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05/03/2020 | FRANCE | N°19PA02413

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 05 mars 2020, 19PA02413


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 23 avril 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1903865 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 23 avril 2019 en tant qu'il a p

rononcé à l'encontre de M. D... une interdiction de retour pour une durée de deux an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 23 avril 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1903865 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 23 avril 2019 en tant qu'il a prononcé à l'encontre de M. D... une interdiction de retour pour une durée de deux ans, a enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de procéder sans délai à l'effacement du nom du requérant du fichier d'information Schengen, a mis à la charge de l'Etat la somme de 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2019, complétée par un dépôt de pièces le 17 septembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903865 du 13 juin 2019 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de la requête ;

2°) d'annuler les décisions du 23 avril 2019 par lesquelles le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de fait, en ce qu'il indique qu'il est célibataire et sans enfant, révélant un défaut d'examen de la situation personnelle ;

- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure dès lors que, contrairement à ce qui est indiqué dans le procès-verbal de retenue, il avait demandé l'assistance d'un avocat ; le jugement attaqué a opéré un renversement de la charge de la preuve sur ce point ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant refus de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2019, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me C..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant brésilien né en avril 1969, est selon ses déclarations entré pour la première fois en France en 2005 et s'y est maintenu jusqu'en 2012 avant de retourner au Brésil. Il est à nouveau entré en France le 1er août 2016 et s'y est maintenu depuis lors selon ses déclarations. Il a été interpellé le 23 avril 2019 lors d'un contrôle de police à Boulogne Billancourt qui a fait apparaitre qu'il était dépourvu de papiers l'autorisant à séjourner en France. Par un arrêté du même jour, le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. D... fait appel du jugement du 13 juin 2019 du tribunal administratif de Melun en tant que, après avoir annulé l'interdiction de retour, il a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

2. En premier lieu, l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. Si, à l'occasion d'un contrôle effectué en application de l'article L. 611-1 du présent code, des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale (...), il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu (...) à fin de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire met l'étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. (...) L'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire informe aussitôt l'étranger, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des motifs de son placement en retenue et de la durée maximale de la mesure ainsi que du fait qu'il bénéficie : 1° Du droit d'être assisté par un interprète ; 2° Du droit d'être assisté par un avocat (...) ".

3. Si M. D... soutient que, contrairement à ce qui est indiqué dans le procès-verbal de retenue, il a sollicité l'assistance d'un avocat au cours de la retenue aux fins de vérification du droit de circulation ou de séjour sur le territoire français dont il a fait l'objet le 23 avril 2019 dans le cadre d'une réquisition du procureur de la République de Nanterre, les conditions d'interpellation et de retenue, dont il appartient au seul juge judiciaire de connaître, sont sans incidence sur la légalité de la décision du préfet obligeant l'intéressé à quitter le territoire français. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, notamment les articles L. 511-1 I 2° et L. 511-1 II 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne les éléments de fait relatifs à la situation de M. D..., notamment la circonstance que ce dernier, entré en France en juillet 2016 selon ses déclarations, s'est maintenu sur le territoire français depuis cette date et au-delà du délai de trois mois sans être titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui le fondent et est suffisamment motivé.

5. En troisième lieu, il est constant que le préfet des Hauts-de-Seine a, de manière erronée, mentionné dans l'arrêté que M. D... était célibataire et sans enfant alors que celui-ci avait indiqué dans son audition par les services de police vivre en France avec une compatriote qui est sa compagne et leur fils né en 2009. Toutefois, l'erreur ainsi commise par le préfet ne saurait révéler, par elle-même, un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de M. D.... De plus, alors que l'arrêté mentionne que M. D... ne vit en France que depuis deux ans et huit mois et qu'il est constant que sa compagne est elle aussi en situation irrégulière, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine aurait pris la même décision, fondée sur le caractère irrégulier et récent de son séjour en France, s'il n'avait pas commis cette erreur de fait.

6. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. D..., qui a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 20 janvier 2010, soutient sans l'établir avoir résidé en France de 2005 à 2012 puis à compter d'août 2016 et se prévaut de ses attaches familiales sur le territoire français, notamment de la présence de sa compagne et de son fils, et de son insertion professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. D... ne résidait en France que depuis deux ans et huit mois à la date de la décision attaquée et ne parlait pas français. En outre, sa compagne est également en situation irrégulière en France, et l'enfant, qui est également de nationalité brésilienne, n'est scolarisé en France que depuis le 20 février 2007 selon les certificats produits et en classe de CE2 à la date de la décision attaquée. M. D... n'allègue pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu encore récemment. Dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En cinquième lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision d'obliger M. D... à quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article 7-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux ".

10. M. D... fait valoir qu'il vit en France avec sa compagne et leur fils, scolarisé en France. Toutefois, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale du requérant se reconstitue au Brésil, pays dont sa compagne, en situation irrégulière en France, et leur fils sont ressortissants, et où l'enfant pourra poursuivre sa scolarité. Par suite, la décision obligeant M. D... à quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 7-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

11. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. D... est revenu en France avec l'intention de s'y établir sans demander de visa de long séjour, bien qu'il ait déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, et s'y maintient irrégulièrement depuis août 2016. Il a déclaré, lors de son audition devant les services de police le 23 avril 2019, ne pas envisager de retourner au Brésil. Dans ces conditions, le préfet des Hauts-de-Seine a pu sans erreur manifeste d'appréciation refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, alors même que son fils de neuf ans était scolarisé en France.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente de chambre,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mars 2020.

Le rapporteur,

A. B...La présidente,

S. E...Le greffier,

M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02413 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02413
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SELARL BEAUBOURG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-05;19pa02413 ?
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