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10/03/2020 | FRANCE | N°18PA03080

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 mars 2020, 18PA03080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1619731/2-1 du 10 juillet 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 septembre 2018 et le 26 juin 2019, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :<

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1°) d'annuler le jugement n° 1619731/2-1 du 10 juillet 2018 du Tribunal administratif de Paris ;...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1619731/2-1 du 10 juillet 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 septembre 2018 et le 26 juin 2019, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1619731/2-1 du 10 juillet 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 2013 sur le fondement de l'article 168 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le financement de son train de vie n'implique pas la possession des revenus déterminés forfaitairement par l'administration en application de l'article 168 du code général des impôts ;

- l'interprétation de l'article 168 du code général des impôts retenue par l'administration méconnaît la décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011 du Conseil constitutionnel ;

- s'agissant de la substitution de base légale sollicitée par le ministre, elle reconnaît avoir perçu des salaires imposables pour un montant de 24 000 euros en 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, il sollicite le maintien du principe de l'imposition à hauteur de la somme de 24 000 euros dans la catégorie des traitements et salaires.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., de nationalité roumaine, qui n'a souscrit aucune déclaration de revenus en France au titre des années 2012 et 2013, a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au terme duquel, après avoir estimé qu'elle était fiscalement domiciliée en France en 2013, l'administration fiscale a procédé à une évaluation forfaitaire de son revenu imposable au titre de cette année en application des dispositions de l'article 168 du code général des impôts et lui a notifié, par une proposition de rectification en date du 10 novembre 2015, les rehaussements de son revenu imposable en résultant. Mme A... relève appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'évaluation forfaitaire des revenus imposables sur la base des éléments de train de vie :

2. Aux termes du 1 de l'article L. 63 du livre des procédures fiscales : " Lorsque les agents des impôts constatent une disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, ils peuvent modifier la base d'imposition dans les conditions prévues à l'article 168 du code général des impôts ". Et l'article 168 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2010, dispose que : " 1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après, compte tenu, le cas échéant, de la majoration prévue au 2, lorsque cette somme est supérieure ou égale à 44 111 € (...) : ELEMENTS DU TRAIN DE VIE / BASE. 1. Valeur locative cadastrale de la résidence principale, déduction faite de celle s'appliquant aux locaux ayant un caractère professionnel / cinq fois la valeur locative cadastrale. 2. Valeur locative cadastrale des résidences secondaires, déduction faite de celle s'appliquant aux locaux ayant un caractère professionnel / cinq fois la valeur locative cadastrale. (...) 2 bis. La disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème et de la majoration prévue aux 1 et 2 excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition, le montant du revenu net global déclaré y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l'impôt par l'application d'un prélèvement. 3. Le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation de son capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie ".

3. Les dispositions précitées de l'article 168 du code général des impôts, interprétées au regard de la réserve d'interprétation dont la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011 a assorti la déclaration de conformité à la Constitution des dispositions du 3 de cet article, établissent une présomption simple de perception par le contribuable des revenus forfaitairement évalués au regard des éléments de train de vie dont il dispose sur la base du barème prévu par ces dispositions. Il peut renverser cette présomption en justifiant que le financement des éléments de train de vie pris en compte pour l'application de ces dispositions n'impliquait pas la perception des revenus définis forfaitairement correspondant à ces éléments.

4. Après avoir constaté que Mme A... n'avait souscrit aucune déclaration de revenus au titre des années 2012 et 2013 et estimé qu'il existait une disproportion entre son train de vie et ses revenus en 2013, l'administration fiscale a procédé à une évaluation forfaitaire de ses revenus imposables au regard des éléments de son train de vie sur le fondement des dispositions de l'article 168 du code général des impôts. En application du barème prévu par ces dispositions, l'administration a fixé ses bases d'imposition pour l'année 2013 au montant de 65 105 euros correspondant à cinq fois la valeur locative cadastrale d'un appartement situé au 47 de la rue Lauriston, dans le seizième arrondissement de Paris et 50 % de la valeur d'un véhicule automobile.

5. Mme A... soutient que la détention de cet appartement et de ce véhicule ne nécessitait pas l'existence de revenus d'un tel montant dès lors qu'elle en avait acquis la propriété antérieurement à l'année en litige, alors qu'elle était encore résidente fiscale roumaine, en février 2011 s'agissant de l'appartement et en 2012 s'agissant du véhicule, et que dans ces conditions les salaires qu'elle avait perçus au titre de l'année 2013 pour un montant total de 24 000 euros suffisaient au financement de son train de vie. D'une part, Mme A... est fondée à soutenir que le ministre ne peut utilement faire valoir dans le cadre de l'évaluation forfaitaire prévue par les dispositions de l'article 168 du code général des impôts qu'ellene justifie pas l'ensemble des dépenses relatives au train de vie courant telles que l'alimentation quotidienne, les frais d'habillement, de santé, de loisir, dès lors que ces dépenses n'ont pas trait au financement d'éléments de patrimoine effectivement pris en compte dans le cadre de l'évaluation opérée sur le fondement des dispositions de l'article 168 du code général des impôts. D'autre part, le ministre ne conteste ni que la requérante était propriétaire des éléments de patrimoine retenus pour l'évaluation forfaitaire de ses revenus, ni qu'elle en avait acquis la propriété antérieurement à l'année d'imposition en litige. Enfin, eu égard aux éléments et justificatifs produits devant la Cour, pour partie nouveaux en appel, la requérante justifie que les dépenses liées à la détention de l'appartement et du véhicule en cause n'étaient pas d'une importance telles qu'elles nécessitaient l'existence de revenus du montant évalué par l'administration et que les salaires de 24 000 euros qu'elle a perçus en 2013 suffisaient à financer ces dépenses.

En ce qui concerne la substitution de base légale :

6. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure, en vue de justifier devant le juge de l'impôt du bien-fondé des impositions contestées, de leur donner une nouvelle base légale, sous réserve que cette substitution ne prive pas le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi. Devant la Cour, le ministre demande, par voie de substitution de base légale, que les revenus perçus par Mme A... au cours de l'année 2013 soient à hauteur du montant de 24 000 euros imposés en tant que salaires dans la catégorie des traitements et salaires. Il ressort à cet égard de l'instruction que Mme A... a créé en 2011 une société en France dont elle était la gérante et qui lui a versé des salaires en 2013. Par ailleurs, Mme A..., qui ne s'oppose au demeurant pas à la substitution de base légale sollicitée, reconnaît expressément avoir perçu des salaires en 2013 pour un montant total de 24 000 euros. Dans ces conditions, dès lors que ce changement de base légale ne prive Mme A... d'aucune des garanties de procédure auxquelles elle pouvait prétendre, il y a lieu de faire droit à la demande présentée par le ministre.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de Mme A... au titre de l'année 2013 sont fixées à la somme de 24 000 euros dans la catégorie des traitements et salaires.

Article 2 : Mme A... est déchargée des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes à hauteur de la différence entre les impositions et pénalités contestées et celles résultant de la base d'imposition fixée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 1619731/2-1 du 10 juillet 2018 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 25 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

Le rapporteur,

L. C...

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA03080


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03080
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SELARL CCPE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-10;18pa03080 ?
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