demandé au Tribunal administratif de Melun la décharge des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1605502 du 25 octobre 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 décembre 2018 et le 24 avril 2019, la société Poisson, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1605502 du 25 octobre 2018 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises contestés ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens de l'instance ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges, qui n'ont pas examiné tous ses arguments et analysé les jurisprudences dont elle se prévalait, ont entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation ;

- la proposition de rectification du 24 juin 2015 est insuffisamment motivée ;

- les produits des cessions de ses engins de chantier, revendus en état d'obsolescence, étaient par nature exceptionnels, de sorte que, sur le terrain de la loi fiscale, ils n'avaient pas à être retenus dans le calcul de sa valeur ajoutée des années en litige ;

- le paragraphe n° 50 de l'instruction administrative référencée BOI-CVAE-BASE-20 fait échec au principe des rappels opérés par le service.

Par des mémoires en défense, enregistré le 12 mars 2019 et le 7 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Poisson ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Oriol, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Poisson, qui exerce une activité de location et location-bail de gros engins de chantier à Gretz-Armainvilliers, en Seine-et-Marne, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2012 et 2013. A l'issue de ce contrôle, diligenté selon la procédure de rectification contradictoire, le service a estimé que la société aurait dû inclure les profits tirés des opérations de cession de ses engins immobilisés au compte " 215400-Matériel industriel ", dans le calcul de sa cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. La société Poisson relève appel du jugement du 25 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels qui lui ont été proposés en conséquence.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement attaqué que pour écarter le moyen tiré de ce que le service aurait fait une inexacte application de l'article 1586 sexies du code général des impôts, le Tribunal administratif de Melun a relevé que l'activité de revente d'engins de chantier de la société Poisson apparaissait indissociable de son activité principale de location d'engins, présentait un caractère habituel et générait des profits importants, raison pour laquelle les produits en résultant ne présentaient pas de caractère exceptionnel, quand bien même, en accord avec les commissaires aux comptes, ils auraient été comptabilisés en produits exceptionnels au cours des années vérifiées. En déduisant de ce constat que les produits en litige comptaient au nombre de ceux à retenir pour le calcul de la valeur ajoutée de la société Poisson, les premiers juges, qui n'étaient tenus ni de répondre à tous les arguments soulevés devant eux, ni d'écarter explicitement les jurisprudences invoquées par la requérante, ont suffisamment motivé leur jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que celui-ci serait irrégulier doit être écarté.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

4. Dans la proposition de rectification du 24 juin 2015 adressée à la société Poisson, le service, après avoir cité les règles de droit applicables, a fait état de ce que les cessions d'engins effectuées en 2012 et 2013 entraient dans son cycle de production et devaient être regardées comme remplissant les conditions pour être considérées comme un élément du chiffre d'affaires à retenir pour le calcul de sa valeur ajoutée. Se fondant sur les données comptabilisées par la société Poisson au titre des années 2012 et 2013, notamment ses plus et moins-values, le service a ensuite dressé un tableau faisant ressortir les montants de valeur ajoutée qu'elle aurait dû déclarer, et, les confrontant aux montants ressortant de ses déclarations n° 1329, a mis en évidence des écarts de 1 281 949 euros en 2012 et 732 610 euros en 2013, sur la base desquels il a rappelé des montants de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de 19 532 euros et 11 784 euros respectivement. Dès lors que la proposition de rectification en débat faisait référence aux annexes n°s 1 et 2, dont la société Poisson ne conteste pas qu'elles l'ont mise en mesure de comprendre les calculs effectués par le service, elle doit être regardée comme lui ayant permis de présenter utilement ses observations, dans le respect du contradictoire. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'elle aurait été insuffisamment motivée au regard des exigences posées par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " I. - Les personnes physiques ou morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 € sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies. Pour la détermination de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, on retient la valeur ajoutée produite et le chiffre d'affaires réalisé au cours de la période mentionnée à l'article 1586 quinquies, à l'exception, d'une part, de la valeur ajoutée afférente aux activités exonérées de cotisation foncière des entreprises en application des articles 1449 à 1463 et 1464 K, à l'exception du 3° de l'article 1459, et, d'autre part, de la valeur ajoutée afférente aux activités exonérées de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en application des I à III de l'article 1586 nonies. (...) 2. La fraction de la valeur ajoutée mentionnée au 1 est obtenue en multipliant cette valeur ajoutée par un taux égal à 1,5 % (...) ". L'article 1586 sexies du même code dispose que : " I.-Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : 1. Le chiffre d'affaires est égal à la somme : (...) - des plus-values de cession d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante ; (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1 (...) b) Et, d'autre part : (...) - les moins-values de cession d'éléments d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante ".

6. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une des catégories d'éléments comptables énumérés au I de l'article 1586 sexies du code général des impôts, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. Il en est de même pour déterminer, le cas échéant, le mode de calcul des éléments comptables ainsi énumérés.

7. Il résulte de l'instruction que dans le cadre de son activité de location d'engins de chantier, la société Poisson renouvelle régulièrement ceux mis à la disposition de sa clientèle, dont la durée de vie n'excède pas huit ans, en les cédant lorsqu'ils arrivent en fin de cycle, sans être pour autant inexploitables. Les opérations de cession dont s'agit, de l'ordre de plusieurs dizaines en 2012 et 2013, ont été prévisibles, régulières et systématiques sur ces deux années et ont permis à la société Poisson de réaliser des gains non négligeables. Elles doivent donc être regardées comme s'étant inscrites dans le cycle normal de renouvellement de ses immobilisations destinées à la location, dont elles ne peuvent être dissociées, revêtant de ce fait un caractère habituel, de sorte qu'elles faisaient partie de son modèle économique. Par suite, les produits des cessions d'engins en cause ne constituaient pas, pour la société Poisson, des produits exceptionnels, mais des produits de gestion courante. Contrairement à ce que la société soutient, et malgré les préconisations de ses commissaires aux comptes, les normes comptables qui lui étaient applicables ne faisaient pas obstacle à une comptabilisation du produit des cessions en débat en produits de gestion courante de l'exercice, dès lors que, compte tenu de la spécificité de son activité, elle aurait pu les comptabiliser comme tels, alors même que le plan comptable général prévoit l'enregistrement des plus ou moins-values de cessions d'immobilisation dans des comptes de produits et charges exceptionnels. C'est donc à bon droit que le service a retenu les produits des cessions en cause dans le calcul de la valeur ajoutée de la société Poisson tel que prévu par l'article 1586 sexies du code général des impôts et lui a en conséquence proposé les rappels en litige.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

9. Si la société Poisson se prévaut de l'instruction administrative référencée BOI-CVAE-BASE-20 n° 50 du 21 février 2013, qui exclut du chiffre d'affaires concourant à la détermination de la valeur ajoutée les cessions d'immobilisations réalisées par une entreprise qui n'en a plus l'usage et qui n'entrent pas dans son cycle de production, cette même instruction prévoit que doivent être incluses dans le chiffre d'affaires les cessions d'immobilisations présentant un caractère normal et courant, ce qui est le cas en l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus. De plus, la société Poisson ne saurait se référer à l'exemple d'obsolescence donné par la doctrine en cause, qui concerne les cessions de machines-outils réalisées par une entreprise industrielle, ce qu'elle n'est pas. Par suite, le moyen soulevé sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Poisson n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les dépens de l'instance :

11. La société Poisson n'établit pas avoir engagé de dépens dans la présente instance. Sa demande tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de l'Etat ne peut donc, en tout état de cause, qu'être rejetée.

Sur les frais de justice :

12. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société Poisson présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Poisson est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Poisson et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique Est).

Délibéré après l'audience du 25 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme Oriol, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

Le rapporteur,

C. ORIOLLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA04054


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA04054
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-01 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Professions et personnes taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : COSSIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-10;18pa04054 ?
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